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Diego Vélasquez

Publié le 28/02/2010

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Le visage de Vélasquez nous est bien connu. Lui-même s'est peint plusieurs fois, soit dans des groupes, soit tout seul. De grands cheveux noirs retombant de chaque côté du visage sur la collerette empesée, des moustaches retroussées, des yeux sombres, une expression sévère. Tous ces portraits s'accordent. On peut donc admettre qu'ils disent vrai. Or, ce qu'ils nous disent d'abord, c'est de ne pas demander à cet homme des confidences sur lui-même. Il est facile aussi d'écrire une biographie sur Vélasquez, mais ce ne sera guère qu'un curriculum vitae. Il était né à Séville, le 6 juin 1599, de don Juan Rodriguez de Silva, gentilhomme portugais, et de doña Geronima Vélasquez, dont il prit le nom. Mieux que Zurbaran, fils de paysan, ou que Murillo, fils d'artisan, ses origines le disposaient à devenir un peintre de cour. Son apprentissage se fait à Séville, dans deux ateliers, Herrera, puis Pacheco. Herrera, un demi-sauvage, dont la femme, la fille, les deux fils autant que les élèves, fuiront la brutalité. Pacheco, homme de bonne éducation, poète, auteur d'un célèbre Traité de la peinture et, par surcroît, père d'une charmante fille. "Après cinq ans d'enseignement, écrit-il, je la donnai à Vélasquez en mariage, incité par sa retenue, sa vertu, ses belles qualités et par les espérances que nous faisaient concevoir son heureux naturel et son grand talent."

« Menines sont rassemblés les principaux acteurs de la pièce.

Par delà cette impassibilité uniforme, il y a sans douteles variations incessantes d'une prestigieuse technique, mais c'est un autre problème, et sur lequel nousreviendrons. Pourtant, comme de Madrid, Vélasquez s'est évadé quelquefois des portraits officiels.

On a de lui des tableauxreligieux et des tableaux mythologiques. Parmi les premiers, des œuvres de début, comme le Christ chez Marthe et Marie (vers 1619, Londres, à la NationalGallery), ne sont que des natures mortes sous une étiquette chrétienne.

Mais que dire des grands tableaux de lamaturité ? Dans le fameux Christ de Saint-Placide (1632, Prado), l'effet est incontestablement habile ; mais est-ilémouvant ? et l'auteur lui-même était-il ému ? Le Couronnement de la Vierge (Prado) a beaucoup frappé M.

PaulClaudel : "Notre obscurité native est attirée jusqu'au centre de la fournaise par la violence de l'amour" Sans doute,la composition triangulaire éclatant comme un feu d'artifice est une belle trouvaille ; mais est-elle mieux qu'uneformule ? Sur Vélasquez, même les tableaux religieux ne nous apprennent rien et peut-être, s'ils n'existaient pas, nemanquerait-il pas grand'chose à sa gloire. Plus intéressante est l'évasion mythologique, d'autant que, en dehors de Ribera (mais, encore une fois, celui-civivait à Naples), Vélasquez est le seul peintre espagnol à l'avoir tentée.

S'est-il évadé bien loin ? Non.

Pas plusqu'une âme mystique, nous ne lui découvrons une âme antique.

Toujours il reste très fortement attaché aux réalitésespagnoles, à la terre et aux visages d'Espagne.

Son Bacchus (vers 1627) transforme les nobles Bacchanales deTitien en une beuverie populaire des environs de Madrid.

La Vénus au miroir (Londres), mince et longue, élégante etflexible, n'a ni les larges hanches ni le regard de déesse de la Vénus de Milo, ni l'opulence des formes titianesques :une Madrilène bien race, a-t-on dit.

Quant à la Forge de Vulcain, exécutée à Rome en 1630, c'est un exerciced'école, d'ailleurs admirable, sur un thème proposé par l'autre grand maître italien, Caravage : un des thèmes de lalumière, le reflet d'un feu de forge.

Le problème était alors si classique, qu'on le retrouve envisagé dans les mêmestermes par un des Le Nain dans un tableau du Musée de Reims ; l'analogie ne s'explique que par la source commune,le caravagisme.

