Danseurs étoiles et chorégraphes (Histoire de la danse)
Publié le 15/11/2018
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LES ÉTOILES DU KIROV ET DU BOLCHOI
■ À partir des années 1950, les tournées en Europe des troupes du Kirov (ex-Mariinski) de Saint-Pétersbourg et du Bolchoî de Moscou sont l'occasion d'applaudir de merveilleuses étoiles.
• Si la palme revient à Calina Oulanova (1910-1998), la grande dame des années 1950, bouleversante interprète dotée d'une technique parfaite, le couple Ekaterina Maximova (née en 1939) et Vladimir Vassiliev (né en 1940) se distingue par son charisme. Dansant en osmose totale, ils réalisent des sauts et des portés spectaculaires.
• D'autres étoiles suivent l’exemple de Rudolf Noureïev et fuient leur pays. Il en est ainsi de Natalia Makarova (née en 1940) ou de Mikhaïl
Baryshnikov (né en 1948) dans les années 1970. Ce dernier dansera pour Balanchine, Béjart ou Petit.
• De son côté, Maya Plitssetskaya (née en 1925), étoile du Bolchoî à la forte personnalité et virtuose surprenante, interprète aussi bien les grands classiques du répertoire et crée à l'étranger, lorsque l'autorisation lui est accordée, des œuvres de Petit ou Béjart.
UN ART SANS CESSE RENOUVELE
Si le ballet devient un art à part entière au xvur siède, il acquiert ses lettres de noblesse au xixe siècle avec le triomphe du romantisme. L’académisme russe en fixe le modèle, réalisant la synthèse du lyrisme slave, de la vivacité italienne et de l'élégance française. Les étoiles et les grands chorégraphes qui inspirent toujours les créations contemporaines naissent à cette époque. Les Russes ouvrent la voie.
La réforme néoclassique intervient dans les années 1930. Les ballets de Serge Lifar et de Ceorge Balanchine dominent la seconde moitié du xxe siècle. De nos jours, sous l'impulsion de jeunes créateurs qui en ont fait un art en perpétuelle évolution, le ballet classique continue d’élargir son audience.
LE TRIOMPHE DE L'ACADÉMISME (1847-1910)
Le RÉGNE DE MARIUS PéTIPA
• Le Français Marius Petipa (1818-1910), qui exerce ses talents en Russie durant plus d'un demi-siècle, est l’une des plus illustres figures de la danse.
• Issu d'une famille de danseurs et chorégraphes marseillais, lui-même danseur de renom, il fait ses débuts en septembre 1847 sur la scène du théâtre impérial Mariinski (aujourd'hui le Kirov) à Saint-Pétersbourg.
• Tout en tenant de nombreux rôles, il enseigne à l’École impériale où il est nommé maître de ballet en 1857.
• Dans un premier temps, Petipa s'attache à remonter les grandes œuvres romantiques comme Giselle ou la Sylphide, qu'il sauve ainsi de l’oubli.
• Puis, lui-même chorégraphe fécond et inventif, il crée de nombreux ballets comme la Fille du pharaon (1862), Don Quichotte (1869) ou la Bayadére (1877).
• C’est toutefois de la collaboration étroite entre Petipa et le compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski que naissent trois chefs-d'œuvre, devenus des classiques du répertoire : la Belle au bois dormant (1890), Casse-Noisette (1892) et le Lac des cygnes (1895).
• Renouvelant le ballet, Petipa orchestre avec maestria variations, pas de deux et mouvements d'ensemble ; il alterne temps lents et vifs, pas à terre et élévations.
• Il compose des figures de danse d'une grande beauté et d'une extrême virtuosité pour les étoiles du Mariinski. Afin de donner de la « couleur » à ses œuvres, il fait appel à la mimique et aux danses de caractères - espagnoles, chinoises, indiennes, russes, notamment.
«
•
Anna Pavlova s'installe alors
à Londres où elle crée sa propre
compagnie (1911-1929) et parcourt
inlassablement le monde, se produisant
jusqu'en Inde et en Australie.
• Aux antipodes des expériences
audacieuses des Ballets russes,
la ballerine revendique son goût
de la danse classique.
Si le répertoire
qu'elle propose (le Cygne, Libellule,
Feuilles d'automne) est assez limité,
la Pavlova transfigure ses rôles
par son génie d'interprète.
