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LA MODE de 1995 à 1999 : Histoire

Publié le 24/12/2018

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« La couture, ce ne sont pas des chiffons qui tournent dans tous les sens. Ce sont des robes bien faites... », aimait à rappeler Hubert de Givenchy avant d'abandonner, en 1996, ses locaux de l’avenue George V, quarante-trois ans après son arrivée. Cette année-là, il proposa un véritable manifeste, d'équilibre, de rigueur et de clarté. Ses silhouettes, immuables dans leurs tailleurs à chevrons, incarnent une époque révolue, moins dédiée à l'artifice d'une représentation qu’à un art de vivre. En quête de spectaculaire et de battage médiatique, Bernard Arnault, à la tête de LVMH, le remplace par un excentrique Anglais de 35 ans, John Galliano, ancien de la fameuse Saint Martin School de Londres. Dans sa collection de l’hiver 1996-1997, ce « héros du glamour moderne » - selon les rédactrices de mode - revisite l’histoire avec fantaisie, comme pour recomposer une carte du tendre (bustiers de satin duchesse, déshabillés aux nuances brume...). Annoncé le même mois, le départ de Gianfranco Ferre, en charge depuis 1989 de la haute couture et du prêt-à-porter Dior, entraîne bientôt le transfert de Galliano au 30, avenue Montaigne, et l'arrivée chez Givenchy d’un autre Britannique, Alexander McQueen, 27 ans. Multipliant provocations et citations historiques, leurs défilés de janvier 1997 déchaînent

 

un faste et une ivresse dignes d’un plateau hollywoodien. Ainsi, l’excitation, qui, du temps de Christian Dior, découlait de la nouveauté des lignes, est aujourd’hui suscitée par nominations, transferts, vedettariat, celui des couturiers comme celui des mannequins. Le prix exigé par un top-model pour un défilé (jusqu’à 180 000 francs) représente la moitié de la somme que peut investir un créateur débutant dans la conception et la mise au point de sa collection...

 

Les contrastes sont là. D’un côté, les défilés de John Galliano pour Dior, dans la gare d’Austerlitz décorée de façon somptuaire, en juillet 1998, pour accueillir scs duègnes en manteaux de cour, ou à l’orangerie de Versailles, réquisitionnée l’année suivante pour un cortège en cuir et latex sur un podium de 150 mètres de long. De l’autre, les petites maisons où l’on « tire l’aiguille » en famille, comme le font Dominique Sirop et Adeline André, laquelle travaille toujours à l’étroit dans son rez-de-chaussée du Marais.

 

Dans un secteur qui a perdu le tiers de ses emplois entre 1990 et 1998, les maisons mettent en avant le nombre d’heures de travail, qui atteste l’excellence de l’ouvrage et légitime une corporation d'un autre temps. Laboratoire d’idées pour le prêt-à-porter, la couture recouvre aussi sa raison d’être dans le sur mesure rénové de petites maisons dédiées aux clientes en quête de service personnalisé. Guy Laroche, Cardin et Carven en 1997, Nina Ricci en 1998, ont dû fermer leurs ateliers mais Adeline André, le Brésilien Ocimar Versolato, Josephus Thimister et Viktor and Rolf, figures de proue de la jeune garde hollandaise, et surtout Thierry Mugler et Jean-Paul Gaultier, en janvier 1997, sont venus élargir le cercle. Gaultier, que l’on surnomma longtemps « l’enfant terrible de la mode », s’est assagi dans la rigueur, non sans multiplier les hommages à Yves Saint Laurent. Le succès croissant de sa griffe comme de ses parfums lui a valu les faveurs d’Hermès, entré dans son capital en juillet 1999 à hauteur de 35 %. Deux visions du corps vont s'affronter : le corps chaste d’épouse sous des fourreaux (Sirop) ou de vierges conceptuelles (Adeline André) et le corps déformé des trublions d'outre-Manche, soumis à toutes les prothèses de l’attirail fétichiste (silhouettes girafes étirées par des colliers massai de Dior, poupées corsetées de Givenchy...).

