Charles Cordier, Homme du Soudan
Publié le 08/12/2022
Extrait du document
«
RÉDACTION
Intro
En France, depuis les années 2010, de nombreux chercheurs voient en la pensée
décoloniale de gauche, et dans les revendications identitaires de droite, le retour du
racialisme au 21ème siècle.
Les théories racialistes puisent leur origine au XIXème siècle, à
une époque où l’autre et l’ailleurs font l’objet d’une curiosité particulière.
L’autre anime les
débats philosophiques et scientifiques, mais il est aussi au cœur des représentations
artistiques.
Le sculpteur, Charles Henri Joseph Cordier, fait notamment partie de ces artistes
du XIXème siècle qui portent un grand intérêt à l’altérité, et surtout à la façon dont on le
représente.
Charles Cordier est né en 1827 dans le nord de la France et est décédé en 1905 à Alger.
Il
est l’auteur de 617 œuvres recensées, dont 365 bustes ethnographiques et 103 portraits
bourgeois.
Il obtient une médaille de troisième classe au Salon de 1851 et une de deuxième
en 1853.
Entre 1856 et 1857 il réalise ce buste, qu’il nomme d’abord Nègre, costume algérien, puis
Nègre du Soudan en 1889.
Aujourd’hui, l'œuvre est appelée Homme du Soudan en costume
algérien.
C’est un buste en bronze et onyx sur piédouche en porphyre des Vosges.
Il fait 96
cm de hauteur pour 66 de largeur et 36 de profondeur, et pèse 125 kg.
Aujourd’hui, le buste
est conservé au Musée d’Orsay, dans l’allée des sculptures.
Cette sculpture qui représente
un homme algérien, traduit une certaine représentation de l’altérité.
Pour conduire notre
analyse, nous essayerons de répondre à la problématique suivante :
Dans quelle mesure L’Homme du Soudan en costume algérien de Charles Cordier s’inscrit-il
dans une vision novatrice de l’autre ?
D’abord, il conviendra de rappeler le contexte dans lequel cette sculpture a été réalisée,
c’est-à-dire un XIXe siècle à la fois traversé par les théories racistes et par l’orientalisme.
Puis nous analyserons la démarche particulière, anthropologique et scientifique, de Charles
Cordier dans son art, avant de démontrer en quoi notre Homme du Soudan s’y conforme tout
à fait.
1/ Contexte historique
«Au siècle de Louis XIV, on était helléniste, maintenant, on est orientaliste.
Il y a un pas de
fait.
Jamais tant d’intelligences n’ont fouillé à la fois ce grand abîme de l’Asie.
» écrivait
Victor Hugo dans Les Orientales, en 1829.
L’Homme du Soudan a été réalisé au milieu du XIXe siècle, en plein dans le mouvement de
l’Orientalisme qui concerne les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Jusqu’au XVIIIe siècle, il est vrai que les Européens étaient majoritairement tournés vers les
mondes grec et romain, avec une vision idéalisée de leurs civilisations.
Les peuples noneuropéens, colonisés depuis le XVIe siècle, étaient considérés comme non-civilisés, primitifs
et sans réelle histoire, donc sans grand intérêt pour les occidentaux.
Cette sous-estimation
du reste du monde se retrouve dans la sphère scientifique, ce qui donne lieu à des théories
racistes sur fond médical.
La théorie des races a vu le jour au XVIIIe siècle, et s’est
rapidement et profondément ancrée dans les esprits européens.
Tout au long du XIXe siècle,
la biologie a voulu classer les humains en différentes races hiérarchisées.
On peut citer le
célèbre Essai sur l’inégalité des races de Gobineau, publié en 1853.
Ces théories
scientifiques racistes ont aidé à légitimer l’esclavage et la colonisation.
Mais au cours du XIXe siècle, on assiste à un tournant dans l’inspiration des artistes :
l’intérêt porté pour les civilisations occidentales antiques n’est plus aussi fort qu’avant, et on
se tourne de plus en plus vers le lointain Orient.
En 1830 a lieu la conquête d’Algérie par
Charles X, et le pays est annexé au royaume de France en 1834.
De plus en plus de
mouvements en faveur de l’abolition de l’esclavage émergent, et il est finalement aboli en
1848 par la IIe République.
En 1852, on passe au Second Empire sous Napoléon III.
Pour les artistes, c'est l’occasion de découvrir ces régions alors fermées, ouvrant
progressivement la voie à un orientalisme désormais un peu mieux ancré dans la réalité.
L’orientalisme est un courant littéraire et artistique, qui a vu le jour au XVIIIe siècle avec les
Turqueries, mais qui s’est pleinement épanoui au cours du XIXe siècle.
Synonyme
d’exotisme et d’ailleurs, l’orientalisme résume l’inspiration nouvelle qu’ont pu trouver les
artistes à l’occasion de cette expansion coloniale en Afrique du Nord, mêlée aux influences
du Moyen-Orient.
Cet orientalisme conduit aussi, par effet miroir, au renforcement de la
culture européenne et de la précision de son identité en se démarquant d’un Orient qu’elle
prenait comme une forme d’elle-même inférieure et refoulée.
En résumé, les œuvres orientalistes représentent un fantasme de l’orient, sans souci
d’exactitude puisqu’un grand nombre d’artistes peignent des scènes d’Orient à partir de leur
imagination seulement, sans jamais y être allés.
C’est le cas de Benjamin-Constant quand il
peint L’odalisque allongée, et de de Tournemine et ses Eléphants d’Afrique.
