Devoir de Philosophie

1970 – 1979 : LA Peinture

Publié le 29/11/2018

Extrait du document

Comme dans d’autres domaines, les années soixante-dix sont, sur le plan de la création artistique, une période de remise en question où plusieurs phénomènes conjuguent leurs effets. D’une part, on assiste à la perte par New York de la position dominante en matière d’art que cette ville détenait dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale grâce aux avant-gardes de rupture qui ont fait la force de l’art américain (expressionnisme abstrait, assemblage, Pop Art). D’autre part, se produit une atomisation des avant-gardes: aucun mouvement, aucun groupe, aucun créateur ne polarise les intérêts et les énergies. La scène artistique se présente comme un foisonnement de personnalités dont les regroupements ne répondent souvent qu’à d’éphémères et artificielles stratégies commerciales. Sans qu’il faille en exagérer le cynisme, il existe un réseau international de galeries spécialisées qui peuvent faire ou défaire les réputations; le marché de l’art est en effet animé par un petit nombre de marchands et de collectionneurs, toujours les mêmes, ce qui a pour conséquence la présentation, à des milliers de kilomètres de distance, des mêmes artistes. Cette internationalisation est renforcée par le rôle croissant de l’information: toute innovation est immédiatement analysée, critiquée, filmée, diffusée avant même que l’on ait eu le temps d’y réagir, comme s’il était plus important d’insérer un nouveau venu dans une classification que de le goûter.

 

On peut cependant tenter de définir quelques grandes tendances qui caractérisent les recherches des années soixante-dix. D’abord le retour — parfois sous des formes tout à fait traditionnelles — à l’image figurative s’affirme sans complexe : l’hyperréalisme américain n’en constitue que l’apport le plus spectaculaire. Faut-il voir dans cette faim d’images un besoin de sécurité et d’autoreprésentation de la part des artistes et d’un public déstabilisés par les questionnements idéologiques et les mutations socio-économiques de ces années-là? Il est à noter que ce renouveau «réaliste» est contemporain de la tentative de réhabilitation des peintres pompiers du xixe siècle, dévalorisés jusque-là par une historiographie qui avait fait de l’affirmation des formes et des thèmes de la modernité un combat de la lumière contre l’ombre. On assiste en outre à un approfondissement et à une intériorisation de la spéculation théorique de l’artiste sur les sources, les matériaux et les finalités de son art : enquête radicale sur les moyens matériels de la peinture (Supports-Surfaces), réflexion sur la démarche qui engendre l’œuvre d’art (art conceptuel). Enfin, dans l’euphorie de l’après-68, où tout semble possible, c’est le triomphe posthume de Marcel Duchamp : n’importe quoi peut devenir œuvre d’art ; le devenir de l’art a cessé de s’identifier à un certain type d’objet exposable et reproductible (Land Art, Body Art, Arte povera...). Les artistes conceptuels, en soutenant que le produit est moins important que la démarche qui l’engendre, aboutissent même à la dématérialisation de l’objet de l’art.

 

L’HYPERRÉALISME AMÉRICAIN

 

En 1970, une exposition au Whitney Muséum de New York, intitulée 22 Realists, consacre un nouvel avatar du réalisme américain contemporain, l’hyperréalisme. Ce courant se situe dans la plus pure veine américaine de l’attachement presque fétichiste aux objets et descend en droite ligne des précisionnistes des années trente

« répondant ainsi à la nécessité de se créer une image de marque per­ sonnelle .

Ainsi Chuck Close (né en 1940) se spécialise dans le portrait avec ses photos d'identité démesurément agrandi es; Richard Mac­ Lean (né en 1934) transpose les photos conventionnelles d'Améri­ cains nantis posant devant leurs biens; Richard Estes (né en 1936) s'attache aux victimes et à leurs reflets ; Don Eddy (né en 1944) et Ralph Goings (né en 1928) se consacrent aux véhicules motorisés dont les carrosseries étincellent sous une lumière crue.

