Gauguin : LA VISION APRES LE SERMON
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
pommier, au centre, qui coupe la composition
en diagonale.
Cette transposition d'un passage
de la Genèse dans le décor familier du bocage
de Pont-Aven, c'est le moyen que Gauguin a
trouvé pour rendre ce qu'il appelle, dans sa
lettre à Van Gogh, la •simplici té rustique et
superstitieuse • des Bretonnes, aussi vite halluci
nées qu'étrangères aux conceptions grandioses.
Les couleurs du rêve
Dans le même souci de faire percevoi r, et la
trivialité des visionnaires et la force de la
vision, l'artiste juxtapose le motif réaliste des
femmes en costume local et celui, imaginaire,
du combat, mais il traite l'un et l'autre dans
des cou leurs contrastées.
La frise des Bretonnes est peinte en noir et
blanc, avec des formes très simple s pour que
l'opposition entre ces deux cou leurs soit plu s
sens ible .
Les coiffes deviennent des boucles
blanches et les robes des ova les sombres, le
volume des épaules et des bras est effacé.
Des
visages, Gauguin ne montre que les éléments
nécessaires à l'expression de la •superstition • :
les yeux fermés du prêtre et de la femme en
priè re dans le coin gauche, les bouches serrées
par la stupeur et les mains jointes.
Cette zone tout en noir et b lanc rend plus vif le
vermillon de la prairie , un •vermillon pur • pré
cise Gauguin dans sa lettre.
La précision
importe : c'est cette couleur pure et non natu
raliste qui distingue le plan de la réalité de celui
de la vision.
C'est elle qui, par son extrava
gance nécessaire, signifie que la scène n'exis te
que dans l'imag ination des femmes.
C'est elle
enfin, couleur sanguine et stridente, qui
évoque la vio lence de la lutte, le tr agique de
l'épisode et la menace de mort.
Le jaune des
ailes, l'orange des chairs, le bleu et le vert des
robes, autres tons intenses, ajoutent à 11 élo
quence de la peinture, é loque nce en rapport
avec celle du sermon qui a su scit é la vision.
Peindre l'irreprésentable
Une telle image ne naît pas seulement de l'ima
gination de l 'artis te.
Pour la concevoir, Gauguin
s'inspire de plusieurs sources.
Plus que du
tableau de Delacroix, il se souvient des
estampes japonaises - exemple d'art •popu
laire•
exotique -, des images d'Épinal aux
rouges et aux bleus purs, aux dessins mala
droit s (tel l'ange, avec ses ailes raides et symé
triques), et des vitraux des églises bretonnes.
À
ces derniers, il em prunte l'idée de réduire les
corps et les visages à des contours simples,
aussi simples que les contours d e plomb qui les
construisent.
La •maladresse • voulue du dessin
de la Vision du sermon fait écho à la rusticité des
images pieuses qui ornent les fenêtre s et les
aute ls des chapelles b retonnes.
Le pein tr e se souv ient aussi de sources plus
modernes.
Il emprunte aux impressionnistes,
qu' il a côtoyés à Pari s, et aux peintres qui
l'ont accompagné à Pont-Aven.
L'un d'e ux,
Émile Bernard, use comme lui, et même avant
lui, des contours courbes simplificateu rs et
des aplats de coule ur peu modulés.
Mais ni Bernard ni aucun impressionniste ne
se risque à tente r ce qu'accomp lit Gauguin :
la peinture d'une vision avec les moyens de
l'art moderne et non pl us avec ceux de l'art
sacré traditi onnel, emprunt de conformis me.
Les impressionnistes prennent leurs sujets
dans le paysage moderne et la vie urbaine : ils
n'essaient pas de peindre les songes de leurs
contemporai ns.
Gauguin saute le pas et se
hasarde à représente r ce qui semble irrepré
sentable : l'i maginaire , le fabuleux, le sacré.
Non qu'il adhère lui-même à la religion catho
lique , mais, vivant à Pont-Aven, il est frappé
par la ferveur des Breton s, et la peint aussi
efficacement que possible.
Avec les moyens
de la peinture, il poursuit son investigatien
au-delà des visages, jusque dans les cerveaux,
là où la peinture, d'ordinaire, n e pénètre pas.
En 1888, rares son t ceux qui comp rennent sa
tentative.
Le curé de Pont-Aven refuse le
t ableau quand Gauguin veut l'offrir à la
paro isse q
ui l'a inspiré.
Le progressiste
Pissarro crie au •retour en arrière• et les ama
teurs, offusqués par le pré vermillon , protes
tent que •l'artiste a voulu se moquer d'eux».
Il
n'empêche, la Vision du sermon marque le
début d'une ère nouve lle.
L e Co mbat entr e J acob et
l 'a
nge , Eugèn e Delacroix (Paris , église Saint- Sulpice).
Paul Gauguin
Paul Gauguin, détail d'un
autoportrait.
P aul Gauguin naît à Pa ris en 1848.
Son père , Clov is, est un jour naliste libéral ; sa mère , l a fille de Flor a Tri sta n, f igure majeure du mouvement ouvrier.
L'année s ui
vante , la famille émigre au Pérou et Clovi s meurt durant le voyage.
Le séjo ur péruvien dure six ans.
De 1854 à 1865 , Paul est pensionnaire à Orl é ans , puis de 1866 à 1871, marin au long cou rs.
Grâce à son
tuteur , le banqui er et esthè te
Gustave Arosa, il trou ve alors un
emp loi à la Bour se tout en s 'initiant à la p eintur e.
En 1873 , il épou se
une Danoise , Mette Gad.
Ses affaires prospèrent et il achète ses premier s tablea ux impres sionni stes
s ur le conse il de Pissarro .
Peu à pe u , il s'agrè ge au groupe impres sionni ste et, en 1880 , 1881 et 1882 , parti cipe à ses exposit ions .
Il fré quente alors Cézanne et Degas .
En 1883 , une c rise bour siè re le prive de son emploi ; i l déci d e a lors
de vivre de sa peinture.
La misère ne tarde pas.
Me tte e t leurs enfants partent pou r le Danemark .
En 1885 , Gauguin doit se faire co lleur d'affiches.
En 1886 , il se rend à
Pont-Aven .
C'es t le début de sa
p ér io de bretonne , qui dur e jusqu'e n 1890 ; elle est coupée en 1887 par un voyage désas treux à Pan ama e t à la M artinique et, à la fin de 1888 , par un bref et non moins dés as
treux séjour à Arles , aupr ès de Van Gogh .
En 1891 , il quitte la France pour Tahiti et y deme ure jusqu 'en 1893 .
Son reto ur en Fran ce n'e st qu'une
s uite d e dési llusio ns, s i bien qu'il re pa rt, en juillet 1895 , pour
l'Océa nie.
De 1895 à 1901, il vit à Punaa u ia, à Tahiti, mais sa sa nté
se dégra de .
Il affronte les autorit és col onia le et religieu s e , qu'il accuse
d 'a voir corrompu les indigène s.
En 1901 , il se retire à Atuona , dans les Marquises .
Il y meurt en 1903 ..
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