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Art graffiti dans les années 1980 : Histoire

Publié le 30/11/2018

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histoire

Chaque époque a sa façon de se résumer, de se raccourcir, d’aller à l’essentiel avec les moyens du bord. «Rap» est peut-être le mot clef des années quatre-vingt: accélération et dérapage plus ou moins contrôlé de l’histoire et du langage, enthousiasme frondeur pour les nouvelles technologies et recherche fébrile d’une nouvelle convivialité, d’un antidote contre le stress et l’anonymat de la vie urbaine. Musique et poésie de la rue, né sur les trottoirs abandonnés de la société d’abondance, le rap a très rapidement investi la plupart des secteurs de la communication de pointe: la danse, la fête, la mode, mais aussi la vidéo et la télévision à travers l’esthétique du clip. Le graffiti contemporain, qui en est la version silencieuse mais criante, a en même temps bouleversé durablement le paysage urbain, subverti l’espace mural, la signalisation et la publicité. Mieux, il a quelque temps désorienté le marché de l'art contemporain, avant d'y trouver une certaine reconnaissance, ou tout ou moins une tentative de récupération parmi les tendances de la «nouvelle figuration». Devenu omniprésent sur les grandes «voies de communication», il donne tout son sens à cette expression: d’abord parce que la jeunesse y balise le trajet des adultes de son propre langage, à la fois direct et hermétique ; et aussi parce qu’il fait courir un réseau inextricable de signes entre toutes les grandes métropoles contemporaines...

 

 

 

La gratuité de l’éphémère

 

 

 

New York, 1980: la crise oppose à l'arrogance des premiers «yuppies» l’indécence de ses ghettos misérables. Depuis quelques années déjà, le métro est devenu le seul lien fonctionnel entre Manhattan, capitale du monde postindustriel, et ses banlieues, dont certaines ne sont plus que des repousses du tiers monde. Les murs comme les trains y sont couverts de graffiti souvent indéchiffrables: simples signatures, phrases sybillines, silhouettes, visages stylisés mais aussi, déjà, quelques véritables fresques. Ce nouvel art rupestre et tribal est l’œuvre d’adolescents rebelles, solitaires ou organisés en petits commandos dont la stratégie subtile met en échec la police urbaine. Ces «writers», comme ils se baptisent eux-mêmes, fascinent déjà les vrais écrivains: Jean Baudrillard consacre à «Cool Killer» un chapitre de 1*Échange symbolique et la mort; de son côté, Norman Mailer dénonce violemment l'attitude du maire John Lindsay : selon le romancier, en obligeant chaque graffiteur pris sur le fait à «nettoyer» tout un secteur, la municipalité «condamne symboliquement Cézanne à détruire les œuvres de Van Gogh»...

 

 

 

En fait, au début du moins, aucun de ces barbouilleurs clandestins ne se considère comme un artiste. Mais, si la police leur cherche des histoires, la presse et les médias, en Europe plus encore qu'aux États-Unis, leur cherchent déjà une histoire. Et c’est à qui — de Taki 183 ou de Julio 204 — sera, pour les médias et la postérité, le premier des «writers». Ils sont des dizaines, depuis le début des années soixante-dix, à signer ainsi d’un nom ou d’un pseudonyme suivi du numéro de leur rue. Pour s’immortaliser? Non, plutôt pour s’identifier, pour se situer, pour exister dans l’anonymat angoissant d’une ville qui n’est qu’un graphique de rues-abscisses et d'avenues-ordonnées, un jeu codé dont ils veulent devenir les champions sans pour autant révéler leurs vrais noms. Dans sa nouvelle intitulée Graffiti, Julio Cortazar exprime magnifiquement l’enjeu pathétique de cette partie «du je avec le moi et le toi»...

 

 

 

Et, très vite, la signature devient calligramme, puis allégorie et fresque rituelle. Une aubaine pour les sémiologues, les sociologues et les structuralistes qui s’en donnent à cœur joie, comme si leurs propres écrits étaient authentifiés et même résumés par ces inscriptions primitives mais évolutives: très vite la bombe aérosol supplante

 

RAP CULTURE ET ART GRAFFITI.

 

 

 

Un «writer» dans le métro

 

 

 

de New York, sanctuaire du graffiti, expression de la révolte des jeunes Américains. © Bruce Davidson - Magnum

 

le feutre, le «tager» (de «tag»: étiquette de bagage) sort de la «I decade« (l’individualisme des années soixante-dix) pour s’organiser en véritables équipes-commandos (le «crew»). Les noms deviennent collectifs et se déclinent dans un entrelacs de figures et de symboles complexes. Le «subway art», l’art du métro devient l’œuvre de véritables gangs pacifiques mais insaisissables qui disposent des clefs du réseau et de complicités actives dans le personnel d'entretien, et se disputent les «meilleures» rames, celles des années cinquante, aux parois bien plates et lisses! Tout est fait pour les dissuader: panneaux réservés — les «writer’s corners» —, répression parfois sanglante par des brigades spéciales, pellicules plastiques antigraffiti et même interdiction de vente aux mineurs chez les marchands de couleurs.

 

 

 

Mais cette attitude négative est d’autant plus vaine que ce que Mailer appelle l’« extase du railway» gagne le monde des esthètes1 : la Joffrey Dance Company, le New York Cultural Center et bien d’autres institutions culturelles traquent aussi les tagers, mais pour leur passer des commandes. Des marchands européens célèbres — l’Italien Claudio Bruni, le Néerlandais Kornblit — exposent leurs œuvres photographiées dans leurs galeries en 1981, et l’année suivante le Centre Pompidou monte en toute hâte l’exposition Les murs murmurent. Malcolm McLaren tourne le film Buffalo Gais, les albums et plaquettes fleurissent sur ce «sprayean art». Des «vrais» peintres comme Cy Twombly ou Markus Lüpertz s’en inspirent. Mais la plupart des tagers résistent à la récupération, et seuls quelques-uns font leur entrée remarquée sur le marché de l’art, délaissant le mur et le métro pour la toile: à New York, Keith Haring, Crash, Kenny Scharf et surtout Jean-Michel Basquiat — alias «SAMO», same old shit — (mort en 1988); à Paris, Costa, Speedy Graphito — spécialistes des détournements de pubs clandestins puis officiels —, BauGeste, Ri-poulin, les bandes VLP (Vive la peinture) et X-Moulinex, Futura 2000, Kiki Picasso. Car. dès 1981, le phénomène se mondialise: Amsterdam, Londres, Berlin, Sydney se couvrent de peintures et, à Paris, le quartier de Stalingrad devient un haut lieu du tag international, animé notamment par le New-Yorkais Bando. Au détour des ruelles, les Parisiens intrigués découvrent les ombres blanches de Jérôme Mes-nager, les ombres noires de Richard Hambleton, les insectes de Surface Active...

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« RAP CULTURE ET ART GRAFFITI.

Jeunes • rappeurs » dans le Bronx à New Yl1rk.

L'adolescent de droite appartiem au groupe Africa Bambaata.

«;> Alai11 Bizos-Vu RAP CULTURE ET ART GRAFfiTI.

Keith Haring {Jeilll Maternité Princesse Grace en prése11œ de la prùtct•su Caroline, à Monaco.

l'li tlmÎt 1989.

Ab111ul onflatllla rur. »

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