Grand oral du bac : LA MODE
Publié le 29/01/2019
Extrait du document
Modernité médiatique de la mode
Il n’existe plus aujourd’hui de mode institutionnalisée, dont l’instigateur pourrait être clairement défini. La tendance est à la multiplicité des modèles. De nombreux styles éclosent, évoluent puis disparaissent, et cette multiplicité se rencontre partout. La généralisation des mouvements de mode, aujourd’hui mondiale, conserve ainsi son caractère uniformisant - qui n’ignore que les plus pauvres.
Si la majorité des habitants des pays dévelop-k pés s’habille et consomme toujours suivant le s phénomène d’imitation et de distinction de classe, une sorte d’éclatement des styles apparaît pour-\" tant. Tout semble devenu acceptable - et cela 5 quelles que soient la saison ou les tendances des
À Sur le thème du Saint-Germain des Près des années 1950, Jean-Paul Gaultier, l’un des créateurs français les plus innovants, a fait revivre, en mars 1998, Sartre pontifiant au café de Flore sur un fond de musique jazz.
créateurs. Chacun doit choisir sa garde-robe dans une palette en constant retour. Si certains milieux professionnels conservent des stéréotypes bien établis, et des normes à suivre impérativement, le désir de reconnaissance sociale semble jouer un rôle moindre dans le choix des tenues et de l’allure générale. Par ailleurs, le port largement répandu de certains vêtements (comme les jeans, par exemple) a fortement uniformisé l’apparence des individus, quelle que soit leur appartenance sociale : en dépit du style et du milieu ne s’imposent souvent que des choix prédéterminés. Ceux qui veulent suivre la mode ne s’habillent plus qu’en fonction de ce que leur offre l’industrie et de ce que leur transmet la publicité, qui proposent des modèles factices et identiques derrière leur multiplicité.
Cette contradiction entre le plus grand choix et la restriction de la décision est la caractéristique de la mode aujourd’hui.
Les grands couturiers et le xxe siècle
Worth ouvre en 1857 à Paris une maison de couture d’un concept tout à fait nouveau. Il confectionne des modèles de luxe identiques pour toutes les femmes, sur mesure et plus seulement sur commande. Des mannequins vivants, appelés sosies, présentent pour la première fois les collections, avec le plus de discrétion possible, et remplacent les mannequins d’osier et de tissu. La haute couture est née.
Immigré d’origine anglaise, Worth fait de Paris le centre mondial de la haute couture. Irrespectueux et acariâtre, il est célèbre pour faire attendre ses clientes pendant des heures. Mais son mauvais caractère séduit les puissants - ce qui fait beaucoup dans la réussite de cette nouvelle conception de la couture. Son succès est immédiat: la bourgeoisie du xixe siècle, enrichie par l’industrialisation, suit le luxe nouveau de la noblesse du Second Empire.
Dès le début du xxe siècle, de nombreuses maisons de haute couture fleurissent: Jeanne Lanvin, Doucet, Chéruit, etc. S’ils sont essentiellement masculins, les couturiers - à l’instar de Paul Poiret (1879-1944) qui libéra la femme du corset - font évoluer le vêtement féminin vers plus de souplesse et de liberté. Coco Chanel (1883-1971) reprend cette idée après la Première Guerre mondiale et crée un style totalement nouveau, issu des tenues sportives, masculines et ouvrières. Elle offre mouvement et sobriété à la femme avec un style si sobre que Poiret le qualifie de « misérabilisme de luxe ». Ses sources d’inspiration sont reprises aujourd’hui encore par de nombreux grands couturiers, qui empruntent toujours des éléments à la rue pour élaborer leurs collections. À sa suite, Madeleine Vionnet, peu connue du grand public, a révolutionné la couture en inventant la coupe en biais.
Dès cette époque et après la Seconde Guerre mondiale, les grands noms qui imaginent la mode sont déjà ceux que nous connaissons, de Christian Dior (inventeur, en 1947, du new
▼ Très prisée dans les années 1980,
la mode punk s’est appliquée aussi bien aux vêtements qu’au corps lui-même: cheveux rasés ou à l’iroquoise, boucles d’oreille multiples, annonçant le piercing des années 1990.
La toile de jean était au départ de la toile de tente, puis servit à faire des pantalons pour les conquérants du Far-West. Depuis cette époque, le jean a perdu sa dimension pionnière. Emblème d’une jeunesse contestataire dans les années 1970, il est aujourd’hui adopté par tous, quels que soient l’âge ou l’origine sociale.
look) à Nina Ricci, de Courrèges (créateur français de la minijupe) à Yves Saint-Laurent (promoteur du pantalon pour la femme). Les instigateurs de la mode sont, alors, plus que de simples artisans. Ils se veulent de véritables artistes dont les états dame et les créations sont analysés et diffusés par la presse, puis par la télévision.
Le rôle des grands couturiers est primordial dans le développement et dans les évolutions de la mode au xxe siècle. Leurs personnalités, souvent excentriques, ont beaucoup joué et jouent encore un rôle important dans la médiatisation de la haute couture. La mise en avant des mannequins, dont les plus célèbres sont appelés top ou top models (souvent exclusivement attachés à une grande marque), exacerbe le prestige de la mode de luxe.
Aujourd’hui, l’engouement pour ces belles femmes, grandes et minces, est tel qu’il engendre de véritables conflits entre les créateurs et ces stars médiatiques. Nées de la haute couture, emblématiques du monde de la mode, les top models sont maintenant vénérées au même titre que les actrices ou les chanteuses, signent des contrats mirobolants et génèrent de gigantesques marchés (des poupées-mannequins et autres produits de consommation sont créés à leur effigie). Leur médiatisation est liée au rôle grandissant de la photographie puis de la télévision, qui ont permis de les révéler au grand public. Mais la haute couture est toujours aux mains de professionnels, et de nouveaux rapports s’établissent entre la société et la mode.
