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Dürer : LA MELANCOLIE

Publié le 14/09/2014

Extrait du document

La gravure

On appelle gravure la technique qui consiste à inciser sur une surface quelconque un dessin, qui est reporté ensuite à l'envers, par encrage et appli­cation d'une presse, sur une feuille de papier.

Il ne semble pas que la gravure ait été pratiquée dans l'Antiquité. Les premiers graveurs sont des orfèvres, habitués à inciser des motifs ornementaux sur les vases, reliquaires, etc., qu'ils réalisent. L'art de la gravure se développe à partir de la seconde moitié du xv' siècle et au début du xvf siècle : Schongauer à Colmar, Dürer à Nuremberg, Mantegna à Padoue, puis Marcantonio Raimondi, qui grava des compositions d'après Raphaël, sont les principaux graveurs de cette époque.

« L'œuvre représente une femme, beauté jeune aux formes lou rdes, vêtue d'une somptueuse robe et ass ise à même le sol, sur un gradin.

Un chien est auprès d'elle, comme dans les autres images : il dort, son corps replié sur lui­ même.

La femme , elle , ne dort pas.

Elle n'agit pas non plus : elle n'est pas comme le cheva­ lier , qui continue son chemin sans se poser de questions ; elle diffère aussi de saint Jérôme qui, éclairé par la foi, rédige son œuvre sans être troub l é par aucun doute.

La femme est une allégorie : la couronne de feuillage qui ceint son front, les ailes qui ornent ses épaules montrent qu'elle appartient au monde des symboles.

Les objets qui sont autour d' elle disent clairement qu'elle symbolise la Raison au service de l'Action - la spéculation sans la lumière de la foi.

La femme, en effet, tient un compas , qu'elle n'utilise pas; une sphère, au premier plan, un polyèdre un peu plus loin, une balance sur le bâtiment , une échelle , une table de chiffres sous une cloche - instrument qui sonne les heures -, un cadran solaire au-dessus du sablier , que l'on retrouve ic11 parlent des nombres et du temps , des choses que l'intelli­ gence mesure.

Un rabot , devant la femme , une scie , une meule, surmontée d'un petit génie derrière elle, un marteau, en arrière du chien, évoquent les activités manuelles, l'art de l'architecte, par exemple, qui s 'appuie sur les nombres pour créer.

Mais la femme ne crée pas.

Le regard fixe , le visage baigné d 'ombre, elle médite sur sa tâche , à moins qu'elle n'y ait déjà renoncé.

Son menton appuyé sur son poing , tout le poids de sa tête reposant sur son bras replié, le coude soutenu par le genou , elle réfléchit, dans une ext rême tension spirituelle.

Une méditation sur le statut de l'artiste Un cartouche porté dans le ciel par une chauve­ souris nous explique qui est cette femme impuissante à créer et désespérée de l'être : il s'agit de la Mélancolie - MELENCOLIA.

Comme l'a rappelé l'historien Erwin Panofsky, l'être mélancolique, selon les savants du Moyen Âge , est celui dont le tempérament est dominé par une •sève • ou •humeur • noire, la bile, et qui est placé sous l 'influence de Saturne , maître du froid , de l'obscur.

Cette influence l'empêche La Mélancolie, Cranach (Colmar, musée ) .

La Mélan colie , A lbrecht Dürer.

La Mélanco lie es t u ne gravure s ur c u ivre de 29 cm de hau t sur 18 ,8 cm d e lar g e.

So n véritab le titre, d'apr ès l' insc rip ­ ti on du c art ouche p or té par la cha uve-s ouris, es t M élancolie I - ind ice qu e Dürer, lorsqu'il gr av a cette œ uvr e en 1514 , prévoyait d'a utre s versio n s, qu' il ne réali sa pas.

d'agir: le saturnien est au pire un paresseux, au mieux un velléitaire.

La femme qui médite au lieu de saisir les outils de la création est bien une •mélancolique •.

Outre l'inscription du car­ tel, la chauve-souris , qui tient celui-ci, indique qu'elle appartient au monde nocturne.

Le ciel noir au-dessus du littoral est d'ailleurs un ciel de nuit.

Il est éclairé seulement par l a fulg uration d'une comète et par la lumiè re d'un arc-en-ciel, phénomène atmosphérique diurne il est vrai, mais que les peintres du Moyen Âge font figu­ rer traditionnellement dans les représentations du Jugement dernier, après l'établissement des ténèbres apocalyptiques.

En un point essentiel, pourtant, Dürer s'écarte de la représentat ion traditionnelle de la Mé lancolie : les images médiévales qui illus­ trent le tempérament ainsi désigné figurent un personnage indolent qui dort, ou qui rêve tout en se livrant à quelque occupation légère et sté­ rile : Cranach montre ainsi une femme qui écorce une tige de bois.

Le désaveu du tempéra­ ment mélancolique est total, dans ces images.

Il n'en va pas de même dans la Mélancolie de Dürer : la femme ne rêve pas dans le vag ue, elle ne se détourne pas de sa tâche pour se consa ­ crer à quelque vain effort - mais elle hésite, elle tend son esprit, douloureusement , vers le but qu'elle s 'est fixé : l 'idéale beauté ou le par­ fait savoir - ici mathématique.

Le tempéra­ ment mélancolique devient, par cette diffé ­ rence , celui de l'artiste même : tenté, à chaque œuvre, d'abandonne r sa tâche, parce qu'il la veut à tout moment plus parfaite.. »

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