LES BEAUX JOURS
DU BALLET CLASSIQUE
ET DE l'ACADÉMISME
• Formé à Kiev par Bronislava Nijinska
-l a sœur de Nijinski -, le danseur
Serge Lifar (1905-1986) quitte la Russie
soviétique et trouve refuge en 1925
auprès de Diaghilev qui remarque
son exceptionnel rayonnement.
• Lifar devient l'un des danseurs phares
des Ballets russes.
Les chorégraphes
Massine et Balanchine créent pour lui
plusieurs compositions.
• En 1929, encouragé par Diaghilev,
le danseur signe sa première
chorégraphie, Renard.
Celle-ci vaut
à Lifar d'être appelé à l'Opéra de Paris
pour y régler /es Créa tures de Prométhée.
Il y restera jusqu'en 1957- avec
une interruption entre 1945 et 1947.
• À ses débuts à l'Opéra en tant que
danseur-chorégraphe, Lifar semble
encore en quête d'effets et d'insolite.
Très vite toutefois, il redonne à la danse
sa primauté, rendant son prestige à la
troupe mais cédant à l'académisme.
• À partir de 1932, il dirige aussi une
classe d'adage -où il fait travailler les
danseurs en couple -, véritable
laboratoire où s'élabore un style
néo-classique.
Celui-ci se caractérise
par la définition de deux nouvelles
positions -la sixième, pieds serrés
et parallèles, et la septième, même
chose sur pointes et genoux fléchis -
et une arabesque étirée ou décalée
destinée à faire « chanter » la ligne.
• En 1935, Lifar publie son Manifeste
du chorégraphe.
Il revendique pour
le créateur un pouvoir confisqué par
les musiciens, notamment chez Diaghilev.
Il y réhabilite aussi la danse masculine
sur la base de ses propres rôles.
Enfin,
il estime que la maîtrise de la technique
ne doit pas constituer une fin en soi, mais
«l e moyen d'exprimer des sentiments,
les instincts, l'élan vers l'infini ».
• Passant de la théorie à la pratique, Lifar
règle et danse en juillet 1935le ballet
qui marquera l'apogée de sa carrière,
Icare, œuvre sans musique
accompagnée de simples percussions
dont il règle lui-même les rythmes.
• Élargissant sans cesse le vocabulaire
académique, Lifar signe une cinquantaine
d'œuvres.
Il revisite l'Après-midi
d'un faune (1935), dont il propose
une interprétation fascinante et solitaire,
et se distingue par son Cantique des
cantiques (1938).
Durant l'Occupation,
outre son Boléro (1941), Lifar signe
Suite en blanc (1943), sa seule et très
belle œuvre abstraite.
À la Libération,
le danseur-chorégraphe se voit confier
la direction artistique du Nouveau
Ballet de Monte-Carlo.
Il y règle entre
autres Dramma per musica, Aubade et
Chota Roustaveli (1946).
Sont également
à noter les Mirages (1947), dont la
chorégraphie est l'une des plus originales
et des plus riches, Phèdre (1950), aussi
harmonieux que tragique, et les Noces
fantastiques (1955), son dernier grand
ballet lyrique.
• Après avoir fait d'émouvants adieux
dans le rôle d'Albert.
dans Giselle (1956),
Lifar quitte l'Opéra de Paris en 1957.
Il fonde alors l'Université de la danse,
à laquelle il se consacre jusqu'à sa mort.
lE TRIOMPHE DES DANSEUSES
DE L'OPÉRA DE PARIS
1------------__, •
S'intéressant à la forme du «pas
de deux » dont il accentue la plastique,
Lifar met en valeur l'élégance
RUDOLF
NOUREIEV,
l1NCOMPARABLE
• Danseur étoile du Kirov (ex-Mariinski),
d'une exceptionnelle virtuosité et
élévation, Rudolf Noureïev (1938-1993)
est le premier danseur transfuge
de l'Est -en 1961.
• Après une brillante carrière
internationale, il devient le directeur de
la danse à l'Opéra de Paris (1983-1989)
après y avoir été le partenaire de la
délicate Noëlla Pantois (1969-1971).
• Son règne est marqué par la synthèse
des différents styles d'école classique.
Mais surtout.
il entreprend de remonter
deux œuvres de Petipa, Raymonda et la
Bayadère, somptueux ballets exotiques
qui renouent avec le faste du Mariinski.
et
la souplesse du corps féminin.
• C'est sous son règne que nombre de
danseuses de l'Opéra de Paris comme
Solange Schwartz, Lycette Darsonval,
Ludmilla Tchérina ou Claire Motte
seront nommées étoiles.
