Grand oral du bac : L'art abstrait (Exposé – Art – Collège/Lycée)
Publié le 15/11/2018
Extrait du document
LE BAUHAUS
Fondée à Weimar par l'architecte Walter Gropius en 1919 avant d'être fermée par les nazis en 1933, l'école du Bauhaus était consacrée à l'architecture et aux arts appliqués. S'inspirant fortement des découvertes de la peinture abstraite, le Bauhaus a eu des professeurs prestigieux, comme Kandinsky. Formes épurées, utilisation de matériaux nouveaux (plastiques, métaux, verre, enduits de couleur blanche) ont fait du style Bauhaus une véritable matrice de ce que l'on a appelé par la suite le design. L'abstraction, d'expérience esthétique, y est devenue un style architectural et décoratif qui s'est peu à peu imposé comme le plus reconnaissable du XXe siècle.
UNE DES GRANDES EXPERIENCES ARTISTIQUES DE LA MODERNITE
Né à l'orée du xxe siècle, l'art abstrait s'est vite imposé comme l'une des grandes expériences artistiques de la modernité. Comment le définir? Par une absence éclatante : celle du sujet. Dans une œuvre abstraite, en effet, aucun sujet n'est reconnaissable, aucune des formes qui composent le tableau ou la sculpture ne renvoie à un être vivant, homme, végétal ou animal. Avec la disparition du sujet, c'est une tradition millénaire qui s'efface. Depuis Aristote, les arts étaient fondés sur l'idée de représenter la réalité; l'abstraction signe précisément la fin de cette vision de l'art, en coupant définitivement la toile, le bronze, le marbre de toute référence à ce que l'œil peut voir dans la nature. Bien sûr, on peut reconnaître et nommer certains éléments : des formes géométriques, par exemple. Mais ces éléments s'ordonnent sans autre enjeu que la pure beauté plastique de leur composition : ils ne visent pas à créer du sens. Kandinsky, l'un des
fondateurs de l'art abstrait, y voyait un moyen d'atteindre l'essence du beau et, plus profondément, une pure spiritualité (cette œuvre intitulée Der heilige Ceorg, date de 1911).
UN ART RÉVOLUTIONNAIRE
Les fondateurs de l'art abstrait, on le voit, avaient de grandes ambitions, mais ils durent affronter l'incompréhension du public, décontenancé par des œuvres pour le moins déconcertantes : de fait il n'y avait rien à comprendre, ni message, ni allusion mythologique, ni expression psychologique, ni évocation sociologique... Une certaine provocation ne fit rien pour arranger les choses : on songe par exemple au célèbre Carré blanc sur fond blanc (1918) de Malevitch, et à ses déclinaisons, qui, en poussant d'emblée à la limite le dépouillement abstrait, visait aussi à faire hurler le public.
Cette provocation n'est jamais gratuite, pourtant : l'art abstrait a été conçu comme une conquête historique. C'est un mouvement de nature révolutionnaire, défini comme une accélération brutale et exaltante de l'histoire de l'art, et dès lors de l'histoire humaine tout entière. Les premiers artistes abstraits se voyaient eux-mêmes comme une «avant-garde», empruntant au vocabulaire militaire une image montrant bien qu'à leurs yeux l'art est un combat. Ils tentèrent un temps de se rapprocher des mouvements politiques qui semblaient incarner le futur et cultivaient, eux aussi, l'idée de révolution ; mais la rencontre échoua. L'abandon de toute tradition historique fit de l'art abstrait un «art dégénéré» aux yeux des fascistes; l'absence de message et le côté élitiste en firent un art «bourgeois» pour les staliniens. Quant au public bourgeois, il ne s’y reconnaissait pas non plus, privé des repères habituels qui lui permettaient de comprendre et d'apprécier une œuvre. Aussi l'art abstrait conserva-t-il sa part subversive et révolutionnaire, échappant longtemps aux récupérations politiques comme à l'embourgeoisement.