 

Les top-models descendent

 

DE LEUR PIÉDESTAL

 

Li Edelkoort, prêtresse en tendances, résumait, en 1996, l’esprit fin de siècle : « Etre différent, manifester son indépendance, être, tout simplement. » « Just be », un slogan adopté par Calvin Klein, qui s’est pourtant fait l’apôtre du minimalisme et des panoplies uniformes, impeccablement noires, anthracite ou sable. Après le grunge des temps de crise et le néo-chic annonçant le début de la reprise aux Etats-Unis, au début des années quatre-vingt-dix le post-minimal tient la corde entre le rien et la peur d’en faire trop. Les corps s’effacent, les fesses sont gommées dans des slimpants à taille basse et des jupes plates, les seins sont aplatis dans des brassières bandeau (Ozbek). Les nouvelles executive women, éminences discrètes, n’ont plus besoin de teintes violentes, d'épaules surdimensionnées et de gros boutons dorés pour s’affirmer. L’Allemande Jil Sander leur propose des coupes masculines et rassurantes, des couleurs neutres, des matières sensuelles -, à des prix si élevés qu’ils semblent conditionnés par l’attrait de l’investissement plutôt que par le caprice.

 

La « starisation » des top-models, largement encouragée par Gianni Vcrsace ou Karl Lagerfeld, masquait l’absence d’idéal et une crise de la création, dans la première moitié de la décennie. En 1997, la fortune de Claudia Schiffer, alors âgée de 26 ans, était estimée à 250 millions de francs. « Nous ne nous levons pas à moins de 10 000 dollars (60 000 francs) », avait déclaré Linda Evangelista, au troisième rang des cachets derrière Claudia et Cindy Crawford. Avec Naomi Campbell, Christy Turlington, Stéphanie Seymour, Karen Mulder et Caria Bruni, elles ont offert un visage au début de cette décennie, où la mode n'était plus à la mode pour l’avoir trop été dans les années soixante-dix et quatre-vingt. À l'inverse, les créatures émaciées, Kate Moss ou la famélique Jodie Kid, qui ont aussi eu leur heure de gloire pour illustrer des lignes anguleuses, hantent moins les magazines. Depuis 1998, l'heure est au naturel étudié, illustré par des beautés saines, à la mine sans apprêt, comme Laetitia Casta dont les courbes engageantes font l'unanimité. Pour incarner ce style vitaminé, les belles aux joues roses et pleines comme un fruit mûr ont remplacé les longues tiges éthérées. Icône de la tendance, Maggie Rizer

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« LA MODE SOUS TOUTES SES COUTURES.

Cortège cosmopo lit e d'Aiexa�rder McQueen pour Givenchy en 1998: le nouveau tru bli on briwmrique de la haute couture abat ses cartes sous le signe de la parad e hollywoodiemre, dans une profusion d'é toffes et de couleurs.

© Vautlrey-Sygma LA MODE SOUS TOUTES SES COUTURES.

La fantaisie iconoclaste et provocatrice de John Galliano, nouveau démiurge de la maison Dior, COfl(llliert Paris, entraînant joyeusemem la mode dans les coulisses du spectacle, cot�fondant mise en scène et création.

affiche son hâle doré dans tous les défilés.

La petite brune au teint de perle Audrey Marnay séduit les photographes par son sourire et son allant.

Les agences ont recruté des beautés slaves, dont les plus pho­ tographiées sont Natalia Semanova ct Malgosia.

Certains créateurs, comme Manin Margiela chez Hermès, préfèrent montrer leurs collec­ tions sur leurs clientes dont la quarantaine s'épanouit dans le sourire de la réussite et de l'équilibre familial.

TRANSFERTS ET GRANDES MANŒUVRES Derrière cette bonne humeur retrouvée, on devine les créa­ teurs angoissés par les incertitudes du marché américain qui, après leur avoir reproché leur fantaisie, a les moyens de rejeter leurs petites robes toutes simples.

Débarrassés de leur complexe de « confection­ neurs », les créateurs d'outre-Atlantique contre-attaquent (Helmut Lang quitte Paris pour New York en 1998, Giorgio Armani menace de le {aire après l'annulation de son défilé place Saint-Sulpice et repart finalement à Milan ...

), pendant que Londres, à l'apogée des tendances en 1997, sc charge de la touche d'excentricité.

Aujourd'hui, en effet, le calendrier des défilés dessen la Ville Lumière, que les acheteurs visitent après New York, Londres et sunout Milan, où beaucoup de commandes sont décidées.

Difficile de faire face à des machines comme Prada ou Gucci.