«
La
mode
séduction et position sociale déterminent la façon
de s'habiller .
Ces motifs expliquent presque toute
l'évolution de la silhouette humaine, dans ses
caractéristiques vestimentaires et dans son allure
générale.
C'est ce que l'on résume en disant
qu'hommes et femmes sont sujets aux phéno
mènes de mode, que nos goûts changent d'une
période à une autre.
Mais l'ensemble de la so
ciété est impliqué dans la transformation de nos
apparences: au XIX' siècle, les femmes se devaient
d'être bien en chair -comme les représente, par
exemple, Édouard Manet dans son Déjeuner sur
l'herbe, en 1862; un siècle plus tard, elles se préfè
rent minces ou même longilignes.
Les vêtements
ne sont donc pas les seuls à connaître des phases
d'engouement: la mode intéresse tout ce qui
touche à l'apparence humaine-et ce, jusqu'à
l'anatomie.
Les transformations de l'apparence suivent cer
taines évolutions d'ensemble de la société.
Ainsi,
en Occident, au cours de ces deux derniers
siècles, les vêtements féminins des classes bour
geoises sont devenus de plus en plus confor
tables (le corset est banni, les jarretières ont dis
paru, les matières utilisées sont souples et
proches du corps).
Cette nouvelle vision de la
femme correspond à son arrivée massive dans le
monde du travail et répond au mode de vie
contemporain.
La mode suit la transformation de
la société en s'adaptant aux besoins et aux exi
gences nouvellement créés.
Cette vision utilitaire
rend compte de quelques lignes générales, mais
elle ne suffit pas à répondre aux multiples interro
gations qu'amène l'étude de la mode: comment
expliquer que les phénomènes de mode se diffu
sent dans la société? Qu'ils passent de classe
sociale en classe sociale et parfois disparaissent
pour mieux réapparaître plus tard? Qui sont les
initiateurs de la mode? Comment comprendre
leur rôle? Quelle est la place de la mode, notam
ment dans nos sociétés de consommation et
d'information de masse?
Limites et pouvoirs de la mode
La mode est avant tout un phénomène d'imita
tion.
Se rapportant aux signes extérieurs, à l' appa
rence, elle permet à l'individu de se conformer L'Homme
au
......
béret rouge
de Vittore Carpaccio
(14�1526).
Le béret en question
est appelé coppolino,
d'après sa forme
circulaire.
Il s'agit
d'une coiffure
courante, adoptée
par la jeunesse
et par les classes
modestes.
Les grands marchands,
de Rorence, quant à
eux, arborent
de larges turbans,
aux enroulements
compliqués.
De ces chaperons,
retombent des pans
de tissu qu'on laisse
flotter ou qu'on
ramène sur l'épaule.
Portrait de �
Charles IX par
François Clouet
(1510-1572).
Le
monarque respecte la
mode des années
156�1570.
Le pourpoint (veste)
très cintré et
les longues manches
sont rembourrés pour
donner de la prestance
à la carrure.
De petites
touches de lingerie
apparente (col et
poignets) adoucissent
cette corpulence.
Entre le pourpoint
et les chausses,
se trouve la trousse,
petite jupe dont
les crevés (fentes)
laissent apparaître
toute la richesse
du costume.
aux manières du groupe dans lequel il désire
évoluer ou auquel il appartient de fait (milieu
professionnel, classe d'âge, etc.).
Ainsi, vête
ments, accessoires, coiffure, maquillage, mais
aussi façon de s'exprimer et de se tenir donnent
à l'individu des indications précises, des réfé
rences auxquelles se conformer pour intégrer
(ou avoir l'impression d'intégrer) un groupe.
Cette volonté d'appartenance, ce besoin d'être
reconnu comme membre d'un groupe, d'une
classe -ou plus globalement d'une société -
constituent les motifs premiers de la permanence
d'une mode et de sa diffusion.
«Être à la mode», c'est adopter les signes dis
tinctifs d'un groupe à un moment donné -et
savoir repérer, pour le suivre, le sens de son évolu
tion.
De tels éléments d'identification engendrent
des impulsions de consommation, des dépenses
qui ne sont pas basées sur l'utilité intrinsèque du
bien que l'on achète, mais qui répondent à un
besoin de représentation sociale.
Pour l'écono
miste Thorstein Veblen (1857-1929), la mode est
un véritable «gaspillage ostentatoire>>.
Un gaspil
lage qui, s'il est réel pour la conception puritaine et
utilitariste des vêtements, a une justification
économique, sociologique et psychologique.
Du
développement de la mode dépendent, en effet,
tout un commerce et une industrie qui ne sont
pas seulement production d'un «gaspillage osten
tatoire>> , mais également élément moteur d'un
secteur économique.
C'est comme tel que l'on
justifie les industries de luxe qu'entretient la
mode.
Instinctivement, l'être humain ne peut rester
isolé, et cherche à vivre en société.
Il a besoin de
se sentir relié aux autres.
La mode constitue un
vérita ble vecteur d'intégration sociale puisqu'il
encourage l'homme ou la femme à imiter l'autre
dans son habillement, comme dans son compor
tement.
Critiquer la prépondérance du paraître
sur l'être ne doit pas empêcher de reconnaître ce
besoin individuel de chercher la reconnaissance.
Ainsi, la mode s'impose généralement à chacun
de manière subreptice.
Elle dicte ses canons de
beauté, qui s'imposent à nous au risque de voir
notre pouvoir de séduction mis en cause.
Au-delà de l'esthétique, l'apparence confère
un attrait assimilable à un véritable pouvoir pour.
»
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