CARAVAGE LA MORT DE LA VIERGE une Madone sans dignité
Publié le 23/08/2015
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Pour les trois biographes du peintre, Mancini, Baglione et Bel-lori, le refus du tableau de Caravage était justifié par sa description de la Vierge morte sous l'aspect d'un cadavre trop crûment réaliste. De même que les prêtres de l'église Saint-Louis-des-Français avaient refusé la première version de L'Inspiration de saint Matthieu (ill. 2) parce que celui-ci, peint sous les traits d'un paysan, ne ressemblait pas assez à un saint'', il paraissait également impie d'identifier la mère du Christ avec une moribonde déjà tuméfiée par la mort. Cette explication n'est pourtant pas suffisante car elle méconnaît la silencieuse dignité des personnages et la noblesse de leur arrangement, si fortement construit et pourtant semblant si naturel, au point que l'on a pu qualifier La Mon de la Vierge de tableau « le plus profondément religieux de la peinture italienne du xvite siècle « (L. Venturi).
courtisane aimée de lui comme modèle pour le personnage de la Vierge «, et il précise que cette courtisane était une « prostituée répugnante « du quartier des Ortacci alors assigné aux prostituées de Rome. Un récit semblable se retrouve chez le peintre Giovanni Baglione (1571-1644), adversaire farouche de Caravage, qui publia en 1642 ses Vies des peintres, sculpteurs et architectes, du pontificat de Grégoire XIII en 1572 à l'époque d'Urbain VIII en 1642: « pour la Madonna della Scala in Traste-vere, Caravage peignit La Mort de la Vierge. Mais parce qu'il avait peint avec peu de décorum la Vierge gonflée et les jambes découvertes, elle fut retirée. Le duc de Mantoue l'acheta et la mit dans sa noble Galerie' «. Enfin, Giovanni Pietro Bellori, l'érudit romain ami de Nicolas Poussin et théoricien du classicisme, qui publia en 1672 Les Vies des peintres, sculpteurs et architectes modernes, mentionne lui aussi le tableau en faisant état du refus qui l'avait accueilli, après avoir mentionné celui dont avait déjà été victime une autre toile de Caravage, L'Inspiration de saint Matthieu (ill. 2) : « le même sort advint à La Mort de la Vierge dans l'église de la Scala, retirée pour avoir trop imité une femme morte gonflée' «. Ces trois auteurs donnent donc des raisons voisines pour expliquer le refus du tableau : pour Mancini, qui rappelle par ailleurs une ancienne prescription religieuse couramment interprétée comme une interdiction de peindre les saints sous les traits de personnes vivantes, c'est le choix d'une courtisane pour modèle de la Vierge qui le justifia. Baglione, lui, mentionne le corps enflé de la Vierge, et Bellori, en parlant du cadavre d'« une femme morte gonflée «, laisse entendre qu'il s'agissait de celui d'une noyée. Mais s'agit-il bien là des seules raisons du refus de l'oeuvre ? Bellori ne vit sans doute jamais le tableau, et si Mancini et Baglione pouvaient bien, au moment où ils rédigeaient leurs récits, se rappeler avoir vu La Mort de la Vierge qui avait quitté l'Italie depuis plusieurs années, ces trois auteurs ne faisaient peut-être que rapporter, sur des tons légèrement différents, une anecdote en partie légendaire ayant acquis valeur historique quelque temps après le scandale. Cette anecdote, d'ailleurs, trouve peut-être son origine dans le fait que l'église de Santa Maria della Scala avait été construite sur un terrain qu'avait occupé, à partir de 1563, une fondation pieuse destinée aux « femmes converties d'une mauvaise vie' «.
Si un détail aussi mineur que celui des jambes enflées de la Vierge avait motivé le refus, Caravage n'aurait-il pu lui-même y
Avec cette oeuvre, Caravage avait résolu de manière révolutionnaire le problème de la représentation d'une créature divine qu'il avait, comme les autres grands sujets religieux auxquels il s'était confronté, repensé dans un sens littéral. La Mort de la Vierge, le plus grand de ses tableaux romains, était aussi celui qui comportait le plus grand nombre de figures, et posait donc des problèmes de composition particuliers. En quoi, dans chacun de ses tableaux d'autel, Caravage tenait-il compte du lieu de sa destination et des problèmes spécifiques d'éclairage, d'accessibilité et de visibilité, en fonction du sujet et des possibilités de composition qu'il comportait ? La Mort de la Vierge, le dernier tableau romain, résolvait-il, de ce point de vue, un problème particulier d'intégration dans un lieu précis ?
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