Ce dernier, dont les mocassins à mors conquirent les années trente, triomphe en 1994, lors de l'arrivée à la direction artis­ tique de Tom Ford, un styliste texan inconnu.

Entre 1993 et 1998, le chiffre d'affaires a quintuplé, dépassant pour la première fois le mil­ liard de dollars en 1998.

Après une lutte acharnée, le maroquinier flo­ rentin a échappé à Bernard Arnault pour passer sous le contrôle du groupe Printemps Pinault Redoute (PPR), qui dresse un nouvel empire européen du luxe, face à LVMH.

De son côté, ce numéro un mondial du luxe dépoussière ses fleurons en installant de nouveaux stylistes en mars 1998 chez Vuitton (Marc Jacobs), Céline (Michael Kors) et chez Loewe (Narciso Rodriguez).

Les années 1997-1998 résonnent de transferts médiatiques : l'Anglaise Stella McCartney chez Chloé, Cristina Ortiz -venue de Prada -chez Lanvin, Peter Speliopoulos chez Cerruti ...

Même Hermès, bastion des conventions, a fait appel au Belge Martin Margiela, chantre d'un misérabilisme étudié.

Depuis mars 1999, c'est Alber Elbaz qui dessine la ligne Rive Gauche d'Yves Saint Laurent, après avoir assuré la direction artistique de Guy Laroche pendant trois saisons.

Sous la houlette de ces stylistes phares, les griffes s'efforcent d'élaborer un «concept » global, où la mise en Ci-comre, le cowurier britamrique, emouré de deux de ses glamoureux modèles.

C> Ni vièr e-S ipa Press scène du vêtement prime sur l'objet lui-même.

Les grandes maisons gonflent les budgets publicitaires qui martèlent la puissance de la marque.

Les logos signent les différences de classe, depuis la virgule Nike pour les banlieues, jusqu'à des marquages de plus en plus sub­ tils dans le prêt-à-poner de luxe (monogramme ton sur ton chez Vuitton et Céline, toile rouge ct verte chez Gucci, bande rouge sur le talon chez Prada ...

).

UNE SILHOUETTE EN QUÊTE DE MOBILITÉ Les vraies révolutions de la mode sont nées des matières et de leur détournement.

En utilisant, par exemple, celles qu'on réservait aux costumes des lads, Gabrielle Chanel a prouvé, la première, que les tissus n'avaient plus de sexe.

Aujourd'hui, un retour à cette même fonctionnalité guide la mode, à nouveau prête pour tous les caprices.

La mode fiction tisse sa toile, à coups de fibres qui repoussent les ondes électromagnétiques responsables du stress, ou qui, thermorégu­ latrices, permettent de traverser les saisons sans changer de vêtement.

Tandis que le mioimalismc prônait l'anonymat dans tous les milieux sociaux, les marques ont pour nouveau credo l'aisance dans tous les milieux naturels.

Cette recherche de confon fonctionnel rejoint celle du design, sous le signe de la mobilité.

Prada a largement diffusé cette tendance avec sa ligne Sport, commercialisée en 98 (boU es ergono­ miques néo-Courrèges et coupe-vent poids plume en Nylon), qui déchaîne encore les copieurs du prêt-à-porter de masse.

Ces vêtements inspirés des sports de glisse habillent les rêves des lcares du troisième millénaire.

Issey Miyakc chasse les pinces et les coupes, pour créer une silhouette dont les poches d'aisance, les soufflets accordéon amplifient le mouvement.

Le corps se balance dans des sweat-shirts de toile parachute (Calvin Klein) ou trouve la protection des imper­ méables ultra-légers d'Helmut Lang, entraîneur soft de la mode.

Quand la veste devient cardigan à capuche, le jogging s'impose parmi les nouveaux classiques d'une civilisation nomade.

« Loose fine "• disent les Américaines, qui, après avoir célébré le corps-machine des années quatre-vingt, l'assouplissent en douceur.

Le power suit revient, version pyjama de ville, car la détente, la disponibilité et l'espace s'érigent en nouveau luxe, à l'heure de la tyrannie du portable.

Les matières nobles se cachent sous des formes simples (jogging en cachemire Stretch à plus de 6 000 francs chez Céline, etc.).

Comme pour laver les années noires, le blanc s'invite dans toutes les couleurs,. »

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