La notion de matérialité dans l’historiographie de l’histoire de l’art
Publié le 22/05/2017
Extrait du document
«
l'art à redéfinir le concept d'oeuvre ainsi que les capacités de saisie scientifiques de l'oeuvre par l'historien
de l'art.
Depuis Platon, une opposition se tisse entre matière (materia) et idée (disegno) : « les sens
ressortissent à la terre ; la raison, à l'écart, reste contemplative » commente Léonard de Vinci.
Négligée, la matière est pourtant mise sur un rang d'honneur lorsque au XX ème siècle, « l'art nouveau
» rompt avec une théorie artistique ancienne : la matière acquiert un sens particulier d'autoinstitution et
d'expressivité.
C'est pourquoi l'étude du matériau est une nouvelle orientation de l'historiographie.
La
notion grecque de mimesis développée par Aristote, disciple de Platon, a nourri une conception de l'art
avant tout idéelle, presque anti matérielle : dans La Poétique, Aristote opère une distinction
fondamentale entre la forme (morpho) et la matière (hylo).
Ainsi, toute matière est, dans une oeuvre d'art,
ordonnée par une rationalité.
La matière est donc secondaire, voire inexistante puisqu'elle n'est
précisément pas définie.
Dans De pictura (publié en 1436), Leon Battista Alberti rappelle que la peinture
est avant tout une « causa mentale » (un processus de pensée, selon les mots de Léonard de Vinci).
Sa
théorie d'élaboration d'une oeuvre d'art annexe la réception de la lumière et la composition à la
circonscription des contours, donc à la forme rationnelle.
Par exemple, le dessin est bien une science
inspirée de la géométrie : or, les mathématiques sont souvent associées, comme dans le cas du
chiffre d'or (mentionné par Luca Pacioli dans La Divine Proportion à la fin du XV ème siècle et illustré par
Léonard de Vinci) à une dimension divine, incommensurable.
Pour cette raison, la matière a été
considérée comme un simple matériau, permettant un remplissage : d'où sa subordination à des
théories conceptuelles.
En effet, la libéralité de l'artiste dépend de sa capacité à effacer les marques
de fabrication de son oeuvre, son artisanat, pour exprimer sa Spressatura (ou l'intelligente feinte du naturel).
Pour cela, il existe des hiérarchies entre les arts selon leur degré de rattachement à la libéralité, ainsi
que des manuels dictant la démarche des artistes.
Un des exemples les plus illustres est sans doute celui de
Cennino Cennini, héritier de la technique la fresque selon (probablement) Giotto : son manuel Il Libro dell'arte
(rédigé vers 1390) est une didactique de cet art.
Mais cet exemple même de manuel montre que la matière
peut acquérir une valeur particulière.
Nait alors l'idée d'une poétique du matériau et une sémiologie
de la matière.
John Gage, dans Couleurs et Culture (2009) étudie par exemple l'ambiguïté du statut des.
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