Degas peint le spectacle à l'Opéra LA DANSEUSE AU BOUQUET SALUANT (analyse de l’œuvre)
Publié le 03/10/2018
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Le pastel, que Degas utilise en bâtons pulvérulents, est ici nécessaire, car, plus que l'huile, il ressemble aux fards dont se parent les danseuses et luit comme les gazes et les mousselines des tutus. Poudroiement de lumière, diton parfois à propos de cette œuvre : pour obtenir cette illusion, les poudres de couleur valent mieux que les mélanges fluides des palettes. Prodigieux dessinateur, Degas, quand il se sert des pastels, dessine directement avec la couleur, réunissant ainsi en un seul mouvement les deux disciplines essentielles de son art.
Degas, danse, dessin, tel est le titre du livre de souvenirs que Paul Valéry consacre en 1938 au peintre des ballerines et des femmes au bain. litre suggestif et juste : c'est à l'Opéra que Degas pousse à leur point culminant ses études sur le corps, le mouvement et la lumière artificielle. La Danseuse au bouquet saluant, l'un des très nombreux pastels que Degas a exécutés sur le thème de la danse dans les années 1870 et 80, est exemplaire de sa méthode. Car le peintre a véritablement sa méthode, qui part du croquis sur nature et se développe au prix d'une lente élaboration dans le calme de l'atelier.
«
Une de ces figures est costumée à l'indienne ,
un turban sur les cheveux.
Cet indice permet
de déduire que Degas s 'est inspiré du ballet
d 'un opéra •hindou • de Jules Massenet , le Roi
de Lahore.
La première de cet opéra ayant eu
lieu à Paris le 27 avril 1877, il est probable que
le pastel date de cette même année.
Ainsi
s'explique l'étrangeté des accessoires et des
costumes : elle résulte , non de la fantaisie de
l'artiste , mais du spectacle représenté .
La vue d 'en haut s'inspire aussi de la réalité :
elle reproduit la vision légèrement plongeante
d 'un spectateur réel, assis au premier balcon
ou dans une loge située légèrement de biais
par rapport à la scène - sans doute du côté
gauche.
Enfin , la géométrie et l'éclat blafard de la
lumière qui illumine si curieusement l 'œuvre
imitent aussi les conditions d 'éclairage d'une
salle de spectacle.
Deux sources différentes
éclairent les ballerines : la rampe, c'est-à-dire
la rangée de lumières, invisible pour nous
mais située en avant de la scène , devant la
danseuse saluant; et des lampes, des lustres
peut-être, que le pastel ne représente pas non
plus , mais qui jettent des cercles de clarté sur
les groupes à l ' arrière.
En 1877 , à !'Opéra de
Paris , il ne peut s'agir de lumières électriques
(qui n'y furent introduites que plus de dix ans
après ) , mais de la lueur blanche du gaz, qui
avive les teintes claires du bouquet et des
parasols, donne aux chairs une apparence
crayeuse et suscite des reflets décolorés sur
les mousselines.
Une œuvre longuement méditée
Le pastel se fonde donc sur l'observation d'un
spectacle précis.
Degas , en l'exécutant, fait
œuvre de • peintre de la vie moderne •,
La Da nseuse au bouqu et saluant,.
Edgar Deg as, 1878 (Provid ence, Rhod e Is land School o f D esign).
comme l'avait préconisé Baudelaire quelques
années plus tôt : il représente avec un grand
souci d'authenticité un spectacle contempo
rain et s'efforce, en particulier, de restituer à
l'identique les effets optiques d'une nouvelle
source d'éclairage.
Cette attention aux sujets actuels et aux pro
blèmes de la lumière rapprochent Degas des
peintres impressionnistes contemporains.
Et,
en effet , au mois d'avril de la même année, il
expose avec quelques-uns de ces impression
nistes rue Le Peletier , à Paris.
Mais Degas tra
vaille bien autrement que Manet ou que le
groupe de Monet.
Autant les impressionnistes
conçoivent leurs peintures comme des études
sur le vif, autant lui médite les siennes en exé
cutant de multiples esquisses.
La genèse de la Danseus e au bouquet saluant en
est un exemple.
Dans un premier temps,
Degas trace sur une feuille la danseuse toute
seule en train de saluer.
Il augmente ensuite la
surface de cette feuille, en collant des bandes
de papier qu'il ajoute à mesure qu'il déve
loppe la composition - il colle en tout cinq
bandes.
En même temps, il corrige plusieurs
détails , réduit le bouquet, énorme dans l'état
initial , rabaisse le bras gauche et allonge la
jambe dro ite.
Nous avons gardé la trace de
ces corrections, que le peintre exécute sur
papier-calque afin de pouvoir reporter sur son
pastel celles qu'il juge enfin convenir.
La composition, dans son état final, est assez
satisfaisante pour que Degas la reprenne dans
un second pastel.
Les porteurs de parasols y
sont éliminés, mais le peintre ajoute au pre
mier plan le profil et l'éventail d 'une specta
trice aperçue par-derrière .
La scène , de la
sorte, paraît prise sur le vif, mais l'effet est
factice et longuement calculé.
Poudres et fards
Valéry rapporte ces mots de Degas : •L'orangé
colore, le vert neutralise , le viole t ombre .• La
D an seuse a u bou quet sa lu a nt conf i rme ces
règ les.
L'orange donne la plus forte note de
cou leur , sur les parasols , sur le costume de la
ballerine à gauche ,
sur le tutu largement
dép loyé.
Plus discret, le vert -un vert
amande tout de même soutenu - colore les
tissus et le paysage sommaire qui fait office
de décor dans le fond.
Les v iolets servent à
dess iner les ombres : ils obscurcissent le
déc olleté de la danseuse, glissent sur le plan
cher brun et altèrent l'éclat des vêtements
écarlates et des éventails du groupe le plus
recu lé.
Ils fournissent surtout le contraste
indispensable
avec la teinte dominante de
l'œuvre : le b l anc , ce blanc nécessaire à la jus
tesse du pas te l, celui de la lumière au gaz qui
décolore les objets qui y sont exposés .
Le pastel , que Degas utilise en bâtons pulvé
rulents , es t ic i nécessaire , car , plus que l'huile ,
il ressem ble aux fards dont se parent les dan
seuses et luit comme les gazes et les mousse
lines des tutus.
Poudroiement de lumière , dit
on parfois à propos de cette œuvre : pour
obtenir cette illusion , les poudres de couleur
valent mie u x que les mélanges fluides des
palettes.
Prodig i eux dessinateur, Degas,
quand il se sert des pastels , dessine directe
ment ave c la couleur , réunissant ainsi en
un seul mouvement les deux disciplines
essentie lles de son art.
Danseuse
de quato rze ans ,
Edgar Degas, b ro n ze,
(Sâo Paulo ,
Museu d e Arte )..
»
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