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Ch. GOUNOD. 1818-1893 AVANT-PROPOS Demandez donc "à brûle-gilet" à ce monsieur qui passe

Publié le 17/10/2012

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Ch. GOUNOD. 1818-1893 AVANT-PROPOS Demandez donc "à brûle-gilet" à ce monsieur qui passe — celui dont parlait le Fantasio de Musset — l'opéra français dont il peut citer plus que le titre, dont il peut fredonner une phrase. Il y a neuf chances sur dix pour qu'il vous réponde Carmen ( "La fleur que tu m'avais jetée"). Mais il y en a presque autant pour qu'il réponde Faust (""Salut, demeure chaste et pure"). Ce sont là, d'éminente façon, deux oeuvres, deux chefs-d'oeuvre "populaires". Sans doute, des chefs-d'oeuvre, il y en a cent en musique — de "L'Art de la Fugue" de Jean-Sébastien BACH à l' "Antigone" d'Arthur HONEGGER — qui ne mériteront jamais pareil adjectif. Cependant, c'est une œuvre populaire que le premier de ces musiciens espérait bien réaliser avec sa "Passion selon saint Matthieu", et le second avec sa "Jeanne au Bûcher". Ainsi cette faculté, cette rare faculté d'être adopté ou aimé par la foule n'est-elle point, en musique, une faiblesse, une tare, comme certain snobisme voudrait nous le faire admettre, et Gounod apparaît à l'immense majorité des amateurs de théâtre lyrique comme le génial inventeur d'un langage musical directement et profondément humain dont l'éloquence persuasive réside dans la simplicité et la sincérité des accents. Le "Faust de Gounod", d'abord créé au Théâtre Lyrique, puis installé à l'Opéra qui n'arrive pas depuis cent dix ans à en épuiser le succès, est un chef-d'oeuvre. Un autre chef-d'œuvre — plus inégal peut-être, mais atteignant peut-être de plus hauts sommets - son " Roméo et Juliette", dont le choeur du Prologue et les duos d'amour à l'exquise tendresse sont les fruits de la plus pure inspiration. Et à côté de "Roméo" et de "Faust", il reste cette claire "Mireille"qui dégage par bouffées les parfums de la Provence et dont la plupart des airs, justement restés célèbres, séduisent par leur charme, leur tendresse, et les qualités mélodiques que leur auteur a épanouies ici avec un rare bonheur. Ne faudrait-il pas parler aussi de ce "Philémon et Baucis" tout nimbé de lumière grecque? La France sans doute compte de plus grands musiciens que GOUNOD, et de plus vastes, ne serait-ce que BERLIOZ. Mais, excepté DEBUSSY — et encore... — en compte-t-elle de plus français? La mesure, la grâce, le charme, la séduction, certaine joliesse caressante ("Les Français sont toujours les plus jolis", disait la Marquise) et cette douce clarté enfin en laquelle Rivarol voyait la première, la seconde... la nième qualité de notre race, sont les traits de famille de cette musique simple, familière, et parfois apparemment facile. Et il suffirait sans doute pour la réhabiliter, s'il en était besoin encore, auprès de ceux qui lui font grise mine — à condition au moins qu'ils ne fassent mine pareille à FAURÉ il suffirait, disions-nous, de ce mot du maître de "Pénélope" et du "Requiem", qui, le premier, eut le courage et la volonté d'écrire: "Trop de musiciens ne se doutent pas de ce qu'ils doivent à Gounod. Mais je sais ce que je lui dois, et je lui garde une infinie reconnaissance et une ardente tendresse..." Dix ans qui vont faire de Gounod l'auteur de "Faust" (1859) de "Mireille" (1864), de "Roméo et Juliette" (1867) enfin, trois oeuvres qui, créées sur le susdit Théâtre Lyrique, allaient en moins de dix ans conquérir l'univers. "Faust" est populaire au point qu'il appartient, comme "Carmen", au patrimoine national. Et l'on pourrait en dire presque autant de "Mireillle" et de "Roméo". Aussi est-il presque inutile de parler de ces trois oeuvres-là. Cependant n'y a-t-il pas une ombre à tout succès humain ? Il y en eut même deux aux triomphes de "Faust", de "Mireille" et de "Roméo". C'est à savoir: 10 "Philémon et Baucis", qui, à l'Opéra Comique, n'obtint que onze représentations après celle du 18 février 1860. La partition n'en compte pas moins des pages ravissantes : cinq ou six reprises permirent de les découvrir. 20 "La Reine de Saba" (Opéra, 1862) qui, elle, ne connut aucune reprise: c'est qu'elle déplaisait à Napoléon III, tandis que tel air de "Faust" (lequel ?) faisait verser des larmes aussi abondantes qu'augustes à l'Impératrice. Aussi, en attendant son "Cinq Mars" de 1877 et son "Polyeucte" de 1878, cette "Reine de Saba" devait-elle être le Waterloo de Gounod. Faust était son Wagram. Wagram qui, en 1866, à moins de cinquante ans, lui ouvrait toutes larges les portes de l'Institut. En 1869 meurt Berlioz, et Gounod en devient le plus représentatif des musiciens français vivants: c'est lui qui prend la parole devant la tombe ouverte du maître, auteur d'un "Roméo et Juliette," si différent du sien,...

