Arts, villes, politique et société. Utopies urbaines et progrès.
Publié le 21/09/2012
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On y retrouve Le Corbusier, coorganisateur des CIAM et rédacteur de La Charte d'Athènes, qu'il présentera comme un outil révolutionnaire, bien qu'elle ne contienne aucune réelle innovation par rapport aux idées déjà existantes : on y propose surtout de disséminer des habitations à forte densité de population (telles les unités d'habitation de Le Corbusier) dans des espaces verts, supprimant de ce fait le traditionnel alignement sur rue. Soleil, hygiène, verdure, multiplication des voies de circulation, zonage, autant de préceptes dont l'application dans la réalité dévoilera les nombreuses lacunes. De nombreux architectes, se réclamant de la charte, auront recours à celle-ci pour les reconstructions d'après-guerre, au moment même où les CIAM connaîtront le déclin, minés par les dissensions entre les membres fondateurs et la jeune génération d'architectes : ...
«
ville radieuse ».
1.
Le « plan Voisin » pour ParisEn 1922, Le Corbusier fait sa première proposition de plan pour « une ville contemporaine de trois millions d'habitants ».
Il prétend notamment remplacerle centre traditionnel de la plupart des grandes villes européennes par un ensemble de 24 gratte-ciel de bureaux de 60 étages, bâtis sur plan cruciforme, qui accueilleraient chacun de 10000 à 50 000 employés, le tout au centre d'un vaste espace vert. Bien qu'il anticipe sur les futurs centres d'affaires du type La Défense, Le Corbusier s'inspire de Manhattan, mais aussi, d'ailleurs sans s'en cacher, des villes-tours d'Auguste Perret, danslesquelles tout l'habitat est concentré verticalement.
Autour du centre sont construites des unités d'habitation d'une douzaine d'étages, dotées de services collectifs, ainsi que des «immeubles-villas » renfermant des espaces verts, tous ces principes découlant, là encore, de propositions déjà formulées par d'autres avant lui.C'est en 1925 que Le Corbusier reprend son projet pour en faire le « plan Voisin » pour Paris.
Il y propose l'implantation de 18 tours de bureaux de 200 mètres de haut en plein coeur deParis, face à l'île Saint-Louis, ce qui obligerait à raser une bonne partie du Marais et du quartier Saint-Paul, alors insalubres.Le scandale ne manque pas d'éclater, consacrant Le Corbusier chantre du progressisme destructeur.
Ce dernier n'abandonnera pourtant pas la partie, puisque tous ces travaux n'aurontété que l'esquisse de son grand projet qu'il nommera « ville radieuse » en 1930.
2.
La « ville radieuse » a.
Les
principes de la ville radieuse La « ville radieuse » est constituée de tous les grands principes énumérés par Le Corbusier, qu'il aura toujours du mal à appliquer dans la réalité.
Dans tous ses ouvrages, et notammentLa Ville radieuse (1935), Le Corbusier proclame, jusqu'à l'aveuglement, le retour à la géométrie, aux lignes droites, à la standardisation de ce qui constitue la ville et l'habitat. Adversaire farouche de la banlieue et des maisons individuelles, il entend densifier le centre-ville au maximum en regroupant 1600 habitants par unité d'habitation, haute chacune de 50mètres et séparée des autres par 150 mètres d'espaces verts.
Le Corbusier détermine sept types de voies de circulation (« la règle des 7 V ») pour circulation motorisée ou piétonnière,rapide ou ralentie, etc.L'architecte devenu théoricien classifie tout et voit en l'homme un être qui n'a que peu de besoins, toujours les mêmes quel qu'en soit le pays, « les hommes étant tous faits dans lemême moule ».
Ce qui explique qu'il resservira son projet de « ville radieuse » au gré de ses nombreux voyages, à Anvers, Barcelone ou Rio.
Mais c'est avant tout en France qu'il tenterade faire accepter le projet, en totalité ou en partie.
b.
Ebauches et accueil de la ville radieuse Certaines de ses réalisations, comme le pavillon suisse de la cité universitaire de Paris (1930-1932) dont les éléments standards ont été préfabriqués en usine pour être assemblés surplace, servent d'ébauche à l'unité d'habitation de la « ville radieuse ». De 1945 à sa mort en 1965, Le Corbusier proposera plusieurs fois sa
« ville radieuse », suscitant à chaque fois rejet et incompréhension.
En 1945, au lendemain de la guerre, deux chantiers de reconstruction lui sont proposés, mais à Saint-Dié (Vosges)comme à La Pallice (près de La Rochelle), ses projets de « ville radieuse » sont sévèrement repoussés.
Le projet de Saint-Dié prévoyait quatre unités d'habitation avec servicescommuns regroupant 6000 personnes, 4000 autres habitants se trouvant répartis dans une cité-jardin horizontale, le tout séparé des usines par la rivière.Dans les années qui suivront, Le Corbusier devra se contenter d'unités d'habitations isolées, sorties de leur contexte et vouées à l'échec.
L'unité d'habitation la plus fameuse sera cellede Marseille, proposée en 1947 et achevée en 1952, qui soulèvera des tempêtes d'indignation parmi les architectes, les journalistes relayant la polémique.
3.
L'unité d'habitation de MarseilleReprenant la vieille idée de la maison commune du phalanstère, élaborée dès le 19e par les premiers utopistes socialistes et reprise par les soviétiques(c'est en URSS que Le Corbusier réalise son premier immeuble collectif, le Centrosoyouz, à la fin des années 20) l'unité d'habitation est, dans l'esprit de Le Corbusier, la pierre angulairede la cité radieuse.