LES PRÉCURSEURS
1890-1910
Les artistes abstraits se sont vu reprocher d'avoir rompu avec toutes les traditions esthétiques, mais la plupart insistent au contraire sur leur inscription dans l'histoire de l'art moderne. On pourrait évoquer l'itinéraire d'un impressionniste comme Claude Monet (1840-1926), dont les dernières toiles, comme La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses peinte en 19221924, renoncent à la figuration. Plus largement, l'impressionnisme et les écoles de peinture de la fin du XIXe siècle commencent à malmener le rapport entre le sujet et le tableau. Renoir, Gauguin, Van Gogh donnent à leurs figures des couleurs irréelles, dont l'harmonie a sa logique propre, bien différente de celle de la réalité. La beauté du tableau ne dépend plus de celle de la scène qui est peinte : cette «autonomie» de l'œuvre d’art par rapport au réel est la clé de tout l'art moderne, en ce qu'elle met à mal l'idée même de représentation. Maurice Denis, un
«
non
seulement l'idée de représentation,
mais la notion même de peinture.
Désireux de se rendre utile à la
collectivité, Malevitch s'essaie ensuite
à l'architecture.
!:évolution du régime
soviétique le poussera à revenir à une
peinture figurative plus conforme aux
principes du« réalisme socialiste».
BRANCUSI Né en Roumanie en 1876, Constantin
Brancusi meurt français en 1957.
On
le considère comme le fondateur de
la sculpture abstraite, mais c'est de
la tradition naturaliste (incarnée en
sculpture par Rodin) qu'il part lui aussi,
allongeant peu à peu les volumes,
stylisant les formes, pour ne plus
évoquer le sujet que de façon très
lointaine (La Muse endormie, 1910}.
Son art se concentre vite sur certaines
formes élémentaires, comme l'œuf, la
colonne, le vol, qui conservent chez lui
une valeur symbolique.
!:extraordinaire
beauté plastique de ses œuvres tient
sans doute à ce lien avec la nature,
et aux trois dimensions qui les
maintiennent à mi-chemin entre
le monde idéal des mathématiques
et celui, charnel, des corps.
LES ÉCOLES ET LES MAÎTRES
Autour des expériences radicales de
Kandinsky, Mondrian, Malevitch et
Brancusi, différents peintres passent par
l'abstraction, quitte à n'y faire qu'un
bref séjour.
SONIA ET ROBERT DELAUNAY
Née près d'Odessa en 1885, morte à
Paris en 1979, Sonia Terk donne d'abord
une série de toiles inspirées de Gauguin,
avant d'épouser en 1910 Robert
Delaunay (1885·1941} avec lequel elle va
mener des recherches essentielles pour
la constitution d'une école française de
l'art abstrait Si Robert n'abandonne
jamais complètement le sujet même
lorsqu'il le réduit à des éléments
géométriques (les "Tours Eiffel>> des
années 1910}, Sonia va en revanche
pousser plus loin ses expériences.
La rencontre du poète Blaise Cendrars,
dont elle illustre La Prose du
Transsibérien en 1913, l'amène à créer
le «simultan éisme>>, où la peinture n'est
plus que l'instrument d'un art total :
il faut noter que Malevitch, à la même
époque, donne des décors d'opéra qui
répondent à la même ambition.
!:abstraction, alors, atteste le caractère
incomplet d'une peinture qui n'est pas
refermée sur elle-même, sur son sens
propre, mais participe à quelque chose
de plus grand.
NATALIA GONTCHAROVA
Née en Russie en 1881, morte à Paris
en 1962, Natalia Gontcharova est la
représentante la plus célèbre d'une
école abstraite appelée le
« rayonnisme >>, qui ne durera que
quelques années, de 1910 à 1915.
Des œuvres comme Lampes électricité
(1912) possèdent encore un sujet, mais il
est écartelé en stries, en lignes
sinueuses, décomposé en couleurs
étranges, et pour finir impossible à
identifier, sauf à extrapoler sur le titre.
Le tableau est ainsi rendu à sa pure
beauté plastique, à une émotion qui
trouve dans la couleur son principal
vecteur : rien de froid, dans les tableaux
abstraits de Natalia Gontcharova, mais,
à la manière de Kandinsky, l'expression
vibrante d'une sensibilité et, plus
encore, d'un regard.
