Frans Hals : LE BANQUET DES OFFICIERS DE SAINT-GEORGES
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
Dans ce contexte, un peintre, Frans Hals, accède à la célébrité en représentant les bourgeois de son temps aussi exactement et simplement que possible. Les portraits qu'il réalise sont ceux d'individus, hommes et femmes, peints dans de sobres et riches habits, isolés sur un panneau. Mais la spécialité qui assure sa renommée est la production de portraits de groupes où les notables de la ville sont montrés ensemble, réunis pour un conseil d'administration ou un banquet de leur confrérie.
«
Le Banquet des offi ciers de la garde civ ique de Sa int-G e o r ges a été command é à Frans Hal s, lui même membre de c ette garde , pour
décorer la salle où se réuni ssai ent les notables qui la dirigeaient.
La peinture a é té exécut ée en 1616 et elle est demeu rée en place jusqu 'à l a fin du xv11• siècle, date à laquelle elle a été transportée au
Prinsenhof , la r é sidence occasion nelle du stadhouder - le gouverneur
des Provinces-Unie s.
Elle est aujourd 'hu i conserv ée au
musée Frans Hals de Haarlem .
Van Eyck, à Quentin Metsys, à Gérard David ...
d'austères et parfois féroces portra its de leurs
contemporains ainsi que des scènes de genre .
Si le peintre se laisse influencer par un courant
pictural plus récent et venu d'Italie, c'est par
celui du Caravage, représenté sur place par
Ge rrit Van Honthors t ou Hend rick Ter
Brugghen : un art qui prend le peuple pour sujet
et peint des scènes d'auberges, ripailles et
concerts,
dans des éclairages nocturnes.
La
peinture de Frans Hals réussit cette paradoxale
synthèse : transposer le réalisme et les sujets
bourgeois des primitifs flamands dans la
lumière contrastée et les fortes couleurs des
pein tres caravagesques.
Portraits de groupe
Ce n'est pas que le Banquet des officiers de la
garde civique de Saint-Georges soit le prem ier
portrait de groupe qui ait jamais été peint.
Déjà,
Van Eyck, dans les Époux Arno/fini, avait repré
senté ensemble deux personnages bourgeo is : le
banquier Giovanni Arnolfini et sa femme.
Et les
donateurs figurés en train de prier sur les côtés
des polyptyques, comme dans /'Adora tion des
bergers de Rogier Van der Weyden, son t aussi
des portraits de groupe.
Mais c'est un trait
socia l spécifique des villes flamandes qui
explique le développemen t particulier de ce
genre de peintu res dans la région.
Les villes des Pays-Bas du Nord, en effet, ont
la particularité de posséder des milices, c'est-à
dire des confréries ou corporations à caractère
militaire, gardes civiques réunissant la popula
tion masculine des différents q uartiers, sous la
direction de leurs notables.
Occuper une posi
tion de responsabilité à l'intérieur de ces
milices est une ma rque de prestige .
Les offi
ciers des gardes urbaines en viennent donc à
souha iter qu'une
image immortalise leur
réussite : ils chargent les peintres de réaliser de
grandes compositions les montrant ensemble,
pour orner les salles où ils se réunissent.
Les premie rs tableaux de corpo ration superpo-
sent des figures à mi-corps, sans manifester
aucun souci d'une mise en scène : le portrait de
la Confrérie des arquebusiers d'Amsterdam, peint
par D i rck Jacobsz en 1529 (Amsterdam,
Rijksmuseum), en est le plus ancien exemple .
Plus tard, dans les années 1580, Cornelis
Cornelisz Van Haarlem (1562-1638) organise de
façon plus théâtrale ses portraits, en disposant
autour d'u ne table les personnages qu'il repré
sente.
Ses tableaux accumulent encore les
figures, de sorte à portraiturer un maximum de
membres des milices sur un minimum d'espace,
mais le principe d'organisatio n qui inspire la
peinture de Frans Hals se trouve ainsi posé.
Une joyeuse cohorte
La grande nouveauté du Banquet des officiers de la
garde civique de Saint-Georges, par rapport à ces
tableaux, réside dans la transformation d'un por
trait qui ressemble à un catalogue de têtes en
une scène profondément animée .
Autour des
figu res, un air nouveau circule.
