De la forêt à la musique…
Publié le 15/01/2011
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De la forêt à la musique…
Méditation et inspiration
«J'aime le son du cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille
Et que le vent du Nord porte de feuille en feuille» (Alfred de Vigny)
De tous temps, les hommes ont trouvé en forêt le calme et la solitude propices à la méditation.
Son puissant équilibre nous protège, ses grandioses proportions nous incitent à l’humilité, sa
beauté souveraine suscite le rêve et la création artistique.
Dans les clairières des futaies arcadiennes, le dieu Pan déjà charmait,
de sa célèbre flûte, mélies, hyléores et autres dryades. L’aulos
d’Euterpe soufflait sa complainte au vent des frondaisons. Les anges
musiciens tenaient les orgues de ces cathédrales d'arbres…
C’est l’aube en nos forêts : écoutez ! Grives, loriots, pinsons dictent,
uns par uns, leur fugue au petit jour. En contrepoint fredonne la
brise. Les ramures ploient doucement, en cadence. Bientôt, des
rondos fusent des cépées, des scherzi jaillissent de l'or des clairières :
leurs échos se répondent d'un massif à l'autre.
Dans la feuillée vocalise le peuple des oiseaux : corneilles graillant,
faisans criaillant, passereaux sifflant, trillant, zinzinulant …
merveilleux ramage que scande, de son robuste bec, l’entêté pic
épeiche.
Puis, tout à coup, les cimes entament une gigue effrénée, le vent flûte
et claironne dans les hauteurs : la pluie danse la tarentelle !
Le calme revenu, le battement des gouttes rythme le sous-bois
humide. Les grands troncs usés craquent brusquement, trouant l’écho
surnaturel de nos pas sur les feuilles sèches…
Au soir, les fûts semblent esquisser, sur le couchant, une austère pavane. Un nocturne s'élève
au coeur de la chênaie. Sous la lune frémit un ballet féérique de baliveaux blancs… Chouettes
et hiboux ululent en cachette. Enfin, celui qui a attendu d’être seul, lorsque la forêt s’est tue,
que plus une feuille, plus une mousse ne soupire… le rossignol, chantre suprême, déploie ses
géniales roulades.
«
2
Olivier Messiaen notant des chants doiseaux
JS Bach : manuscrit de la sonate pour violon BWV 1001
lharmonie, mousses d'appogiatures s'accrochant aux rameaux forts, riches accords mûrissant
aux portées comme des fruits étranges parfois cou verts d'un feuillage de croches.
Partout,
les basses régénèrent d'harmonieux surgeons.
Ici, u n taillis dense de triples croches enserre
une trouée où paressent des blanches ; plus loin se dresse, à l'unisson, un tutti vertical
Parfois, de puissants crescendi fléchissent les ram ures, et recouvrent la page de mille aiguilles
noires.
Observez bien aussi, dans le tissu des hautes branc hes, comme
semblent stylisées, en sinueuses arabesques, les gr acieuses
calligraphies mélodiques des manuscrits : mystérieu x entrelacs qui
nous relient au projet du Créateur de ces formes vi brantes qui
nous dépassent.
Au cours de ses promenades sur le célèbre Kahlenber g, aux environs de Vienne, Beethoven
connaîtra cette « extase » née de son admiration po ur les splendeurs de la nature déisme à la
Rousseau, qui transparaît dans ses carnets de notes .
Les spectacles de la nature ont
certainement stimulé son génie créateur, et il aura it probablement approuvé les surnoms
donnés à quelques-unes de ses sonates : « Clair de lune », « la Tempête », « la Caille »,
« lAurore »
.
Quant à la célèbre symphonie « pastorale » (n° 6 dont le sous-titre est
original), Beethoven précise lui-même ne pas vouloi r dépeindre la nature, mais bien évoquer
en musique les impressions, les sentiments quelle dégage dans le cur de lhomme.
Le
mysticisme beethovénien est celui dun panthéisme jubilatoire : plutôt que de se porter sur le
dieu dune religion positive, il sépanche, dans un prodigieux jaillissement didées, sur
lunivers et la nature, à laquelle il porte un amou r fanatique.
Les titres de pièces musicales à évocation sylvestr e foisonnent sous la
plume de nombreux autres compositeurs : « le Roi de s Aulnes », « le
Tilleul » (F.
Schubert), « Feuilles mortes » (Cl.
D ebussy),
« Waldszenen » (R.
Schumann : merveilleuse suite de pièces
romantiques pour piano, illustrant avec poésie dive rs aspects de la
forêt
), « les Chants de la Forêt » (D.
Chostakovitch), « Souvenirs de
la forêt brésilienne » Heitor Villa-Lobos) etc.
Un des plus grands
auteurs du XX
ème siècle, Olivier Messiaen, au langage si original, a
réalisé et rassemblé, dans de volumineux cahiers, d es transcriptions
musicales dune multitude de chants doiseaux (« Réveil des Oiseaux »,
« Catalogue d'oiseaux », « La Fauvette des jardins » etc.)
Dautres musiciens encore, pressentant au fond des bois la
mouvance dun peuple mystérieux, ont fait revivre l a joie de « la
Ronde des lutins » et le crépitement des « Feux-fol lets » (F.
Liszt), lélégance dansante des « Elfes » et des « Sylphes » (E.
Grieg), les voluptueux caprices
du « Faune » (Cl.
Debussy) etc..
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