LA «CAGE AUX FAUVES»
Publié le 14/09/2014
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Page du ;oumal !'Illustration du 4 no vembre 19 0 5, reproduisant les tableaux accroc hés par les peintres
•fauves • au Salon d 'automne 1905.
La critique conspua ces •bariolages informes •.
Le Séchage des
voiles , André Derain (Moscou, musée Pou chkine).
V
de l'objet dans l'espace et les conditions de son
éclairage.
Auparavant, seul Paul Gauguin avait
remis en cause cette règle , en peignant des
plages roses, des étang s mauve et vert et la
prairie vermillon dans la Vision du sermon.
Or, en 1905 , Derain expose des marines où,
sous un ciel vert pré et jaune citron, des barques
écarlates flottent sur un golfe vert pâle .
Matisse
accroche, lui, des portraits de femmes au visage
teint de violet et d'orange et l'image d'une
Fenêtr e éclaboussée de roses et de rouges hardi
ment juxtaposés.
Aucun impressionniste n'a eu
pareille témérité.
Van Gogh lui-même, dont les
couleurs ont été influencées par les peintures
japonaises, a respecté le principe du ton local.
Au Salon, des jeunes gens , inconnus pour la plu
part , osent ainsi une peinture sans précédent : le
scandale est immense, à la mesure du sacrilège.
Complicité d 'amis
Parmi les indignés et les protestataires , nul ne
sait rien des jeunes peintres, ni de leur ambi
tion.
Seul, Gide, proche du milieu pictural,
connaît celle-ci.
Et il écrit à propos du mouve
ment: •Tout s'y peut déduire , expliquer. • De
fait, les œuvres des •fauves • ont un caractère
éminemment logique, conforme à l'amour de
la raison qui anime les membres les plus
importants du groupe , Derain et Matisse.
Quand les deux hommes se rencontrent, durant
l'hiver 1904-1905 , Matisse n'est encore qu'un
postimpressionniste à la recherche d'un style
personnel.
Derain, lui aussi , reste partagé entre
des influences opposées : il s'insp ire de Signac ,
de Cézanne , de Gauguin ...
Mais, en compagnie
de Vlaminck , il a déjà expérimenté l'emploi de
couleurs pures de tout mélange.
S'il respecte
encore la couleur réelle des objets qu'il repro
duit, du moins exagère-t-il les nuances qui trans
forment celle-ci selon la lumière et la distance.
Au Salon des indépendants , qui s'est tenu au
printemps pré cédant le Salon d'automne ,
Derain a présenté des paysages de Chatou pré
figurant les outrances à venir , alors que Matisse
exposait des tableaux au traitement des cou
leurs assez conventionnel.
Mais, pendant l'été,
les deux artistes travaillent de concert.
Matisse
s'établit à Collioure, au bord de la Méd iter
ranée , le 16 mai; Derain l'y rejoint le 8 juille t.
là, jusqu'en septembr e, sous le soleil, ils se
libèrent peu à peu de toute contrainte natura
liste et s'éloignent de la tradition impression
niste.
Confortés dans leur démarche par les
tableaux de Gauguin, qui travaille non loin de
là, à L eucate, ils sauten t le pas et introduisent
des couleurs résolument non imitatives.
Cependan t, afin de préserver la lisibilité de
leurs œuvres, ils contiennent ces couleurs dans
les contou r s d' un dessin très ferme - d'autant
plus ferme et efficace qu'il assure seul la fonc
tion descriptive traditionnelle.
Une barque
peut être bleu azur et orange, à condition
qu'un cerne fortement tracé indiqu e sa forme
et le galbe de ses flancs; il en va de même de
la silhouette d'u n marin ou d'un visage.
Une
fois l'équilib re trouvé , couleur arbitrairement
choisie et armature dessinée définissent une
nouvelle peinture , cohé rent e et calculé e.
La formation du groupe
En septembre, Matisse et De rain rev iennent à
Paris cha rgés de leurs toiles.
Ils les montrent à
que
lques peintres amis , à Vlamin ck et à
Marquet, qui écrit aussitôt à Manguin que ce
sont là «des choses épatantes».
Le 23 septembre,
D erain signe un contrat avec le marchand
Ambroise Vollard , tand is que Matisse s'assure
de la bienveillance du comité organisateur du
Salon d'automne.
Le 18 octobre enfin, le Salon
s'ouvre, et le scandale explose, qui a pour pre
mier effet de renforcer la solidarité des peintres
attaqués : un groupe •fauve • naî t de ce combat.
Le scandal e a égalemen t pour effet d'attirer
collectionneurs et peintres.
La rom ancière amé
ricaine Gertrude S te in achète alors la Femme au
chapeau de Matisse.
Peu après , un richissime
mécène russe , Serge i Chtchoukine, demande à
rencontrer l'artiste.
Au même moment s'ins
talle au Bateau-Lavo ir - le grand immeuble
d'ateliers où résident les peintres à Montmartre
- un jeune Néerlandais, Kees Van Dongen .
D'au t
res inconnus rejoignent , comme lui, le
groupe : les énumérer, c'est résumer une bonne
partie de l'histoire de l'art au XX siècle, car ils
se nomment Braque, Delaunay et Dufy.
Tou s
exposent en mars 1906 au Salon des indépen
dants.
Une fois de plus, le publi c s'esclaffe.
Peu
importe cependant , car un mouvement aussi
puissant et novateur que l'impressionnisme
quarante ans plus tôt vient de naître..
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