Georges de La Tour et sa « nuit lumineuse »
Publié le 04/12/2018
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L'amateur, qui réduit trop aisément un peintre à un style unique, ne peut s'empêcher de s'interroger : est-ce bien le même homme qui a produit ces scènes ou ces personnages de rue - à travers lesquels se lit toute une violence du quotidien - que celui qui s'est comme retiré du monde en concentrant un halo de lumière intimiste ou méditative ? Pourtant, à analyser les compositions, toutes centrées sur le sujet sans qu'aucune fioriture ne vienne distraire le regard, à scruter les visages, progressivement réduits à des ovales lisses, à s'arrêter sur les couleurs qui, au fil des toiles, se concentrent, sur un fond noir, autour de deux ou trois dominantes dégradées, se lit un parcours artistique - l'homme semble avoir été moins estimable - appuyé sur une spiritualité conquérante. De ce point de vue, les Madeleine ou le Saint Jean-Baptiste dans le désert (Metz) peuvent apparaître comme la métaphore même de La Tour : une méditation sur un monde dont on voudrait s'absenter, une lumière vacillante mais bien présente pour maintenir l'espérance contre le mal, le malheur et la misère. Peut-être est-ce pour cela que René Char avait épinglé dans son PC de résistance l'image de Job, celle-là même à laquelle il consacre une page de Feuillets
Célèbre en son temps, ce Lorrain de Vic-sur-Seille, considéré par ses concitoyens de Lunéville comme « le seigneur du lieu » - ce qui n 'est pas forcément un compliment ! -, « peintre pour le service de sa majesté » (Louis XIII), tomba dès sa mort (1652) dans un oubli qui allait durer près de trois siècles. Sans visage, il demeure, comme sa vie, dans une ombre quasi complète. Mais les patients travaux des historiens de l'art lui ont restitué, au fil des dernières décennies, des tableaux qui font de lui, à l’instar de Vermeer, l'un des maîtres de la peinture universelle, inventeur, en marge de l'académisme classique, d'une esthétique qui suscita copies et imitations mais ne fut à l'origine d'aucune école.
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