• Inoubliable dans le rôle de Giselle,
Yvette Chauvi ré (née en 1917) fait ses
débuts en 1937 au côté de lifar dans
son David Triomphant.
Pour elle, il
règle Istar (1941), un solo dans lequel
la ballerine donne libre cours au lyrisme
intense et épuré qui l'habite et qui
lui vaudra le titre de danseuse étoile.
• Si elle est de presque toutes les
créations de lifar- Joan de larissa,
les Animaux modèles, les Mirages ou
Nautéos -, Yvette Chauviré reprend de
nombreux rôles du répertoire classique.
• Quant à Claude Bessy (née en 1932),
consacrée après sa prestation dans
les Noces fantastiques (1955),
elle se distingue en faisant appel
à l'Américain Gene Kelly, star de
la comédie musicale, qui crée pour
elle le cocasse Pas de Dieux (1960).
Dans Play-Bach (1964), la ballerine
confronte jau et classique.
MARGOT
fONTEYN,
AU CŒUR DU CLASSICISME
• Exquise et lyrique, Margot Fonteyn
(1919-1991)
incarne la danse
britannique
dans ce
qu'elle a de
plus sensible
et de plus
épuré.
__ .._ ___ _ De ses débuts
au Sadler's Wells en 1934 jusqu'à
son départ du Royal Ballet en 1959,
elle en assure le rayonnement
dans le monde entier.
• Étoile prestigieuse, Margot Fonteyn
est une interprète idéale du répertoire
classique.
Toutefois, ce sont les
créations de son compatriote Frederick
Ashton qui lui offrent les rôles les plus
marquants, comme Nocturne (1936),
Symphonie Variations (1946)
ou Ondine (1958).
• Pour elle, Roland Petit règle les
poétiques Demoiselles de la nuit (1949).
• En 1961, sa rencontre avec Rudolf
Noureïev, autre modèle de la danse
classique, donne une impulsion
nouvelle à l'exceptionnelle carrière
de Margot Fonteyn.
Bien qu'elle soit
de vingt ans son ai née, elle forme sur
scène avec le danseur russe un couple
légendaire dans Raimondo, Marguerite
et Armand ou Paradis perdus,
de Roland Petit.
LES VOIES DU NÉOC LASSICISME
GEORGE BALANCHINE
ET L'INVENTION DU BALLET AMtRICAIN
• À la fois héritier du Mariinski et
fondateur
du ballet
américain,
le danseur
et chorégraphe
George
Balanchine (1904-1983)
conjugue les
deux cultures
e t traduit la modernité dans un langage
classique.
li est certainement l'un
des chorégraphe les plus doués
de tous les temps.
· Engagé par Diaghilev en 1923,
Balanchine règle dix œuvres
pour les Ballets russes, dont la Chatte
(1927), Apollon musagète (1928)
et l'un de ses rares ballets narratifs,
le Fils prodigue (1929).
Lifar en est
à chaque fois l'interprète inspiré.
• En 1934, sous l'influence de Lincoln
Kirstein, héritier fortuné et balletomane,
Balanchine s'installe aux États-Unis.
Il fonde I'American Ballet School
à New York et crée Serenade,
sa première chorégraphie américaine.
• Après de nombreuses expériences,
dont la chorégraphie de plusieurs
numéros pour des comédies musicales
sur scène ou à l'écran, Balanchine
fonde en 1948 le New York City Ballet.
• Parmi la centaine et plus de ballets
montés par Balanchine se distinguent
Quatre tempéraments (1946),
Symphonie en ut (1947), Agon (1957)
-l'un des prototypes de l'art
balanchinien -, Liebesliederwalzer
(1960), Bugaku (1963), Who cores
(1970), Tzigane (1975) et Tango
et variation pour orchestre (1982),
sa dernière création.
•
S'appuyant constamment sur
la musique -il collaborera avec
Igor Stravinsky pour une trentaine
de créations -, Balanchine excelle
dans tous les genres.
Privilégiant
l'abstraction, il laisse « la danse
être la vedette du spectacle ».
• Héritier du langage de Petipa,
Balanchine ne cherche pas
à transformer le code classique,
mais l'Infléchit selon ses critères.
Son style peut se résumer en quelques
mots : vitalité, vitesse, phrasé,
défi à la gravité, contrôle ; sa marque :
les angles de cou-de-pied cassés
et les tours sur genou plié.
• Balanchine voue son génie
chorégraphique à la célébration de la
ballerine dont il redéfinit la silhouette :
jambes étirées, bras fins, tête menue
articulée sur un long cou, à l'image
de Suzanne Farrell, la dernière
de ses muses.
