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LA NATIVITÉ de Piero della Francesca

Publié le 29/06/2011

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Londres, National Gallery Tableau, 126 X 123 cm. Peint vers 1475

Ce tableau, considéré par certains critiques comme inachevé, et par d'autres comme violemment dépouillé par d'imprudentes restaurations, fut cédé, par les descendants de Marco, frère de Piero, à un Florentin, lequel, en 1861, le céda à son tour à un Anglais, Mr. Alexander Barker; de là, il échut à la National Gallery, par une vente aux enchères, en 1874.

« cependant toujours régulièrement dans sa patrie avec une fidélité admirable, comme s'il n'avait pu se séparer de sesrustiques concitoyens. C'est à Borgo, en effet, que les rares documents nous le montrent en 1441, de retour de Florence, appelé à siégerparmi les conseillers de la commune, en 1445, en 1454, entre 1460 et 1470, en 1466, en 1467, en 1469, en 1471,en 1478, en 1480 enfin, acceptant de faire partie des prieurs de la Confrérie de San-Bartolomeo.

Depuis lors, il nes'absenta peut-être plus de Borgo, comme le font penser la date de son testament (1487) et celle de sa mort(1492). Il est donc permis d'imaginer le créateur des belles harmonies chromatiques des fresques d'Arezzo vêtu de la robearistocratique et sévère d'un sage antique, ou mieux, d'une espèce de saint François laïque de la Renaissance, pourqui toutes choses sont des apparences égales en leur essence et liées à un seul maître qui est la couleur, dans unordre tout humain et naturel en même temps, chez qui drames et passions deviennent les scènes normales d'unmerveilleux spectacle pour le peintre amoureux des jeux de la lumière sur les formes des choses, et qui regarde lavie avec le détachement d'un philosophe qui a pénétré la raison secrète de tout ce qui arrive sous l'éternel soleil. Cette propension particulière de Piero, poétique et philosophique à la fois, doit l'avoir poussé à s'attacher au maîtrequi, plus que tous, dans la Florence du temps, était véritablement peintre, au Vénitien Domenico.

Et pendant sonapprentissage chez Domenico, elle dut l'inciter à méditer sur le caractère et les tendances de cette pépinière decréateurs qu'était la Florence de ces années.

C'était le temps où les événements artistiques semblaient les pluslourds de con-séquences pour la civilisation naissante de l'homme qui avait redécouvert la joie d'un monde nouveau,ouvert à son ambition et à sa soif d'affirmations physiques et spirituelles.

Masaccio lançait dans la terre nouvelle etretrouvée de l'art ses figures tourmentées par l'effet des préoccupations plastiques, formes dramatiques d'argileemportée, frémissantes d'une vie encore inconnue, et Brunellesco lançait dans le ciel la coupole ambitieuse quidevait ravir aux anciens le secret des espaces mesurés en dimensions d'une sublime harmonie ; Donatello, dans safougue créatrice, voulait tout posséder, la perfection classique avec la nature terriblement vraie et exaspérémentplastique.

Piero vit et comprit l'exubérante passion de la mathématique avec laquelle ces rythmes et ces valeursnouveaux étaient lancés comme un défi à un espace encore inconnu et inhumain que l'on voulait conquérir, dompteret posséder en le supprimant et le cor-rompant avec la vigueur typique de ce temps. Et, d'autre part, sa sensibilité placide et attentive lui permit de saisir la douceur des harmonies déployées par FraAngelico dans l'écriture fleurie de ses fables célestes, ainsi que le souffle, précurseur de brillants renouvellements,qui, à la manière de Masolino, transformait le souvenir des élégances siennoises et des douces cadences médiévalesen une promesse encore en herbe, mais certaine.

C'est de ces éléments, qui annoncent de loin les visionsfabuleuses de Paolo Uccello, chez qui la vision semble se cristalliser en des harmonies héraldiques à la limite del'humain, que Piero s'inspira dans son impétueuse conquête de l'espace animé jusque dans les plus subtilespulsations chromatiques, portant à la plus haute expression lyrique l'intime amour de Domenico pour les lumièresnettes et omniprésentes, sous une perspective qui fut absolument sienne et nouvelle, non seulement physique, maisacrienne et atmosphérique, extraordinairement lyrique, où tout le visible devait se résoudre en l'unique orchestrationdes couleurs, pour la plus haute félicité du contemplateur. C'est par cela qu'il se distingue de tous les peintres de la première Renaissance : de Masaccio, en exprimant dansl'espace une même vie jusqu'alors limitée aux figures et aux volumes ; d'Uccello, en transformant le clair-obscurabstrait en un clair-obscur coloré aux tons harmonieux ; de ces deux puissants visionnaires, en fondant dans lacouleur la perspective théorique et géométrique de Paolo avec l'excessive puissance volumétrique de Masaccio.

Lalumière de Piero a une plénitude solaire, universelle, qui vivifie corps et contours jusque dans les ombres où lacouleur se module sans perdre son éclat, en ces secrètes harmonies que seuls les Flamands osèrent demander à lapalette de leurs grands peintres. Ces qualités remplissent d'admiration celui qui regarde une des premières oeuvres que la critique lui attribue, leBaptême du Christ (Londres, National Gallery) de 1440-1445 ; au delà d'une évidente parenté aussi bien avecMasolino qu'avec Domenico, Piero fait le premier pas vers sa conquête personnelle de la lumière et de la perspective,touchant avec l'émerveillement d'un néophyte les corps et les arbres, les eaux, le ciel et les lointains animés dedouces et sereines vibrations, d'un pinceau net et sûr qui saisit l'essence la plus intime des formes, dans uneextatique et pure simplicité.

La profondeur de l'espace nouveau et plus vrai découvert par la Renais-sance se révèleet se dévoile, et Piero en est l'annonciateur sévère et solennel. Outre cette très douce vision de lumières limpides et heureuses dans l'architecture de Piero où les arbres, les corpset les collines sont des mesures architectoniques, créatrices de rythmes et de registres musicaux pour les harmoniesde la couleur et des apparences, il y aura plus tard (Flagellation du Christ, Urbin, Pinacothèque) les vraies colonnes,les arches, les miroirs des portes et les échiquiers du sol. La sûreté de son génie éclate d'ailleurs une fois de plus dans les parties autographes du polyptyque de laMiséricorde (Galerie de San Sepolcro), dans lequel le peintre a signé les pages autobiographiques de son évolution,depuis le Saint Sébastien (1445) inspiré de Masaccio jusqu'à sa maturité complète dans la puissante scène centralede la Vierge qui rassemble les fidèles dans son ample manteau comme dans une architecture sublimée. Voici maintenant les années du Saint Jérome (Galerie de Venise), portrait serein de la sagesse dans lequel nousvoudrions, s'il est permis, voir une espèce d'autoportrait moral du peintre, si nous lisons bien le sens de sa position. »

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