Les deux
œuvres sont également au Musée d’Orsay.
Dans les œuvres orientalistes, on retrouve
surtout les thèmes du harem, largement fantasmé, et du désert.
De plus, au milieu du siècle, l’Europe s’ouvre au monde par la technique et l’exploration.
Les
paquebots et les trains permettent d’aller plus loin et plus vite.
Les explorateurs européens
pénètrent de plus en plus loin en Afrique et on lit leurs récits de voyages, comme le journal
de René Caillé, premier Européen à être revenu de Tombouctou.
Entre 1828 et 1829, Victor
Hugo a écrit et publié son recueil de poèmes Les Orientales.
Les musées s’intéressent alors aux portraits exotiques.
L’État français crée une salle
d’anthropologie au Jardin des plantes à Paris, où se crée en 1852 une « galerie des
principaux types humains ».
Cette galerie d’anthropologie se développe dans les années
suivantes.
Les œuvres de Charles Cordier, dont l’homme du soudan en costume algérien, s’inscrivent
en plein dans ce nouvel intérêt pour l’Orient, mais avec un regard très différent de celui de
ses contemporains.
2/ Une démarche scientifique et anthropologique
« Mes travaux essentiellement artistiques et scientifiques (...) ne sont pas fondés sur la
fantaisie, mais sur des types choisis dans leur sphère et rendus avec une sévère vérité.
»
Charles Cordier
En effet, l’homme du Soudan est à la fois une oeuvre artistique et anthropologique.
On
considère d’ailleurs Charles Cordier comme l’inventeur de la sculpture anthropologique.
Ici
nous allons nous concentrer sur le contexte historique de l’anthropologie française avant
d’étudier l’apport artistique et idéologique de Charles Cordier.
A.
Contexte anthropologie - ethnographie (partie à synthétiser, trop longue)
L'anthropologie est une science, qui étudie l'être humain et les groupes humains sous tous
leurs aspects, à la fois physiques et culturels.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, on voit s'élargir les champs d'investigation vers les
continents dits "sauvages".
Les voyages d'exploration ont pour conséquence un intérêt accru
pour l'étude des peuples et des civilisations lointaines, mêlant curiosité scientifique et
artistique.
C’est alors qu’apparaissent des expositions, au grand succès public.
Lors des expositions
universelles, les pays organisateurs exhibent aux publics les populations de leurs colonies,
bien souvent avec l’aide d’anthropologues.
Les méthodes de l’époque consistent
principalement en l’observation et la comparaison des caractéristiques anatomiques dans le
but d’établir une classification de l’espèce humaine.
Pour appuyer leurs théories, il n’est pas
rare que les savants trouvent « leurs spécimens » dans les foires.
Nous pouvons penser à Saartjie Baartman, aussi appelée la Venus Hottentote, esclave sud
africaine.
Dès les années 1810, elle fut exposée comme une bête de foire entre Londres et
Paris dans des spectacles et zoos humains dû aux attraits atypiques de son corps.
De
nombreux savants s’intéressent à elle, dont Georges Cuvier qui profitera de sa mort pour
récupérer son corps.
Il pratique une autopsie réalise un moulage en plâtre.
Les travaux de
Cuvier viennent renforcer la thèse qui suggère que les Hottentots, ethnie d’origine de
Saartjie, sont le chaînon manquant entre l’homme et le singe.
(montrer la photo de la statue et l’autre de wiki)
La statue sera exposée, accompagnée de son squelette, dans la salle d’anatomie comparée
du Muséum National d’Histoire Naturelle .
A partir de 1937, ils seront transférés dans le tout
récent Musée de l’Homme d’abord dans la galerie d’anthropologie.
Dans ce contexte de conquêtes territoriales, la communauté scientifique européenne se
pose beaucoup de questions sur l’origine de l’Homme.
C’est à ce moment-là que
l’anthropologie s’institutionnalise en tant que discipline scientifique, avec la création d’une
tribune au Muséum d’histoire naturelle en 1855 et la fondation de la Société d’anthropologie
de Paris quatre ans plus tard, dont Cordier est membre.
A ce contexte historique s’ajoute un aspect artistique.
Gérard de Rialle, anthropologue français, écrit en 1863 : la "sculpture ethnographique" fait
"entrer l'art dans un champ nouveau, dans le domaine de la science et par conséquent de
l'idée (...) elle montre le beau sous tous ses aspects et sous tous ses climats".
Sous le Second Empire, Charles Cordier obtint plusieurs missions en Afrique du Nord et y
réalise des bustes "scientifiques", qui constituèrent le fonds de la Galerie anthropologique du
Museum.
E
B.
L’apport artistique et idéologique de Charles Cordier
On ne trouve pas chez Cordier la thèse alors répandue et majoritaire de la supériorité des
européens.
Il défend, au contraire, l’idée d’une beauté propre à chaque civilisation, et qu’il
entend montrer de manière artistique, sans renoncer pour autant à l’aspect scientifique de
son entreprise.
Les œuvres que Cordier réalise suite à une commande ou non sont le fruit de nombreux
voyages et d’une observation attentive des contrées traversées.
Cette observation lui permet
de se libérer de l’aspect pittoresque de certains de ses contemporains qui tombaient dans la
caricature et le romantisme quand ils étaient amenés à représenter les habitants des
colonies ou des pays non-européens, sous le terme générique « des indigènes ».
On peut....
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