François Boucher LA SUITE CHINOISE - Analyse
Publié le 14/09/2014
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«
Le Jardin chinois , François Boucher (Besançon , musée des Beaux-Arts).
La descrip tion détaillée du parc impérial,
le •Jardin des Jardins ., écrite par le jésuite
J.
D.
Attiret, n'est publiée qu'en 1749, soit
sept années après que Boucher a exécuté ses
esquisses, et les dessins envoyés par le père
ne parviennent en France qu'en 1765 , long
temps après que Boucher a abandonné l'inspi
ration orientale.
L'artiste s'est-il alors servi de
la De scrip tion de l'Empire de la Chine du père
Du Halde , réimprimée en 1735 ? Rien ne per
met de l'établir non plus.
À vrai dire, Boucher imagine la Ch ine plus
qu'il ne cherche à la figurer fidèlement.
Avec
une dextérité exemplaire, il métamorphose des
scènes occidentales pour leur donner un tour
asiatique.
Son]a rdin chinois est une fête galante
où le souvenir de Watteau compte davantage
que l'exactitude ethnologique.
La couleur
locale vient de quelques détails aisés à saisir :
l'éventail circulaire à manche droit, les crâne s
p
olis et les chignons serrés.
Mais le jeune
Chinois qui tie n t une palme contre lui et
admire la belle à sa toilette assise près d'un
miroir est l'équivalent orientalisé d'un person
nage fréquent dans les fêtes galantes de
Watteau : le galant enamo uré p erdu dans la
contem plation de celle qu'il veut conquérir.
De
même, les servantes du jardin chinois sont les
sœurs des dames de compagnie des peintures
qui représentent des scènes à sujet européen
au XVIII' siècle , et le jardin l ui-même n'est
•sinisé• que superficiellement; on le situe rait
plus volontiers à Saint-Cloud qu'à Canton si
quelques bambous ne s'y dressaient par places.
Qu'y a-t-il de vraimen t, d'indubitablement
chinois dans ce tableau? Un vase de porce
laine bleu et blanc, un fauteuil laqué , le miroir
peut-être, et rien de plus - quelques obj ets
que Bouche r a vus sans peine dans les inté
rieurs de collectionneu rs, à moins qu'il ne les
possède lui-même dans son atelier.
L'artiste
veut moins faire •vrai• que faire rêver.
Les
incongruités ne l'embarrassent pas , ni les
absurdités.
Dans /'Audience de /'empereur chi
nois , Boucher représente par deux fois, en le
modifiant à peine, le baldaquin du Bernin à
Saint-Pierre de Rome , preuve décidément que
ses chinoiseries sont autant de variations sur
des thèmes occidentaux.
De la fantaisie à la fable
L'étonnant est que ces peintures de charme,
qui ont l'apparence de la légèreté et visent
avant tout à la surp rise et au divertissement,
n'en suggèren t pas mo ins une réflexion.
En 1721, soit une vingtaine d'années avant le
jardin chinois , !'écrivain Montesquieu a fait
paraître à Amsterdam, sans nom d'au teur , ses
Lettres persanes.
Bien avant lui, La Fontaine a
mis en ver s le Songe d'un habitant du Mogol.
C'est dire que le détour par l'Orient est apparu
comme un moyen de dépeindre l'Europe, ses
mœurs et parfois ses ridicules, par un jeu d'allu
sions et de transpo sitio ns adroitement
maquillées.
En ce sens, Boucher s'inscrit dans
une tradition de la métaphore qui l'apparente
aux écrivains : son]a rdin chinois figure en les tra
vestissant les plaisirs - bals masqu és, galante
ries artificieuses - de ceux qui, justement , goû
tent sa peinture.
Certes, il ne faut probablement
voir aucune allusion satirique dans cette œuvre
ci.
Mais il n'en va pas de même dans toutes les
esquisses d e la série.
Ainsi, /'Audience de l'empe
reur chinois , pour reprendre cet exemple , est la
mise en scène burlesque d'une majesté qu'il est
diffic ile de prendre au sérieux.
Le suje t, parce
qu'il est éloigné, supporte qu'on s'en moque ;
mais la Chine peut aussi apparaître, dans cette
occasion, comme le double travesti du
royaume où règne Louis XV.
L'Empire du Milieu pourrait aussi bien servir de
modèle à la France, modèle de sérénité, de tolé
rance, de paix et de bonheur de vivre - ce que
Boucher a mis dans ses esquisses.
Le meilleur
commen taire de celles-ci se trouverai t alors
dans le Dictionnaire philosophique que Voltaire fit
paraître en 1764.
Des Chinois, le philosophe
écrit ceci : •la constitution de leur empire est à
la vérité la meilleu re qui soit au monde, la seu le
qui soit toute fondée sur le pouvoir paternel
[ ...
]; la seule dans laquelle un gouverneur de
province soit puni, quand en sortant de charge,
il n 'a pas eu les acclamations du peuple; la
seu le qui ait institué des prix pour la vertu , tan
dis que partout ailleurs les lois se bornent à
punir le crime. • Tant de mérites valaient déci
dément qu'on les peignît.
Le Flûteur ,
d'après Boucher
(Manufac ture de Vincennes).
Ce
•biscuit• , ou sculpture en
porcelaine , évoque les
délicatesses galantes de l'art
de Boucher, qu'elles se situent
en Chine ou en Occident.
François Boucher
Né à Paris en 1703 , Boucher est d'a b o rd l'élève tr ès doué de son père, Ni colas Bo uch e r, puis ce l ui de Fra nço is
L e m oine.
À vingt an s, il grave d'a pr ès
W atteau et exéc ute ses premier s ta b lea ux.
Entr e 1728 et 173 1, il séjourne à Ro me et, pe ut-ê tr e, à Venise.
À son retour , il es t a gréé pa r l' A cad ém ie co mm e p eintre d'h is to ir e e n
1 73 1 et reç u memb re en 1 734.
Dès lors , Bouch er est à la m od e.
Sa facilité et le char me de ses comp osit io n s m yth olo
giq ues et gala ntes lui ass urent com man d es et acha t s.
Il exéc ute des carto ns
d e tapisseries , des grav ures et des
œuv res d éco ratives.
Ses œuvr es se
voien t parto ut : à Versai lles, a u Sa lo n, d an s les hô te ls d e l 'aristoc ra tie e t à
Beau va i s, où so nt tissées son H isto ir e
de Psy ché e t la Sui te chinoise .
La gloir e du peintr e est europ ée nn e, d e la S uè de à la Ru ssie , et la fa vorit e de
Loui s XV , Mad am e de Pomp adour , le prot ège .
En 1761, Bouc her es t recte ur de lA ca démie; en 1 765, prem ier p eint re du roi et dir ec te u r de l'A cad ém ie.
Trava ux e t ho nn e urs lui ass urent un e
r ic h esse estim ab le qu 'il dép en se en œuv res et ob jets d'a rt.
Il meur t e n pleine glo ire , en 177 0..
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