Gislebert : LE JUGEMENT DERNIER D'AUTUN
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
De la terreur à l'esprit d 'enfance
À la gauche de Dieu, zone que la symbolique
chrétienne déprécie toujours, grouille un
monde g
rima çant de diab les, d'animaux mal
faisants qui étreignent les damnés.
Saint
Michel , dans la robe duquel se cachent deux
défunts terrorisés , s'occupe de peser les âmes
représentées par de petites figures nues.
Malgré
le geste tricheur du démon qui
s'accroche à la balance, le plateau penche du
bon côté : l'âme extasiée peut s'é l ever vers le
paradis.
Tel est l'optimisme de ce temps .
Cet optimisme n'em pêche pas la souffrance des
damnés , dont les corps pliés, cassés, tort urés
sont enfournés dans la gueule infernale.
Dans la
partie gauche du bandeau qui souligne le bas
du tympan - le linteau - cette description de
l'angoisse continue.
D'énormes mains de pierre
étranglent un malheureux horrifié, des serpents
Le renouveau de la sculpture de pierre
Un des phénomènes les plus mysté rieux de l'histoire de l'ar t méd iéval es t le long oubli dan s lequ e l tombe la tec h n lq u e de la sc ulpture sur pierre ,
depui s les tem ps méroving iens jusq u'à l 'époque romane .
C'es t au d é but du x1• siècle que les premiers chap it ea ux sc ulp tés de figures
humaines apparaissent , simultan ém ent en France (Bourgogne , Roussillon) , en
Germanie , en Espagne et en Italie.
La sc ulptur e prend alo rs pla ce sur le s
partie s les plus important es de l'a rchi tectu re.
Le s portai ls d es églises affi che nt avec prédilection l'image glo rieuse du Christ en majesté entouré des apôtres et des apparitions divines
(th éophanies) qui imposent au fidèle
une vision éblouissante de la divinit é.
La Bourgogn e conse rve quelqu es uns de s plus beaux tympans sculpté s.
Les thèmes y son t plu s dive rs
qu 'a illeur s.
À Cluny , Char lieu, Anzy -le Duc et Montc eau x- l'Étoile est figurée ! 'A scension du Christ.
À Vézelay , il s 'a git d e la Pentecôte , c'est-à- dire du rayonnemen t de la gloire divine s ur le monde en tier.
À Moissac, !'Apoca lypse triomphe , montrant le Chris t de la parou sie (ou r etour sur terr e), envi
ronné des animaux de I' Apocalypse et
d es 24 vieillards .
D ans
les autre s égli ses, depui s
Conques au d ébut du x11• sièc le, c'es t un
Jugement dernier que ren contrent les
pèlerins qu i fran chissen t la porte .
mo rdent les seins d'une femme perverse, les
cous se tordent de dou leur, les geno u x plo ie nt.
Au centre, aux pied s du Christ, un ange sépare
cette cohorte désespérée de celle des élus, qui
s'avancent tête haute, portant l es signes des
actions méritoires qu'ils ont accomplies :
coquille des pèlerins de Saint-Jacques, crosse
d'abbé ...
Ici, tout n'est qu'extase, souple sse et
tendresse.
De jeun es enfants s'ag ripp e nt aux
ailes d 'un ange pour qu'il les hisse.
Un autre , à
l'extrémité du tympan, semble faire de la balan
çoire avec l'ange qui sonne de la trompette.
Les
âmes sont tirées , poussées , hissées.
Tout frémit
de vie et d'amour.
Dieu et la vie
L'exploit de Gislebert est d'exprimer simulta
nément le caractè re surnaturel de ce Dieu
t
out- pui ssan t, imm obile dans sa gloi re, et le
bouillonnement
de la vie huma ine, ses
ango isses et ses espérances.
La déformation
des corps sans épaisseur, tant ôt désarticulés
par la
peur, tantôt étir és dans l'exta se, les
écarts extrêmes de proportions, le mélange du
divin, de l'h umain et du monstrueux, de l'his
toire médi évale et de l'imag inaire, la cohabi
tatio n des anges, des démons, des apôtres et
de la foule ano nyme des vivants déterminent
une impression de v ie grouillante et désor
donnée , dans une composition implacable
ment ordonnée par la géométrie..
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