Elle est elle-même conçue comme une petite ville autonome et verticale. A l'origine, l'unité de Marseille comportait une allée commerçante intérieure à mi hauteur du bâtiment, une école maternelle sur le toit, un gymnase, des salles de réunions, un restaurant.Mais l'idéal de vie communautaire est vite trahi quand en 1954 l'Etat, propriétaire
des locaux, vend ceux-ci, appartements compris, à la seule exception de la maternelle.
Les prolétaires, à qui Le Corbusier destinait l'unité d'habitation, cèdent alors la place à des cadressupérieurs et des professions libérales.
Quant au parc au centre duquel l'unité d'habitation devait demeurer, il a disparu sous le béton.D'autres unités d'habitation seront pourtant bâties, à Nantes (1952-1955), Berlin (1956-1957) ou Briey-la-Forêt (1957-1959), mais la « ville radieuse » elle-même ne verra jamais le jour.L'essentiel Comme de nombreux utopistes, Le Corbusier restera incompris toute sa vie.
Aussi audacieux que ses projets ont pu paraître, ils ont eu le mérite de proposer des solutions auxproblèmes urbains.
Le Corbusier a en effet pratiqué, dès ses premiers articles dans la revue L'Esprit nouveau, une synthèse des principales idées urbanistiques de ses prédécesseurs etcontemporains.
Il en tirera deux grands projets urbanistiques, s'inspirant notamment de Tony Garnier, mais aussi des maisons communes soviétiques : le « plan Voisin pour Paris » et la« ville radieuse ».Son seul tort sera d'avoir été trop dogmatique, ce qui le fera passer pour un progressiste sans nuance, aveugle aux besoins réels de l'homme.
Ses projets resteront donc à l'état de plan,seuls des unités d'habitation isolées, coupées de leur contexte, étant édifiées ça et là.L'architecte Le Corbusier a cependant été aussi brillant qu'il a été rejeté, et l'urbaniste frustré a tout de même laissé quelques réalisations remarquables, comme la ville de Chandigarh,capitale du Penjab indien, dont
il a reçu la commande en 1951, ville découpée en secteurs autonomes de 5000 personnes.En fait, ce seront surtout les continuateurs de Le Corbusier, architectes sans inspiration, qui porteront préjudice à ses idées : l'interprétation réductrice qu'ils en feront les conduira àl'édification des cités-dortoirs de banlieues.
L'urbaniste Marcel Poëte avait anticipé la catastrophe, prévenant, dans Introduction à l'urbanisme (1929) : « Il n'y a pas de pire danger, enurbanisme, que de vouloir mettre en pratique le Manuel du parfait urbaniste ».
Désurbanisme : nostalgie ou seule utopie valable ?1.
Geddes : mieux connaître pour mieux guérir a.
La démarche de Patrick Geddes L'écossais Patrick Geddes (1854-1932), botaniste de formation, fut un des grands penseurs de l'urbanisme du début du XXe siècle.
Il entama une démarche pleinement scientifique,basée sur l'observation des conditions de vie des citadins, afin de déceler ce qui pouvait y être amélioré. Entre 1915 et 1922, il eut l'occasion de mettre en pratique certaines de ses théories aux Indes, reconstruisant, restaurant ou protégeant de la destruction des villes indigènes, afin derelancer la vie locale, plutôt que d'en créer une nouvelle.
b.
Théories urbaines et applications Geddes considérait que l'homme était partie prenante de son environnement, de sa ville, de son quartier, avec lesquels il était en interaction constante.
Il en déduisit qu'urbanistes etarchitectes ne pouvaient manipuler et déplacer l'homme contre son gré en lui imposant une vie nouvelle à laquelle il n'était pas conditionné. Geddes désirait
rendre à l'homme la place centrale qui lui revenait.
Ses méthodes d'analyse et de diagnostic des différents quartiers s'appliquèrent tant à sa ville natale d'Edimbourg qu'à d'autres cités deGrande-Bretagne, où elles eurent un certain succès comme préalable à tout travail d'urbanisation.Geddes se cantonna à améliorer les conditions de vie sans chercher à les bouleverser de fond en comble.
Il s'inscrivait pourtant dans un courant plus vaste qui, de l'urbaniste EbenezerHoward à l'architecte Frank L.
Wright, tentait d'apporter des réponses alternatives à l'urbanisation de la société industrielle et aux tentatives « progressistes » de la réguler.
2.
La cité-jardin de HowardL'Anglais Ebenezer Howard (1850-1928), contemporain de Geddes et sur lequel il eut une forte influence, planifia la cité-jardin.
Lui aussi urbaniste amateur (ilétait sténographe de formation), tenta de traduire ses idées socialistes en des théories puis des réalisations urbanistiques.
a.
Les précurseurs de la désurbanisation Ce n'était pas une idée nouvelle que celle de désurbaniser la société en inversant le flux migratoire qui poussait toujours plus de ruraux vers la ville. Au XIXe siècle, les Anglais John Ruskin (1819-1900) et William Morris (1834-1896) s'étaient proposés de délivrer l'homme de la dictature de la machine et de le rendre à la nature, lesdégâts d'une urbanisation chaotique due à l'industrialisation se faisant déjà cruellement sentir.
Avant Howard, avant Geddes, ils s'étaient souvenus avec une certaine nostalgie des citésmédiévales autonomes, les préférant au modèle romain
de la métropole centralisatrice..
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