(Ci-dessous,
DieEmte, 1911.)
Si la carrière picturale de ce peintre
suisse (1879·1940} ne saurait se réduire
à l'abstraction, certaines œuvres des
années 1920, comme les Carrés
magiques (1922) ou Scheidung
Abends (1922), dessinent un espace
strictement abstrait, fondé sur la
répétition d'un élément simple
(bâtonnet, carré, ligne).
Mais l'art, selon
lui, «ne reproduit pas le visible, il rend
visible>> .
La référence à la nature n'est
donc jamais totalement absente de son
travail, qui est conçu davantage comme
une recomposition que comme une
pure invention : on évoquera donc
plutôt des éléments abstraits qu'une
authentique peinture abstraite.
JOAN MIRO
la même remarque peut s'appliquer
à l'Espagnol Mir6 (1893·1983}, dont
le nom est surtout lié au surréalisme.
(Ci-dessus, Le Disque rouge ilia
poursuite de l'alouette, 1953.) Mais
la pratique de l'automatisme pictural
l'amène aux confins de l'abstraction (Constellations,
1940} :en essayant de
ne pas contrôler son pinceau, afin de
laisser parler l'inconscient le peintre ne
«construit» plus son tableau; ille laisse
se construire à partir d'éléments
directement issus du geste.
Figures,
formes et signes se mêlent ainsi dans
un ensemble toujours donné comme
un «en deçà» du sens.
HENRY MOORE
Ce sculpteur anglais (1898·1986}
n'abandonna jamais complètement la
référence à la nature, et plus
particulièrement à la figure humaine.
Mais sa figuration extrêmement allusive
confine souvent à l'abstraction : les
déformations qu'il fait subir aux corps
représentés, les vides qu'il y laisse béer
en font des êtres inconcevables (d.
par
exemple les Figures couchées des
années 1930).
Vers 1939, Moore passe
résolument à l'abstraction, explorant le
jeu du plein et du vide sur des volumes
dégagés de toute référence à la nature.
S'il revient ensuite à un travail sur les
corps et les figures, il semble bien que
la pratique de la sculpture abstraite l'ait
libéré et, sans constituer une fin en soi,
ait permis à son art de se déployer avec
plus de rigueur et plus d'ampleur
encore.
SERGE PoLIAKOFF
Né à Moscou en 1900, mort à Paris en
1969, Poliakoff passe à l'abstraction à
la fin des années 1930, et il continuera
dans cette voie jusqu'au bout.
Ses toiles
le plus souvent non titrées, de petit
format, jouent sur le voisinage de
coloris chauds et contrastés, définissant
ABSTRACTION ET CALLIGRAPHIE
Si l'abstraction a représenté une
révolution dans la peinture
occidentale, certains peuples ont pu y
retrouver des éléments de leurs
propres traditions, en particulier ceux
qui ont élevé la calligraphie au rang
des beaux-arts.
Différents peintres
arabes et chinois se sont ainsi illustrés,
dont le plus célèbre est Z.O Wou-Id
(né en 1920 et naturalisé français) :
plus encore que ses huiles, ses travaux
à l'encre, qui jouent sur les capacités
d'absorption du papier, ont suscité
l'admiration de la critique et
l'enthousiasme des collectionneurs.
Les formes abstraites y apparaissent
non plus comme le produit d'une
stylisation progressive de la nature,
mais comme une exploitation
graphique des techniques de l'écriture.
des
surfaces géométriques irrégulières,
lisses ou, au contraire, granuleuses.
Sa simplicité rigoureuse, alliée à un vrai
talent de coloriste, a fait apprécier
ses tableaux des collectionneurs.
(Komposition, 1959.)
L' ABSTRACYION LYRIQUE
Cette école, née à Paris vers 1948,
réunit des peintres comme Pierre
Soulages (né en 1919}, Jean-Paul
Riopelle (1923·2002}, Georges Mathieu
(né en 1921 ), qui ont en commun de
privilégier l'impulsion psychique et
le geste du peintre.