Il faut donc renoncer à demander des confidences à l'œuvre de Vélasquez.

L'homme n'y apparaîtpas.

Enclos dans un silence obstiné, il ne nous livre rien de lui-même.

C'est la peinture la moins littéraire qui soit.Laissons-nous, du moins, aller à la joie de cette peinture pure.

Et ici s'esquisse une autre carrière, une autreévolution. Au point de départ, les œuvres sévillanes et ce qu'on a appelé sa première manière, les bodegones, natures mortes.Quelques objets élémentaires panier de jonc, cruche de terre vernissée, mortier de cuisine, jaune bassine de cuivrepoli, plat à œufs sont groupés sous des prétextes ou des titres divers, religieux ou profanes.

La fidélité au réel estminutieuse, extrême.

Elle s'affirme, d'une part, avec une magnifique monumentalité et une vigueur de modelé que nedésavouerait pas Caravage ; de l'autre, avec une préoccupation exclusive des problèmes de lumière et d'ombre.

Lemeilleur exemple en est, peut-être, le Vendeur d'eau (collection du duc de Wellington).

Évidemment, Vélasquez, quia vingt ans, l'âge des enthousiasmes, s'est pris d'admiration pour Caravage, dont les tableaux durent être connus àSéville vers 1616.

L'évolution commence à Madrid.

La Flandre l'y attendait avec les tableaux de son grandprédécesseur, Antonio Moro ; un peu plus tard, ce sera Rubens en personne.

L'effet est à la fois une simplificationdes formes et un éclaircissement de la palette.

Il élimine les tons bruns dans les carnations et les noirs purs.

Dansles premiers portraits royaux, par exemple le Philippe IV, N° 1020 du Prado, si les mains et le visage sont encore trèstravaillés, le changement de couleur est sensible. Puis c'est le départ pour l'Italie et l'intervalle entre les deux voyages (1631-1649) voit naître une nouvelle manière.La tendance à la simplification s'affirme.

L'accident, jadis noté scrupuleusement, se fond dans la masse ; les petitstraits de la représentation humaine cheveux, plis de la peau ou du vêtement deviennent des taches.

On a mêmeparlé de l'impressionnisme.

En fait, il y a surtout une conception nouvelle de la lumière ; celle-ci n'est plusconsidérée seulement par rapport à l'ombre et comme un moyen de modeler les surfaces, elle devient un milieu ensoi, existant en dehors des formes éclairées.

Ou plutôt, elle enveloppe les formes, les relie les unes aux autres.

De làl'introduction du paysage, les portraits en plein air, dont les plus magnifiques sont les trois images du roi, deFerdinand d'Autriche, et du petit Balthazar Carlos en chasseurs : des fonds de montagnes, des arbres, un chien, deshorizons qui s'enfoncent dans un tremblement de lumière argentée. Plus significative encore, la Reddition de Breda (Prado) : une plaine sans fin sous une lumière éblouissante, un océand'air enveloppant les formes ; une gamme de gris et de blancs où s'éteignent des verts, des rouges, des noirs, desroses ; tout cela, très espagnol, exacte notation de cette terre de Castille, où meurent des taches de couleurabsorbées par une lumière intense. L'évolution s'achève après 1651.

Déjà, les paysages de la villa Médicis, qu'il dut peindre à Rome en 1650, sont d'unetelle liberté, qu'on les dirait de la seconde moitié du XIXe siècle. De retour à Madrid, les formes ne sont plus qu'à peine indiquées ; tout détail disparaît.

Avec cela, parfois, descouleurs plus vives.

Dans les Menines, il y a moins des formes que des jeux de couleur et de lumière ; de près cesont des taches ; de loin, tout s'anime.

Les Fileuses sont le plus coloré des tableaux de Vélasquez ; peut-être, leseul vraiment coloré.

On sait le sujet : l'intérieur d'un atelier de tapisseries.

La couleur s'offrait naturellement avec lapolychromie des laines, mais elle envahit toute l'atmosphère et, cette fois, les ombres elles-mêmes deviennent des. »

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