Analyse de l’Œuvre de Courbet
Publié le 05/06/2024
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Analyse d’œuvre / Un enterrement à Ornans/ 1849-1850 / Gustave Courbet/
CPD arts visuels 16 / Sophie Bonnet
Analyse de tableau : Un enterrement à Ornans, 1849-1850
Gustave Courbet
Gustave Courbet
Un enterrement à Ornans, 1849-1850
Huile sur toile, 315X668CM
Musée d’Orsay, Paris
Un enterrement à Ornans est un tableau peint par Gustave Courbet entre 1849 et 1850.
Le peintre
avait 33 ans lorsqu'il réalisa cette œuvre de grande dimension qui fut l'objet d'une violente polémique
lors de sa présentation au Salon de peinture de 1850.
On a alors reproché au tableau sa vulgarité et
les critiques ont accusé Courbet de peindre "le laid", "le trivial" et "l'ignoble".
L'enterrement à Ornans
va vite devenir une œuvre manifeste du Réalisme dont Courbet sera le chef de file ; un peintre engagé
pour l'Art mais aussi pour la République.
Courbet achève Un enterrement à Ornans en 1850, à une période charnière pour l’histoire de France
comme pour l’histoire de l’art moderne.
Louis-Philippe a été destitué en 1848, et l'année suivante,
Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, a été élu président de la république.
En 1850, nous sommes surtout à l’époque de la Révolution industrielle et les élans spirituels des
Romantiques sont démodés devant le développement fulgurant des techniques de production et
l'apparition d'une nouvelle société.
Se forment alors parallèlement deux classes sociales avec des
aspirations contraires : la bourgeoisie devient la classe dominante et tend à imposer ses conceptions
politiques et morales tandis que la classe ouvrière cherche à exprimer ses revendications.
Des
intellectuels commencent à élaborer les fondements de la doctrine socialiste comme Marx et
Proudhon dont Courbet fut l’ami et dont il peignit le portrait en 1865.
Dans ce contexte social, les
artistes ne se rangent pas forcément aux côtés de la classe ouvrière et de son combat (Courbet
participera à la Commune seulement en 1871) mais se détachent de la bourgeoisie qui rejette les
nouvelles formes d’art.
L’artiste véritablement novateur tend à s’isoler et à se marginaliser : après la
e
Bohème, forme de vie aléatoire mais libre des artistes romantiques, la deuxième moitié du XIX siècle
voit l’apparition de l’image de l’artiste maudit, qui n'est plus au service des institutions et des pouvoirs
en place comme auparavant, et qui n'est compris que par une petite élite intellectuelle et artistique.
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Analyse d’œuvre / Un enterrement à Ornans/ 1849-1850 / Gustave Courbet/
CPD arts visuels 16 / Sophie Bonnet
Narration
La scène : A partir de la Révolution, du fait du nombre croissant de morts, l'exiguïté des sites entraîne
l'exurbanisation des cimetières, traditionnellement implantés autour de l'église du village.
À Ornans, la
population s'est opposée à ce transfert pendant des décennies et il faut attendre septembre 1848 pour
qu'un nouveau cimetière hors du village soit inauguré.
Dans le tableau c'est précisément dans ce
nouveau cimetière à l'écart de la ville que se déroule l'enterrement.
De plus, les personnages
regroupés masquent les autres tombes et les murs du cimetière, ce qui nous laisse penser que la
fosse a été creusée au milieu de nulle part.
Le peintre fait figurer la scène à un moment précis : le
convoi vient d'entrer dans le cimetière et s'est scindé en trois groupes (les officiants, les hommes et
les femmes).
La religion et la mort : Dans Un enterrement à Ornans se mêlent conjointement les thèmes de la
mort et de la religion à travers l'enterrement, un rite funéraire occupant une place fondamentale car il
soude dans le chagrin la communauté villageoise.
Au-delà du rite religieux en lui-même, l'univers de
l'œuvre est chargé de symboles ayant des liens avec la religion et la mort : Dans les Evangiles, il est
dit que "lors de l'agonie du Christ, la terre trembla, se fissura et fit jaillir le crâne d'Adam enfoui depuis
des millénaires".
Courbet a justement représenté un crâne dans le tableau, à droite de la fosse.
On
retrouve ce crâne symbolique dans Hamlet et Horatorio peint par Delacroix en 1839, seulement dix
ans auparavant.
Ce même crâne, ainsi que les os croisés et les larmes sur le drap mortuaire,
signifient que "l'initié va renaître à une nouvelle vie".