« Dix ans qui vont faire de Gounod l'auteur de "Faust" (1859) de "Mireille" (1864), de "Roméo et Juliette" (1867) enfin, trois œuvres qui, créées sur le susdit Théâtre Lyrique, allaient en moins de dix ans conquérir l'univers.

"Faust" est populaire au point qu'il appartient, comme "Carmen", au patrimoine national.

Et l'on pourrait en dire presque autant de "Mireillle" et de "Roméo".

Aussi est-il presque inutile de parler de ces trois œuvres-là.

Cependant n'y a-t-il pas une ombre à tout succès humain? Il y en eut même deux aux triomphes de "Faust", de "Mireille" et de "Roméo".

C'est à savoir: 1° "Philémon et Baucis", qui, à l'Opéra Comique, n'obtint que onze représentations après celle du 18 février 1860.

La partition n'en compte pas moins des pages ravissantes: cinq ou six reprises permirent de les découvrir.

2° "La Reine de Saba" (Opéra, 1862) qui, elle, ne connut aucune reprise: c'est qu'elle déplaisait à Napoléon Ill.

tandis que tel air de "Faust" (lequel?) faisait verser des larmes aussi abondantes qu'augustes à l'Impératrice.

Aussi, en attendant son "Cinq Mars" de 1877 et son "Polyeucte" de 1878, cette "Reine de Saba" devait-elle être le Waterloo de Gounod.

Faust était son Wagram.

Wagram qui, en 1866, à moins de cinquante ans, lui ouvrait toutes larges les portes de l'Institut.

En 1869 meurt Berlioz, et Gounod en devient le plus représentatif des musiciens français vivants: c'est lui qui prend la parole devant la tombe ouverte du maître, auteur d'un "Roméo et Juliette;· si différent du sien, mais dont il avait dit à vingt ans: "Passionnée et convulsive, cette musique m'enivrait; elle m'ouvrait des horizons encore inconnus." Mais la guerre a éclaté.

Pour fuir l'invasion allemande, Gounod quitte Saint-Cloud, qui est sa résidence d'été, et rejoint l'hôtel de la Place Malesherbes (6) où il a l'habitude de demeurer chaque hiver.

Puis il décide de s'installer à Londres.

ou plutôt à Blackheath, près de Greenwich.

L'Angleterre en est alors à préparer une Exposition Universelle, et son Comité s'honora en deman­ dant une œuvre au grand français qui avait trouvé refuge chez elle.

S'inspirant librement des "Lamentations de Jérémie", Gounod écrit l'oratorio "Gallia", lequel montrait la France non point vaincue, mais outragée par l'odieuse brutalité de ses ennemis.

Ne serait-ce que par une page, l'une des plus pathétiques qui soient de lui, "Reviens vers le Seigneur", "Gallia" ne pouvait obtenir qu'un triomphe, qui fut assuré d'ailleurs par une cantatrice de voix et de physique également séduisants: Georgina WELSON.

Pendant près de trois ans, elle devait être pour Gounod l'inspiratrice ...

et la Circé.

Il finit cependant par s'arracher à ses enchantements (n'a-t-on pas dit à sa séquestration?) pour rentrer à Paris.

A Paris qui ne pouvait se passer ni de lui - ni de sa gloire.

Glorieux, il devait alors composer trois œuvres théâtrales, la première ayant été il est vrai plus qu'esquissée à Londres: "Polyeucte" "Cinq Mars" et "Le Tribut de Zamora".

Aucune n'atteignit jamais le triomphe de "Faust" et de "Roméo".

"Polyeucte" n'eut pas trente représentations, et "Le Tribut" moins du double.

Quant à "Cinq Mars", ce fut son "fou;" le plus noir.

comme il le disait lui-même.

Cependant, si la veine théâtrale de Gounod semblait ainsi se scléroser, on pourrait presque dire qu'un autre compositeur naissait en lui.

C'est que "''abbé Gounod" qu'il avait été ou voulu être n'avait jamais disparu tout à fait: il apparaissait en des élans d'une religiosité sincère sans doute, encore qu'un peu mondaine.

Il n'importe.

Avec quelque paradoxe, SAINT-SAENS devait pré­ tendre qu'on découvrirait plus tard (il est vrai qu'on en est toujours à l'attendre!) le "grand musicien religieux" qu'il avait été en signant "Rédemption", "Mors et Vita" et deux "Requiem".

C'est sur le second qu'il devait s'affaisser le 16 octobre 1893.

Il succomba deux jours plus tard, le 18.

Étant né le 18 juin 1818, il avait donc soixante-quinze ans et quatre mois.. »

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