Le banquet a lieu
dans une pièce, suggérée par la présence d'un
rideau, de lignes d'architecture et d'une fenêtre,
au milieu de la toile, ouvrant sur un paysage.
L'obliquité des poses, personnages se penchant
les uns vers les autres ou s'écartant pour mon
trer le rôti, est soulignée par le jeu des écharpes
qui barrent les poitrines en diagonale.
Traversan t
la composition dans le fond du
tableau, un étendard forme une diagonale plus
marquée qui a pour écho, au premier plan, un
autre drapeau reposant incliné sur l'épaule de
l'homme qui ferme la peinture à droite .
Surtout, par endroits tout au moins, une manière
de peind re formidablement libre vient donner à
ce groupe de bourgeois un caractère d'audace qui
lui permet de traverser les siècles.
Partout dans le
tableau, la symphonie des noirs et des blancs,
rompue sur le côté et à 11 avant par le jeu discret
des touches vertes, voit son rythme souligné par
le rouge éclatant des écharpes et des bannières .
La touche, méticuleuse lorsqu'il s'agit de peindre
les motifs tramés de la nappe ou les reflets de la
lumière sur la vaisselle d'étain, s'inscrit en
longues traînées pour rendre le retour du drapeau
sur la hampe au-dessus du capitaine et forme des
empâtements sur les plis du rideau .
Dès lors devient possible la spontanéité des
poses et des expressions : le portrait sur le vif,
tel qu'aucun peintre n'a su encore le tenter.
Chaque personnage est représenté dans une
attitude conforme à son tempérament.
Le
peintre n'hésite pas à reprodu ire des aspects
bonhommes ou quelque peu triviaux : ventres
épanouis et joues couperosées .
«Ce qui meurt
alors, c'est l'image italienne de l'homme», écrit
Mal raux, évoquant ce manque d'idéalité.
~ Voir aussi : p.
98-99 (Les Époux Arno lfini); p.
110 -
111 (L'Ado ration des bergers).
Malle Babbe, Frans Hals,
1633-1635 (Berlin, musée d 'État).
La libené avec
laquelle la touche est posée dans ce pon rait d'une femme du peuple vaguement sorcière a des
prémices dans la facture du Banquet des officiers de la garde civique de Saint-Georges.
Frans Hals
N é à Anvers entre 1581 et 1585 , m ais
f ixé à Haarlem d ès s on enfan ce, Hal s réside dans ce tte vill e jusqu 'à sa mort , en
1 666, et y d e vient un cé lè bre portrait iste.
Fo rmé ve rs 16 00- 1603 dan s l' ate lie r de Karel Va n Mander , peintr e mani éris te e t
a uteur fameux d 'un Livre de pein ture publi é en 160 4, Hals trav a ill e comme artist e i ndép end ant à pa rtir de 16 1 O envi
r o n.
Il a d opt e alo rs un styl e bien d iff é rent de celui d e s on maîtr e, écha pp ant to ta le m ent à l'i nf luen ce itali en ne et à la ten
d an ce man ié ris te
pré pond érant es dans le Nord à la fin du xvie s iè cl e.
En 1616 , le prem ier grand portr ait de
group e qu'il réa li se, le Banquet des offi
ciers de la garde civique de Saint
Georges , le rend c él èbre.
E n 1 633, il est choisi
pour exéc uter
le tab leau de co nfré
r ie d e la Compagnie du capitaine Reynier Read , des tiné à Ams ter dam.
En
1 6 41 , ce so nt les Régents de l'hôpital Saint e-Élisabeth , à H aa rle m.
De no u
ve au x R ége nts et R ége ntes , pour l'ho s pice d es viei ll ard s, d ate nt de 1 664 : le pein tre a alor s plus de quatr e -v ingts an s.
L es portra it s de gro upe émaille nt ainsi la car ri è re de Fran s Ha ls e t a ssuren t so n
r eno m.
P ourt ant , le p ein tr e, ma rié deu x fo is ,
p è
re de neu f enfants, co nnaît des diffic ul tés financières : en 1 654, son mo bilier est
sa is i: en 1662,
il doit d em and er un s ubside
à la mun ici palit é d e H aa rlem.
So n sort pré fi
g ure
ce lui de Re mb randt , plus jeu ne de
v in gt ans, po rtraitis te lui a ussi, qui conn aît,
com me Hals, un e vieillesse miséra ble ..
»
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