ROLAND PETIT, UN HOMME DE GOOr
• Figure de proue de la jeune garde
du ballet européen, Roland Petit (né
en 1924) débute comme danseur
auprès de Lifar, mais s'impose dès
1945 comme chorégraphe.
Entre tous,
il excelle dans l'art de conter, grace
à son langage néo-classique infléchi
par ses accents personnels.
• Remarqué par ses poétiques Forains,
il s'impose avec le Jeune homme et
la mort (1946).
Ce chef-d'œuvre absolu,
exalté par la présence dramatique
et féline du danseur Jean Ba bilée,
n'a cessé de solliciter depuis sa création
les plus grands interprètes.
• Cependant c'est le succès de Carmen
(1949), à l'érotisme ravageur, qui
propulse Roland Prtit et son épouse
muse, la danseuse Zizi leDnm11ire,
sur le devant de la scène internationale.
• Chorégraphe éclectique et prolifique,
Roland Petit signe aussi des numéros
pour des comédies musicales et monte
avec succès des revues de music-hall.
Parmi la centaine de compositions
à son actif figurent le Loup (1953),
Notre-Dame de Paris (1965),
Turangalila (1968),/a Dame de pique
(1978), Ma Pavlova (1986) ou Charlot
danse avec nous (1991).
• Choisissant avec soin ses interprètes,
Petit fait danser les plus grands,
de Claire Motte à Dominique Khalfouni,
de Félix Blaska à Cyril Atanasoff.
• En 1972, il fonde les Ballets de
Marseille, siège à partir de 1992
de l'École nationale supérieure
de danse de Marseille.
JANINE CHARRAT, LA PASSION DE LA DANSE
• Poétique et fragile, la danseuse
Janine Charrat (née en 1924), 1'une
des partenaires de prédilection
de Roland Peti� se lance avec succès
dans la chorégraphie avec Jeu de cartes
(1945) qu'elle règle et interprète.
• Ayant fondé en 1951 sa propre
compagnie, qui prendra le nom
de Ballet de France, elle conçoit
des œuvres dramatiques comme LE
VIVIER DE L'OPtRA DE PARIS
• Assumant avec exigence
la direction
de l'École
de danse
de l'Opéra de
Paris, Clode
Bessy remanie
l'enseigne
ment fondé
sur les bases
classiques.
• De ce vivier pluridisciplinaire
sortent des solistes douès de
tempéraments originaux et possédant
une technique irréprochable dont
Patrick Dupond (lequel sera directeur
de la danse de la prestigieuse maison
1990-1995), Sylvie Guillem, Laurent
Hilaire, Éric Vu An, Kader Belarbi
et Marie-Claude Pietragalla.
le Massacre des amazones (1952),
les Algues (1953) -son œuvre la plus
accomplie -ou encore les Liens (1957).
• Grièvement brûlée, mais habitée
par la danse, Janine Charrat revient
sur scène avec le beau Tu auras nom ...
Tristan (1963).
• De 1979 à 1991, elle est la directrice
de la danse au centre Georges
Pompidou, tout en poursuivant
ses activités de chorégraphe.
MAURICE BtJART, UN HOMME DE THÉATRE
• Autre figure de proue de la danse
néoclassique,
Maurice
Béjart (né
en 1927) est
brièvement
danseur de
Roland Petit,
mais se voue
dès 1950 à la
chorégraphie.
• Doté d'une puissante personnalité
et d'une curiosité toujours en éveil,
il tend à faire de ses prodigieux
spectacles une « cérémonie pour
le plus grand nombre ».
• Dégagée de toute convention
chorégraphique, décorative ou
musicale, la danse de Béjart marque
une rupture.
• Dès 1960, il fait de son Ballet du
xx • siècle -installé à Bruxelles puis
à Lausanne et dissous en 1992 -le
creuset de ses conceptions novatrices.
• Au nombre de ses chefs-d'œuvre
figurent Symphonie pour un homme
(1955), /e Soue du printemps (1959),
Bolero (1961),/a 9' Symphonie de
Beethoven (1966), Messe pour le temps
présent (1967), Nijinski, clown de Dieu
(1971), Arepo (1986), /o Ballade
de la rue Athina (1993).
• Si Maurice Béjart a trouvé en Jorge
Donn (1947-1992) un interprète fétiche,
d'autres danseurs illuminent son
œuvre, notamment Suzanne Farrell,
Michaël Denard, Sylvie Guillem
ou Patrick Dupond..
»
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