LA REDDITION DE BREDA de Velàzquez (analyse)
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
La clémence de l'Espagne
Une si grande bienveillance reflète en partie ce
qui se passa à Breda en 1625.
La ville se rendit
après un s iège d'un an, sans effusion de sang.
Un acte de reddition fut signé, dont les termes,
particulièrement magnanimes , laissaient les
Hollandais se retirer en bon ordre, battant tam·
beurs et couleurs au vent.
En 1627, le graveur
français Jacques Callot représenta l'événement,
montrant Spinola , à cheval , flanqué de ses sol
dats , passant en revue la troupe des vaincus
menée par un carrosse dans lequel avait pris
place le gouverneu r de la ville.
Mais nul docu·
ment ne nous informe sur les conditions dans
lesquelles se déroula la remise des clés, et
Velazquez, bien sûr, n 'assista pas à l'événement.
C'es t une pièce du g rand auteu r Calderon de la
Barca , El sitio de Breda , jouée en 1626 , qui dut
inspirer au peintre l'idée d 'exprimer par une
composition iconographique neuve la clémence
du vainqueur.
Dans la scène prin cipale de la
pièce, en effet, Nassau remet les clés de la ville à
Spinola, qui les accepte en disant : •Justin, je les
reçois I et reconnais votre vaillance / car la
valeur du vaincu /fait la gloire du vainqueur •.
L'invention de Velazquez tran sforme la reddi
tion en quelque chose de plus qu'une simp le
victoire militaire.
L'attitude du vainqueur ,
pleine de généros ité et d'élégan ce, révèle la
gra ndeur morale de l'E s pag ne, et donc son
droit naturel à dominer.
L'ord re et le déso r dre
Pourtant , la puissance des armées espagnoles
est quand même subtilement évoquée : en
arrière du vainqueur , le motif vertical des lances ,
qui a donné son aut re nom (les Lan ces) à la
Reddition de Breda, traduit le nombre des régi ·
ments d'infanterie au service de Philippe N et
leur discipline.
L'ordonnance presque parfaite de
ces lances contraste avec le désordre et l'épar ·
pillement des armes des Holl andai s, fusils,
lances plus courtes et hallebardes , rares et dis·
posées irré gulièrement.
L'équipement tout
entie r des soldats vaincus contraste avec le por ·
trait de groupe des officiers espagnols.
À
gauche, du côté des forces hollandaises, les
hommes de troupe sont au premier plan,
visages mal rasés , fatigués; l'un d 'eux , vu de
dos , est vêtu d 'un manteau de daim somptueu
sement traité qui fait écho à la robe du cheva l
du vainqueur , sur la droite .
En arrière du général
Spinola , les chefs des troupes espagnoles assis ·
tent à la cérémonie en bon o rdre , dans des
tenues imp eccables.
La radiographie du tableau montre que
Velazquez n'est parvenu que progressivement
à créer une image aussi forte .
Précédée de des
sins préparatoires (ce qui est exceptionnel
dans l'œuvre de Velazquez ), la Redditi on de
Breda se présente à l 'analyse aux rayons X
comme un fouillis de ligne s presque indéchif
frable.
De multiples changements sont inter
venus en cours d 'exécution, les principales
rect ifications portant sur l'élément symbo
lique majeur, le gro upe des lances espagnoles ,
que Velazquez avait repr ésentées plus courtes
dans un premier temps .
La force du tableau tient à cette maturation
lente.
Les poses des personnages ont aussi été
subtilement modifiées à mesure que le tableau
prenai t forme, de façon à donner plus de vie au
chef-d 'œuvre.
Tel personnage est représenté en
train de regarder le spectateur au lieu d'exami
ner la scène; tel autre, comme le magnifique
capitaine en blanc , admoneste probablement un
chien ou un peti t valet d'armes caché par les
grandes silhouettes du premier plan; un dernier ,
enfin, un fantassin espagnol au visage quelque
peu inquiétant sous son grand chapeau à
rebords, semb le plongé dans ses pensée s.
Ces repentirs ont laissé des traces visibles à
l'œil nu dans le tableau.
Sous le bras du géné·
rai Spinola, une traînée noire marque l 'ancien
tracé de la manche , plus large.
Un peu plus
haut, le chapeau du fantassin q ue nous avons
cité se dédouble, vestige de la forme que
Velazquez avait d'abord dessinée.
Une chose, pourtant, semble n'avo ir jamais
varié dans le tableau : c'est l'é quilibre des
teintes , qui oppose le premier plan, avec ses
g rands personnages aux couleu rs brunes,
noires ou verte, fortement contr astée s, et le
paysage qui se développe en con trebas, dans
des teintes rosées et bleutées dont les transpa·
rences nacrées rappellent l'aquarelle.
Voir aussi : p.
196-197 (Les Ménines ).
Haute de 307 cm et large de 367 cm, la Redd ition de Breda ,
constitue la plus grande peinture qui
ait été conservée de Velâzquez.
L'œuvre , une huile sur toi le , fut
exécutée en 1635 pour décorer le
salon des Royaumes du palais d'é té
du roi d'E spagne , le Buen Retira .
Au xv111 • siècle, elle passa au Palacio
Nuevo, puis entra au musée du Prado en même temps que l'autre grand tableau de Velazquez, les Ménines , en 1819 ..
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