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La notion de matérialité dans l’historiographie de l’histoire de l’art

Publié le 22/05/2017

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La notion de matérialité dans l’historiographie de l’histoire de l’art   Dans L’Obvie et l’obtus (1982) Roland Barthes dénonce un injuste déni de la dimension matérielle des peintures : « Une autre histoire de la peinture est possible, qui n’est pas celle des œuvres et des artistes, mais celle des outils et des matières ; pendant longtemps, très longtemps, l’artiste, chez nous, n’a reçu aucune individualité de son outil ». Aujourd’hui, Roland Barthes considérerait peut-être avoir obtenu gain de cause : la matérialité est au cœur d’une nouvelle verve historiographique, en témoignent les recherches actives du Getty Art Center sur ce concept en 2015.  Mais qu’est-ce que la matérialité ?  Le dictionnaire du Littré la désigne d’abord comme « la qualité de ce qui est matériel », autrement dit le corps de la matière, son squelette : matériaux, techniques, styles luis sont donc associés. Cependant, par extension de sens, la matérialité connote d’une dynamique. Elle évoque alors une existence sensible, une situation spatio-temporelle. Par métonymie, elle implique donc la perception du spectateur, ses capacités d’identification, sa réception de l’œuvre : elle serait donc au cœur d’une démarche interprétative de l’historien. Or, l’historiographie traditionnelle ignore la matérialité qui n’est conceptualisée qu’à la fin du XVIII ème siècle avec le mécanisme de type cartésien. Ne subsiste la « matière » en opposition à une conception idéelle et cognitive de l’œuvre d’art. On peut donc se demander comment l’historiographie supplante le concept restreint de matière par l’élastique notion de matérialité, qui intègre temporalité, spatialité et conscience du récepteur. Comment donc cet élargissement notionnel questionne-t-il les limites de la discipline de l’histoire de l’art, en revisitant le concept « d’œuvre d’art » et les mécanismes d’étude qui lui est associé ?   Il convient d’abord d’étudier une ouverture progressive de l’historiographie à l’étude des matériaux et de la matière. Cette nouvelle orientation de la recherche montre l’originalité du matériaumatière : ainsi, nous verrons que la matérialité se traduit par la valeur de la matière-matériau dans un contexte social et fonctionnel. D’où, cette « vie de matière » incite l’histoire de l’art à redéfinir le concept d’œuvre ainsi que les capacités de saisie scientifiques de l’œuvre par l’historien de l’art.   Depuis Platon, une opposition se tisse entre matière (materia) et idée (disegno) : « les sens ressortissent à la terre ; la raison, à l’écart, reste contemplative » commente Léonard de Vinci. Négligée, la matière est pourtant mise sur un rang d’honneur lorsque au XX ème siècle, « l’art nouveau » rompt avec une théorie artistique ancienne : la matière acquiert un sens particulier d’autoinstitution et d’expressivité. C’est pourquoi l’étude du matériau est une nouvelle orientation de l’historiographie.  La notion grecque de mimesis développée par Aristote, disciple de Platon, a nourri une conception de l’art avant tout idéelle, presque anti matérielle : dans La Poétique, Aristote opère une distinction fondamentale entre la forme (morpho) et la matière (hylo). Ainsi, toute matière est, dans une œuvre d’art, ordonnée par une rationalité. La matière est donc secondaire, voire inexistante puisqu’elle n’est précisément pas définie. Dans De pictura (publié en 1436), Leon Battista Alberti rappelle que la peinture est avant tout une « causa mentale » (un processus de pensée, selon les mots de Léonard de Vinci). Sa théorie d’élaboration d’une œuvre d’art annexe la réception de la lumière et la composition à la circonscription des contours, donc à la forme rationnelle. Par exemple, le dessin est bien une science inspirée de la géométrie : or, les mathématiques sont souvent associées, comme dans le cas du chiffre d’or (mentionné par Luca Pacioli dans La Divine Proportion à la fin du XV ème siècle et illustré par Léonard de Vinci) à une dimension divine, incommensurable. Pour cette raison, la matière a été considérée comme un simple matériau, permettant un remplissage : d’où sa subordination à des théories conceptuelles. En effet, la libéralité de l’artiste dépend de sa capacité à effacer les marques de fabrication de son œuvre, son artisanat, pour exprimer sa Spressatura (ou l’intelligente feinte du naturel). Pour cela, il existe des hiérarchies entre les arts selon leur degré de rattachement à la libéralité, ainsi que des manuels dictant la démarche des artistes. Un des exemples les plus illustres est sans doute celui de Cennino Cennini, héritier de la technique la fresque selon (probablement) Giotto : son manuel Il Libro dell’arte (rédigé vers 1390) est une didactique de cet art. Mais cet exemple même de manuel montre que la matière peut acquérir une valeur particulière. Nait alors l’idée d’une poétique du matériau et une sémiologie de la matière. John Gage, dans Couleurs et...
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« l'art à redéfinir le concept d'oeuvre ainsi que les capacités de saisie scientifiques de l'oeuvre par l'historien de l'art.

  Depuis Platon, une opposition se tisse entre matière (materia) et idée (disegno) : « les sens ressortissent à la terre ; la raison, à l'écart, reste contemplative » commente Léonard de Vinci. Négligée, la matière est pourtant mise sur un rang d'honneur lorsque au XX ème siècle, « l'art nouveau » rompt avec une théorie artistique ancienne : la matière acquiert un sens particulier d'autoinstitution et d'expressivité.

C'est pourquoi l'étude du matériau est une nouvelle orientation de l'historiographie.

 La notion grecque de mimesis développée par Aristote, disciple de Platon, a nourri une conception de l'art avant tout idéelle, presque anti matérielle : dans La Poétique, Aristote opère une distinction fondamentale entre la forme (morpho) et la matière (hylo).

Ainsi, toute matière est, dans une oeuvre d'art, ordonnée par une rationalité.

La matière est donc secondaire, voire inexistante puisqu'elle n'est précisément pas définie.

Dans De pictura (publié en 1436), Leon Battista Alberti rappelle que la peinture est avant tout une « causa mentale » (un processus de pensée, selon les mots de Léonard de Vinci).

Sa théorie d'élaboration d'une oeuvre d'art annexe la réception de la lumière et la composition à la circonscription des contours, donc à la forme rationnelle.

Par exemple, le dessin est bien une science inspirée de la géométrie : or, les mathématiques sont souvent associées, comme dans le cas du chiffre d'or (mentionné par Luca Pacioli dans La Divine Proportion à la fin du XV ème siècle et illustré par Léonard de Vinci) à une dimension divine, incommensurable.

Pour cette raison, la matière a été considérée comme un simple matériau, permettant un remplissage : d'où sa subordination à des théories conceptuelles.

En effet, la libéralité de l'artiste dépend de sa capacité à effacer les marques de fabrication de son oeuvre, son artisanat, pour exprimer sa Spressatura (ou l'intelligente feinte du naturel). Pour cela, il existe des hiérarchies entre les arts selon leur degré de rattachement à la libéralité, ainsi que des manuels dictant la démarche des artistes.

Un des exemples les plus illustres est sans doute celui de Cennino Cennini, héritier de la technique la fresque selon (probablement) Giotto : son manuel Il Libro dell'arte (rédigé vers 1390) est une didactique de cet art.

Mais cet exemple même de manuel montre que la matière peut acquérir une valeur particulière.

Nait alors l'idée d'une poétique du matériau et une sémiologie de la matière.

John Gage, dans Couleurs et Culture (2009) étudie par exemple l'ambiguïté du statut des. »

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