Chagall: Un Juif russe à Paris
Publié le 10/04/2019
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Un Juif russe à Paris
Après la révolution d'Octobre, Chagall est nommé commissaire des Beaux-Arts de sa ville natale, Vitebsk, et crée une académie révolutionnaire avec Malevitch et Lissitzky. De 1919 à 1922, il réside à Moscou, réalisant des décors pour le théâtre, avant de s'établir en France en 1923, où il passera l'essentiel de son existence.
«
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culture arts
plastiques
Chagall,
un Russe
à Paris
Avant d'être en France un peintre populaire,
de signer la fresque qui orne le plafond de l'Opéra de Paris, d'avoir à Nice son musée,
Chagall arriva de Russie en 1910 et, d'emblée, il manifesta,
à juste distance du folklore et des avant-gardes, un éclectisme magistral.
Si l'artiste ne se sent pas encore pousser des ailes,
il n'a déjà plus les pieds sur terre
- couples en vol, chèvre jaune trottant ou vache bleue dansant -,
et son art s'épanouit au cœur de vents contraires.
En présentant ces prem ières « Années russes, 1907-1922 »,
la rétrospective organisée en 1995 au Musée d'art moderne de la Ville de Paris
a fait coup double, puisque les débuts de l'artiste (Vitebsk, 1887-Saint-Paul-de- Vence, 1985)
expriment déjà le meilleur de son œuvre.
L 'exposition du Musée d'art moderne
de
la Ville de Paris ajoute à l' impres
sionnante théorie des autoportraits du
peintre une image, celle d'un Cha
gall, pâtre céleste qui fait circuler ceux qu'il
dépeint, bêtes et gens, entre l'âpreté de son pays
natal et l' efferves- Maquette
de décor réalisé en 1921
par Chagall pour la pièce
de John Millington Synge,
le Baladin du monde occidental.
Un éclectisme
magistral, à juste
distance du folklore
et des avant-gardes cence
parisienne,
dans un ardent tour
billon.
« La terre qui
avait nourri les
racines de mon art
était Vitebsk mais sant
-, puis Bella, qui sera sa femme.
Sans
omettre nombre d'animaux familiers mais déjà
étranges.
À Montparnasse, sensible à l'air d'un
temps fait d'échanges et d'émulation, Chagall
saisit les transformations formelles expérimen
tées par les uns et les autres, emprunte aux mou
vements en vogue -expressionnisme, cubisme,
futurisme, orphisme dont il pourrait se rappro
cher (à ceci près qu'il demeure exclusivement
figuratif et très lisible dans sa figuration) -, pour
les adapter à sa façon.
De retour en Russie, il
épouse sa fiancée.
La sensualité de nus féminins
hardis s'adoucit alors avec ses Amoureux en
rose, en gris, en bleu, en vert.
De l'Enlèvement
au Mouvement, de l'Apparition au Double por
trait au verre de vin, de la Promenade à Au
dessus de la ville, il s'agit toujours d'élan.
Cette
période voit son apothéose avec un essai en
forme de coup de maître : la décoration du
Théâtre d'art juif de Moscou (novembre
décembre 1920).
Peu avant de regagner la Fran
ce- qu'il ne quittera plus-, il peint l'Amour sur
scène, embuée de givre, comble d'évanescence,
ascension ou assomption impalpable: un souffle.
mon
art avait besoin de Paris comme un arbre a
besoin d'eau.
>> L'artiste, à l'occasion son
propre biographe, justifie assez sa quête initia
le.
Dans ses voyages, il n'est pas seulement
question de géographie : ses pérégrinations ont
intimement partie liée avec ses créations.
De sa
ville natale Chagall tire d'abord ses motifs,
issus d'une tradition double et bien vivante,
juive et russe.
D'où le décor -une isba grise, la
synagogue, les portes du cimetière, des palis
sades, ou la forêt.
Les personnages -ses
parents, voisins, un juif au violon, un autre pri- Envolées
lyriques, sans doute, mais pas seu
lement.
, énonce-t-il.
À
un grand nombre d'autoportraits ->, >, >, >, >, - s'ajou
tent toutes les représentations de son univers
qui valent autoportrait.
Mais, quel que soit le
nombre d'inscriptions de son nom, en yiddish,
en russe, en français, dans le seul Paysage
cubiste de 1918-1919, Chagall ne saurait être
réduit à son narcissisme.
S'il semble omnipré
sent, il demeure au milieu de ses créatures, aux
quelles il applique le même traitement qu'à lui
même : s'il embrase la bar'Je du Juif rouge
(!915), tranche la tête toute blanche du Saoul
(1912-1913), il s'est représenté avec la face
coupée en deux, le haut rose, 'e bas bleu, situant
cela, fort à propos, N'importe où hors du monde
(!915-1919).
Chagall est-il un peintre léger ? Dans son
art, dès l'origine ou presque, tout flotte.
Rien
n'est immobile :tout circule.
Il faut bien trou
ver un point fixe dans l'Europe troublée qu'il
traverse, d'est en ouest, d'ouest en est, et retour.
Il est donc moins question de géographie que de
situation de l'artiste, quand tout ce qu'il crée
tourne autour de lui dans une folle farandole,
haute en couleur, mobile à sa suite.
À chaque
fois qu'il se déplace, il recueille un peu plus
d'expérience et l'applique aussitôt à sa peintu
re, qui s'en nourrit, mariages et fantaisie.
Il
enfante ainsi un bestiaire fantastique et fan
tasque.
Place sous un ciel de sang sa précieuse
Maternité (1913) en jupe bouton d'or, lorgnant
un croissant de lune vert pré.
Et, comme pour
exécuter À la Russie, aux ânes et aux autres il
faut être véloce, il imagine illico son Autopor
trait aux sept doigts (1912-1913).
Passionnément fidèle it ce qu'il colore,
déploie, fait léviter, il maîtrise ces phéno
mènes extraordinaires pour mieux magnifier la
terre d'où il vient, par où il passe, où il revient.
Le roman qu'est sa vie prend la voie d'un art
qu'il sert à merveille.
Avant d'être russe en
France, parisien en Russie, Chagall est pour
l'éternité peintre de ses tableaux et berger de
ses ouailles; mieux, funambule à son aise sur
un fil au-dessus de l'Europe, au départ de sa
vie.
Une maquette de décor, datée de 1921,
exécutée pour la pièce de John Millington
Synge, le transforme en héros, à un mot près.
Portrait de Chagall en baladin du monde .
Anne BERTRAND
PARCOURS
1906 : à 20 ans, Marc Chagall quitte sa ville
natale de Vitebsk pour Saint-Pétersbourg, où il
étudie la peinture.
1910: Chagall s'installe à Paris.
À Montpar
nasse, il fréquente artiste s et poètes -les Delau
nay, Léger, Modigliani, ainsi que Cendrars
et
Ap oll ina ir e .
1914 : après avoir exp
osé à Berlin, il part
pour Vitebsk.
La guerre l'empêche de regagner
Paris.
1915 : il épouse
Bella, sa fiancée rencontrée
en 1909.
Leur fille Ida naît en 1916.
1918 : Chagall
est nommé commissaire de
l'académie des beaux-arts qu'il
crée à Vitebsk.
Il invit e Pougny et Lissitzky à y en se igner .
1920 : il s'établit à Moscou, conçoit et réali
se les peintures murales du Théâtre d'art juif.
1923 : Chagall
revient, via Berlin,
à Paris.
ll
ne reverra Moscou que cinq uan te an s plus tar d,
l'année de l'inauguration, à Nice, du Musé e
national Message bibliq ue Marc Chagall..
»
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