Explosion des best-sellers, surprises dans l'attribution des prix Nobel, auteurs résistants : littérature et théâtre des années 90
Publié le 22/03/2019
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Jamais auparavant la scène médiatique n'avait connu de changements si violents qu'en cette fin du vingtième siècle. Internet, vidéo et CD-ROM, sans oublier le marché en croissance constante des télévisions privées, concurrencent la presse écrite, le théâtre et le cinéma. Pourtant, le marché du livre se révèle étonnamment vivace, et l'intérêt pour la littérature reste inchangé.
Les nouvelles institutions du monde littéraire sont désormais les librairies, les émissions littéraires télévisées et le CD-ROM. Dans la première moitié des années 90, le marché du livre se porte assez bien, même si les éditeurs, les libraires et les critiques se plaignent d'une surproduction permanente.
Beaucoup de choses ont considérablement changé dans le domaine de la littérature. Les années 50 et même les années 60 ont été paisibles : à l'époque, on donnait encore une chance aux livres qui n'avaient pas retenu l'attention des médias dès le premier mois de leur parution. Dans les années 90, les nouveautés qui ne marchent pas disparaissent immédiatement des rayons des librairies ou, pire encore, n'y parviennent jamais. Chaque nouveau titre comporte un délai de péremption très court, en Europe comme aux États-Unis.
Pour les jeunes auteurs et les nouveaux venus, il existe un numerus clausus chez les éditeurs. «Au moindre soupçon de génie, un jeune écrivain n'est pas simplement édité, mais est immédiatement
Un éminent critique littéraire allemand, Marcel Reich-Ranicki.
recommandé aux jurys, puis récompensé par des prix et pris en charge jusqu'à son dernier souffle», lit-on dans la rubrique littéraire d'un hebdomadaire allemand. Le journaliste auteur de ces lignes induit ses lecteurs en erreur : en réalité, les comités de lecture bloquent l'offre trop abondante en mettant leur veto.
En France, plusieurs émissions télévisées offrent un panorama de l'actualité littéraire. «Apostrophes»,
«
Les
romans de l'écrivain égyptien Naguib Mahfouz
sont critiqués par les fondament alistes.
est la première femme depuis vingt-cinq
ans à recevoir le prix Nobel de littérature.
Son œuvre est un témo ignage irrem
plaç able sur l'évolution de la mentalité
des Blancs d'Afrique du Sud.
Histoire de
mon fils (1990) est l'occasion pour Nadine
Gordimer d'offrir un regard sur le monde
des métis.
L'at tribution, en 1996, du Prix Nobel de
li tté ratur e à la Polonais e Wys lawa
Szymborska, née à Poznan en 1923 et
domiciliée à Cracovie depuis 1931, suscite
la désappr obation des critiques qui
contestent la décision du comité, poli
tique ment trop marquée.
L'auteur
polonais Zbigniew Bienk owski déclare à
propos de Wyslawa Szymborska que sa
poésie agit «comme si tout allait recom
mencer avec chaque poème, le monde,
l'e xistence et la non- existence, le savoir et
l'i ntuition, l'incertitude aveugle du destin
et la conscience rayonnan te du bonheur.
>>
Le théâtre : l'exemple de la France.
À
partir de Mai 1968, la contes tation
politique a su scit é l'a pparition d'un
théâtre engagé, en même temps qu'un
retour à un cert ain réalisme.
Idéologue du théâtre populaire, co
dir ecteur du TNP de 1972 à 1986, Roger
Planchon est contesté en tant qu'auteu r;
on lui reproche également ses mises en
scène de plus en plus surchargées.
Son
œuvre est une critique des conventions
sociales et litté rair es.
Perso nnage
comple xe, impitoya blement lucide ,
tenace, fragile, il provoque mais reste un
leader.
Sa mis e en scène de Tartuf fe (1
973) continue de fair e réf érence.
Malgr é des difficultés financières du TNP
en 1993-1 994, Planchon monte sa pièce
intitulée Les Libertins.
Lui aussi très engagé dans sa vie
comme dans son œuvre théâtrale, hanté
par toutes les oppr essions, Armand Gatti
in scrit sa démarche dans la lign ée de
Br echt.
Son théâtre est le fruit d'une
expérience pratique menée sur le terr ain.
C'est un «théâtre du quotidien >> que
prônen t de s au teur s comme Michel
Vi naver.
Ses pièces décrivent des
situations de crise dans un cont exte
politique ou social.
Il met en évidence le
non-dit et nous amène à revo ir bien des
idées reçues (Les Voisins, 1989).
Mais ce
nouveau réalisme -qui caractérise aussi
l'œuvre d'auteurs comme Bernard-Marie
Koltès (Roberto Zucco, pièce posthume
créée en 1991 par Bruno Boëglin),
Phil ippe Min yana ou Botho Strauss
s'a llie cons tammen t à un onirisme
débridé.
Protestation et résistanc e.
L'into
lér ance essa ie tou jour s d'é touffer la
li berté d'expression et de faire tair e les
écriv ains critique s.
Les exemples sont
nom breux : in cendie provoqué par les
fondamental istes turcs lors d'une
renc ontre litté raire à Sivas en 1993,
assassinat d'écrivains, de professeurs et de
journal istes en Algérie, fatwa prononcée
contre Salman Rushdie en Iran, arres
tation lancée contre Taslima Nasreen,
originaire du Bangladesh.
Ta slim a Nas reen dépein t, dans son
roman La Hon te, la vie d'une famille hin
doue dans un quartier musulman.
Son livre,
qui dénonce une barbarie brutale,
est interdit en juill et 1993.
Un an plus
ta rd, un ordr e d'a rrestat ion est lancé
contre elle pour avoir heur té les senti
ments islamistes.
Elle se cache, puis quitte
le pays en échange d'une caution.
Dans l'ancienne Union Soviétiq�e.
l'ère
du samizdat prend fin.
Valeria Narb'l�o wa
peut désormais publier librement son
trava il empreint de fougue, de passion,
brisant bien des tabous au détour de
nom breuses critiques.
Les écrivains autre
fois poursuivis se retrouvent aujourd'hui
dans une étrange situation, ayant perdu
«l eur ancienne sainteté et leur aura
prophé tique>>, comme l'explique le
Kir ghize Tchingis Aitmatow lors d'un
congrès littéraire international en 1993.
L'auteur iranien Mahmud Doulatabadi
pense que l'arrêt de la course à l'arme
ment des superpuissances n'a pas apporté
la paix, mais des guerres civiles et l'exploi
tation accrue des pauv res.
«Dans cette ère
nouvelle de l'esclavage, l'écriva in, s'il n'est
pas un élément du système, devient un
facte ur dérangeant qui, soit se replie sur
lu i-même, soit dégage par un coup de
pied au derrière.
Ce qui fait la quali té de
la littérature, ce n'est pas de se détou rner
de la réal ité humaine en enjolivant les
choses, mais au contraire de l'affronter.
>>
Dans les anné es 90, les médias ont le
vent en poupe.
Dès 1993, on dit que la
presse écrite et la télévision seraient en
passe de suppla nter l'industrie auto
mobile en termes de valeur économique.
Dans ce cadre, le roman, le récit, la poésie
et le théâtre occupent des places
marginales mais leur rôle social demeure
primordial.
Heiner Müller présente en 1995, au théâtre du Schiffba uerdamm, une pièce sur l'autodest ruction
en Allemagne..
»
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