Antoine-Jean Gros : LA BATAILLE D'EYLAU
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
Auréolé du succès des
«
Les Funérailles d'Ata la, d'A.
L.
Girodet (Paris, musée du Louvre).
La mort au Salon
Ma is le coloris en demi-teinte, séduisant dans
ses refle t s nacrés, ne reflète -t -il pas aussi les
doutes q ue réservent au héros les lendem ains
d e cette bataille ? Eylau est pour Napoléon
une victoire indécise et meurtrière, où son t
tombés 25 000 solda ts .
Dans son immense
tabl e a u , Gros ne les oublie pas : mieux, il
place au premie r plan l'envers du décor.
Les
specta teurs du Salon, dit-o n, reculent d'effroi
devant l'enchevê trement de ces corps désarti
culés, plus g rands q ue natu re, au q u el leurs
yeux sont d'abor d confrontés.
Le sang gelé sur une baïonne tte, une bouche
ouverte qui semble encore crier, un sursaut
u
ltime et dériso ire : sou s la jambe m u sclée de
Murat, nerve use au flanc du cheval cab ré, la
mort
fai t son œuvre.
Les survivants eux
mêmes vivent enco r e en plein cauchemar : à
droite de ce groupe, un soldat russe qui refuse
de recevoir des soins roule des yeux terrorisés .
Comme 11un de ses concurrents, Charles
Meynier, qui a présenté au premie r plan de
son esqu isse d u concours un entassement de
corps nus , Gros renonce donc au seul discours
héroïq ue pou r m ontrer une histoire ambig uë.
Peut-êt re est-ce là le sentiment qu'exprime
déjà l'opinion en 1807.
Mais c'est sur tout le
frui t d'une autre approche, d'une autre
«manière de sentir», dont se souviendront
Géricau lt ou Delacroix.
Gros, vainqueur d'Eylau
Avec un argument imposé, Gros risquait
d'abou t
ir à l'u ne de ces illustr ations labo
rieuses qui rempliss ent les Salo n s de l'époque
napoléo nienne .
Ma is d'un sujet il fait un
tableau .
Dans la plaine glacée, le peintre
répa nd une cla rté chaude qui baigne au centre
la robe du cheval.
Ponc tuée d'éclats rouges
empr u ntés aux uniformes, elle rappelle -
dans un cadre qui s'y prê te moins q u e Jaffa
Nouvelles tendances
Le Salon de 1808 où est exposée l'œuvre de Gros reflète la variété
des tendances qui s'expriment alors dans la pe inture.
David reste,
certes ,
le maître incon
t esté de cet art avec la
grande toile du Sacre (musée du Louvre ),
alors en voie d'exécu tion .
Mais de nouvelles perspectives s'annoncent en ces années , parallèle ment à celle de ce maître.
Orientations inédites : l'exotisme.
La campagne d'Égypte (1798 -1801 ) a
ouvert les ho r izons d'un orienta lisme ple in de couleurs.
Même un peintre néo classique comme Guérin (1774-1833 ), rival de David , se fait l'écho de cette mode nouvelle en présentant au Salon de 1808 un Bonaparte pardonnant aux
révoltés du Caire (musée de Versailles ).
L e prétexte de l' épopée militaire n'est d'ai lleurs pas toujours nécessaire : les a rt istes s'inspi rent aussi de la littérature
exotique inaugurée nagu ère par Bernardin de Saint -Pierre dans le roman Pau l et V irginie (1 7 88).
Girodet (1 76 7-
1824) en dessine les palmiers dan s une
illustration de 1806 , le P assage du tor-
ou Aboukir, qu'il a lui - même pein ts dans
d'au t
res tab leaux -la voie colo riste q u'il a
sui vie très tôt, a ttiré par R u bens.
Ces accents lumineux donnen t à la scène
l'éclat de la vie.
Y participe égale ment la libe rté
de la touche, cette «facilité de pinceau» dont
parle un critique contemporain du peintre,
Delécluze, et surtout le dynamisme de la com
position d'ensemble.
Les deux chevaux
presque affrontés au cen tre dans u n mouve
ment contraire en son t le symbole .
Si les géné
raux son t cantonnés dans une figuratio n un
peu compassée, les autres groupes diversifient
les attitudes et rompent la monotonie.
Delacroix, auteur d'un t rès bel hommage au
peintre dans la Revue des Deux Mondes en 1848,
résume ainsi l'impression du spectateur : «Ce
tab leau, formé de cent tableaux, semble appe
ler l'œil et l'esprit de tous côtés à la fois .» Voilà
malmenée l'unité d'action chè r e aux néoclas
siques, irrévérence dont se souviendra, par la
suite, l'auteur de Sardanapale.
Monumentale et sublime, la Bataille d 'Eylau
n'est pourtant pas une mosaïq ue d'anecdotes.
Le cadre, qui est ici un vrai paysage et non u n
décor artificiellement plaqué, vient unifier la
scène : le ciel noir, la plaine gelée où se dresse
rent , ava nt de s'orienter vers l'évocat io n de l'Amériq u e p rimi t ive chè re à C hateaub riand , en peigna nt d'après cet écriv ain l es Funéra illes d'Ata la (musée du Louvre) , présentées au Sa lon de 18 0 8.
Thèmes préromantiques l'influence d 'Ossian.
À cette époque l 'œuvre littéraire la plus app r é ci ée des
peintres reste cepe ndant celle du barde
Ossian, prétendument du 111• siècle, dont les poèmes gaé liques ont été en réalité
to t aleme nt inventés par un instituteur écossa is du xv111•, Macp herson.
François
Gérard ( 1770 -1837 ), plu s con nu pour ses portrai ts - «le pe intre des rois et le roi des peintres ..
-, s'inspire avec Girodet des poèmes de l'«Homère du
Nord ..
pour décorer la Ma lmaison.
Dans son Oss ian évoque les fa ntô mes de 180 1 f i gurent l' atmosphère me naçante
et la «po ésie lunai re ..
chères à la sensi bilité préromantique .
On les retrou v e
dans la tragique a llégor ie de Pierre Pau l Prud'hon (1 7 58-1823 ), la J ust ic e et la
Vengeance divin e pou r suivant le C ri me (mus ée du Louv re ), elle aussi présente
a u S alon d e 18 08.
La Justice et la Vengeance div ine pou rsuivant le Crime, de Pierre Paul Prud 'hon (Paris, musée du Louvre).
l'église d'Eylau et où se devine l'activité des
armées renaissantes, accompagnen t cet épi
sode de l'histoire humaine où se côtoient
grandeur et mort.
Un même paysage tragique ,
celui des hive rs de Lorraine, constitue le tom
beau de Charles le Tém éraire, que Delacroix,
qui se souvient encore d 'Eylau , peint en 1831
dans la Bataill e de Nancy..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- GROS. Antoine-Jean : Le Champ de bataille d'Eylau
- JEAN-ANTOINE GROS, 1771-1835 Ecole Française NAPOLÉON SUR LE CHAMP DE BATAILLE D'EYLAU, 9 FÉVRIER 1807 (analyse)
- GROS Antoine-Jean : Bataille de Nazareth.
- GROS Antoine Jean : Bataille de Nazareth
- Gros, Antoine-Jean - vie et oeuvre du peintre.