En réalité, il s'agit ici de l'univers de la Francmaçonnerie et Courbet fait clairement allusion à la sourde et secrète tradition maçonnique à Ornans.
Le chien, quant à lui, alimente aussi l'univers symbolique.
En effet, dans de nombreuses sociétés,
l'animal accompagne l'homme dans l'au-delà et est souvent présent lors des cérémonies sacrées
Les personnages : Les 27 personnages pressés en double rang sont tous des habitants d'Ornans
que Courbet avait fait poser un à un dans son atelier.
Comme à l'église, les hommes (à gauche) et les
femmes (à droite) sont séparés.
Les hommes portent des costumes noirs et plusieurs d'entre eux un
chapeau haut de forme.
Les femmes quant à elles portent des coiffes blanches et des capuches
noires ; plusieurs d'entre elles tiennent un mouchoir blanc dans la main et pleurent le mort.
À partir
des données des archives municipales et des actes notariés, les historiens ont pu donner un nom à
presque tous les personnages, répartis en petits groupes distincts.
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Analyse d’œuvre / Un enterrement à Ornans/ 1849-1850 / Gustave Courbet/
CPD arts visuels 16 / Sophie Bonnet
Les individualités
■ Le curé (10) : habillé en grande pompe, il porte le costume funèbre et lit les textes de son bréviaire
(livre liturgique contenant les prières à lire chaque jour par les prêtres) qu'il tient à la main.
Il fait face
au révolutionnaire de l'autre côté de la fosse.
■ Le fossoyeur (13) : Antoine Joseph Cassard, fils de cordonnier et paysan pauvre, a posé sa veste
et son bonnet de laine sur les bords de la fosse qu'il vient de creuser comme l'indique la couleur de la
terre.
Il attend l'arrivée du cercueil et pose un genou au sol.
Si son regard, à mi-hauteur de la toile,
tourné vers le groupe des "officiants de l'au-delà" et de la haute croix, nous entraîne vers l'univers
spirituel de la cérémonie, le reste de son corps tourné vers la fosse nous attire vers le "monde d'en
bas" et sa réalité : l'ensevelissement du cadavre.
Les ensembles de personnages
■ Les quatre porteurs : ils sont munis de gants blancs, de tenues noires et de grands chapeaux à
bords ronds.
Ils soutiennent le cercueil entouré d'un drap blanc et détournent leurs visages du mort (A
la campagne, on exposait le corps plusieurs jours avant l'enterrement et la pestilence des morts est
peut-être évoquée ici par le peintre).
Ce sont probablement un artisan cordonnier (1), un propriétaire
cultivateur-rentier (2), un musicien (que l'on retrouve dans la toile Après dîner à Ornans) (3), et un
propriétaire (4).
Ces deux derniers sont des amis de Courbet.
■ Les cinq sacristains : ils se tiennent en arrière du curé, à gauche du cercueil et sont vêtus de
blanc.
L'un d'entre eux est le porte-croix ; c'est un propriétaire-vigneron (7).
Les deux autres en (5) et
(6) sont respectivement un musicien et un artisan cordonnier.
À l'extrême gauche de la toile derrière
les porteurs est peut-être représenté le grand-père de Courbet décédé un an plus tôt (il n'est pas
visible ici).
Le groupe des sacristains est "relié" au ciel par la croix qui surmonte la foule et les falaises
en arrière-plan.
■ Les deux enfants de chœur : le premier (8) lève la tête vers le porteur, dont il vient de toucher le
chapeau avec son cierge.
Le second (9) au premier plan porte le vase d'eau bénite.
■ Les deux bedeaux : Employés laïques d’église, ils s'assurent du bon déroulement des cérémonies
religieuses.
Celui de gauche (11) est un vigneron aisé tandis que celui de droite (12) est un cordonnier
modeste.
La couleur rouge de leur costume et de leur toque les fait sortir tout droit d'une toile italienne
du bas Moyen-Âge, cependant on a retrouvé dans la sacristie de l'église d'Ornans une de ces toques.
■ Le groupe des hommes : au premier plan les bourgeois et notables, un juge de paix (14), le maire
d'Ornans Prosper Teste (15), un ancien gendarme devenu prêteur sur gages tenant un mouchoir à la
main (17) et un meunier enrichi (19) ainsi qu'un avocat (20), ami de Courbet.
Au second plan figurent
deux amis d'enfance du peintre : un rentier célibataire (16) et un bourgeois aisé (18).
■ Les deux révolutionnaires : ils portent le costume porté par les révolutionnaires entre 1792 et
1793 (c'est-à-dire au moment de la Première République) soit un demi-siècle plus tôt.
Nous sommes
en 1849....
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