Par rapport à une
œuvre comme celle de Kandinsky,
dont nous avons vu qu'elle n'était pas
dénuée de lyrisme et se construisait
comme le développement d'une
émotion personnelle, les toiles de
Soulages ou Riopelle apparaissent plus
«sauvages» : à la précision minutieuse
du pinceau de Kandinsky s'oppose une
peinture à l'arraché, à l'emporte-pièce,
où une brosse rageuse fouille la toile
et projette la couleur dans un
déchaînement d'énergie.
Chacun de ces
peintres évoluera vers un style propre,
un Mtrthieu, par exemple, adoptant
peu à peu une manière plus sage;
mais la leçon de l'abstraction lyrique
s'entend dans l'autre grande école
d'après-guerre, l'action painting.
L'EXPRESSIONNISME ABSTRAIT
Si l'abstraction, dans ses différentes
versions, est d'abord une expérience
européenne, la Seconde Guerre
mondiale coïncide avec l'apparition
d'une école plus spécifiquement
américaine, connue sous le nom
d'action painting.
On parle aussi
d'expressionnisme abstrait pour
évoquer ces œuvres s'affirmant dans la
double tradition de l'abstraction lyrique
et de l'expressionnisme allemand des
années 1910·1920.
Aisément reconnaissables, les grandes
toiles de ce peintre (1903·1970}
américain d'origine russe s'organisent
en surfaces rectangulaires flottant
littéralement
dans la
couleur (Sans
titre, 1959).
La précision
de son travail
se conjugue
avec un jeu
sur le flou et l'absence
de limites, donnant une
impression de mouvement, voire de vie
aux formes qui animent ses toiles.
La dominante rouge et jaune cède peu
à peu la place au noir, notamment dans
l'une de ses dernières œuvres, un
ensemble connu sous le nom de
"chapelle Rothko», à Houston (États·
Unis).
FRANZ KLINE
Né et mort à New York (1910·1962},
Kline est l'un des grands représentants
de l'action painting.
Il s'agit pour lui de
mettre l'accent non plus sur l'objet ou
la forme représentés, mais sur le geste
même de peindre, geste dont la toile est
en quelque sorte le témoin.
Le puissant
dynamisme des toiles de Kline naît d'un
travail épuré au maximum, le peintre
procédant par grandes touches
nerveuses, avec un large pinceau.
Les compositions en noir du début des
années 1950, généralement non titrées,
sont sans doute son travail le plus
rigoureux et le plus représentatif.
Il revient à la couleur vers 1957,
condamné comme presque tous
les peintres abstraits à évoluer pour
ne pas se répéter indéfiniment
WILLEM DE KOONING
Lié lui aussi à l'action painting, Willem
de Kooning est né à Rotterdam en 1904
et mort aux États-Unis en 1997.
Aimant
les grands formats, il donne des
peintures murales que l'on a appelées
«abstractions-paysages» : non qu'il soit
question d'y représenter quoi que
ce soit d'identifiable, mais la forme
panoramique, les rythmes et les
couleurs «évoquent>> des paysages,
dont ne serait traduite que l'impression
subjective ressentie par le peintre.
(Ci-dessus, Police Gazene, 1955.)
JACKSON POUOCK
Américain lui aussi, Pollock (1912·1956}
a subi l'influence des surréalistes qui
débarquent à New York en 1940; très
vite, cependant, il trouve son style, ou
plus exactement sa manière : usage de
la truelle, de couteaux, de larges
brosses, d'une peinture soit compacte,
soit très liquide, qu'il projette sur la
toile avec une seringue ou lance
directement (Out of the Web :
Humber 7, 1949}.
!:art de Pollock est
tout entier corporel, le geste prenant
chez lui une importance fondamentale.
Peignant quelquefois à l'horizontale, il
marche sur sa toile, la macule, dessine
des réseaux inextricables.
Ses toiles
souvent gigantesques ont très vite eu
les honneurs des musées, pour lesquels
elles étaient conçues..
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