LA FIN DE L'ESTHÉTIQUE DE LA RENAISSANCE : LE XIXe SIÈCLE
Publié le 03/09/2013
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PASSER de la peinture du XVIle et du XVIIle siècles à celle du siècle suivant, c'est éprouver une impression un peu semblable à celle du voyageur qui quitte une région de plaines ondulées aux mouvements intelligibles, pour un massif de montagnes, dont l'oeil aperçoit les aspects variés, sans que l'intelligence en entende l'architecture. Sans doute le XVIle et le XVIlle siècles avaient-ils offert en peinture un visage complexe, partagés qu'ils étaient entre le classique et le baroque, et diversifiés encore par les versions particulières que les différents pays et les individualités puissantes avaient données de ces esthétiques; leur relief pictural n'en demeurait pas moins simple; les mouvements se suivaient sans s'opposer avec violence, les variations que chaque contrie orchestrait sur les thèmes internationaux ne compliquaient guère la structure de l'art pictural, et les génies eux-mêmes ne bouleversaient pas le cours d'une tradition dans laquelle ils trouvaient aisément leur place. Avec le XIXe siècle, au contraire, tout change.
Comme les conditions de la vie, celles de la peinture sont profondément transformées par divers phénomènes. L'essor industriel consomme la ruine de la peinture-artisanat ; le mouvement issu de la Renaissance trouve son achèvement; au «peintre-en-bâtiment« s'oppose e l'artiste-peintre«. En supprimant l'Académie Royale où, depuis plus de cent ans, les maîtres transmettaient aux élèves les recettes et les pratiques qu'eux-mêmes avaient recueillies de la bouche et de l'exemple de leurs anciens, la Révolution remplace l'apprentissage par un enseignement moins empirique que doctrinal, et qui condamne ceux qui la subissent à la nécessité de recréer eux-mêmes, de réinventer le métier de peintre. Comment le mot de tradition aurait-il pu, dès lors, garder encore un sens? Il le perdit d'autant plus vite que l'idée même de tradition était devenue suspecte à un siècle qui fut celui des révolutions permanentes, et qui éprouva tous les vingt ans en art une insatiable fringale d'inédit. Mais aux forces révolutionnaires s'opposa tout au long du siècle, et en matière d'art plus encore que dans l'arène politique, l'esprit conservateur de la classe bourgeoise. Les tenants du passé résistèrent aux novateurs, en s'appuyant sur les corps constitués et sur la masse du public, et s'ils ne parvinrent pas à paralyser l'art de peindre, la cause en doit être cherchée dans l'exaspération contemporaine de l'individualisme. Conscients de leur dignité, et d'autant moins disposés à en rien abdiquer dans les mains du public qu'ils souffrent tous d'une violente «hypertrophie du moi «, les peintres du XIXe siècle sont des indépendants, des révoltés, des maudits, qui réclament la liberté d'être absolument eux-mêmes et travaillent orgueilleusement dans une solitude dédaigneuse. Ce n'est pas que l'époque ne multipliât point les moyens de contact, les sources d'information; les courants artistiques sont plus internationaux encore que dans le passé, dont la source est alors la capitale de la France. Mais cette souveraineté
de la peinture française va curieusement de pair avec l'affirmation d'écoles nationales que, souvent d'ailleurs, son exemple suscite, comme en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Roumanie, et que la frénésie nationaliste du temps veut indigènes, spécifiques, marquées au coin du sceau de leur pays. De là, ici et là, des repliements sur soi, des frontières picturales... Dernier phénomène qui ne contribue pas peu à compliquer encore la physionomie de la peinture du XIXe siècle.
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