Nous sommes de­ vant un monde lisse , sans prises autres que le chatoiement infini des reflets sur des surfaces rutilantes qui flattent le voyeur et ne s'attachent qu'a u superfic iel.

Une ironie plus mordante , une violence plus fran­ chement critique apparaissent dans la sculpture hyperréaliste avec les nus hallucinants de John De Andrea (né en 1941) ou les touristes en fibre de verre et polyester de Duane Hanson (né en 1925), complets avec leurs appareils photo, leurs chemises hawaïennes, leurs lunettes de soleil , sortis tout droit d'un musée Grévin surréel.

Sans liens avec l'hyP.erréalisme , un autre réalisme , plus tra­ dition nel, se développe aux États-Unis à la même époque .

Les nus blafards de Philip Pearlstein (né en 1924), les portraits impitoyables d' Alfred Leslie (né en 1927) mettent une technique picturale solide mais conventionnelle au service d'une neutralité visuelle qui se refuse à toute implication affective ou émotionnelle .

Le plus adulé de ces réalistes est Andre� Wyeth (né en 1917) qui célèbre avec application les sentiments simples, l'amour de la nature , le charme sécurisant d'un terroir américain suranné; couvert d'honneurs , il était le peintre préféré de Nix on, ce qui n'est pas sans signification.

FIGU RATIONS EUROPÉENNES Dès les années soixante se sont manifestées en Europe de nombreuses tentatives d'approche du réel qui se sont traduites par un retour à la figuratio n.

Les regroupements opérés alors par la critique française, sous les étiquettes de «nouvelle figuration >> ou de , ont rassemblé des artistes qui n'avaient en comm un, justement , que ce retour à des images tirées du réel : on y trouvait aussi bien des peintres travaillant dans les marges du Pop Art (Ada mi, Té lémaque) ou privilégiant le matériel photographique (Rancillac, Fromanger et Monory) que des artistes pratiquant un illusionnisme plus purement pictural (Gafgen, Titus-Carmel) pouvant aller jusqu'à la virtuosité presque expressionniste d'un Velickovic.

En 1974 , une confrontation va montrer la vitalité des réa­ lismes des deux côtés de l'Atlantique : cette année -là, le Centre natio­ nal d'art contemporain présente à Paris une exposition intitulée Hy­ perréalistes américains, Réalistes européens.

Les peintres européens, même s'ils refuse nt toute filiation avec l'hyperréalism e, même s'ils proposent un unive rs décanté du folklore spécifiquement américain, se montrent attachés à un type de vision similaire , celle qui donne à voir avec une précision insistante et souvent glaciale la structure d'un fragment de réalité perçu avec l'objectivité d'un appareil photogra­ phique .

Travaillent alors dans cette direction l'Italien Pistoletto (né en 1932), l' Allemand Konrad Klapheck (né en 1935), les Français Gilles Aillaud (né en 1928) et Jean-Olivier Hucleux (né en 1930), le Suisse Peter Stampfli (né en 1937).

Cependant , comme si cet illusionnisme visuel un peu figé et réfri gérant, qui magnifie les archétypes de la civilisation mécanique, appelait une réact ion, se développe en pays germaniq ue, dans la se­ conde moitié de la décennie soixante-dix, une figuration irréaliste dont la violence d'écriture renvoie aux antécédents de l'expression­ nisme nordique : d'où l'appe llation de (ou néo-expressionnisme) donnée à ce courant qui veut retrouver la sen­ sualité de l'émotion et exprimer le combat de l'homme confronté aux problèmes économiques et sociaux.

L'Allemand Georg Baselitz (né en 1938) et l'Autrichien Arnulf Rainer (né en 1929) sont les personnali­ tés marquantes de ce que l'on peut considérer comme un signe avant­ coureur du retour à la qui marquera les années quatre- vingt.

MATÉ RIALITÉ DU SUPPOR T Pollock avait ruiné le concept d'espace limité et hiérarchis é.

Newman , Reinhardt et les minimalistes avaient affirmé l'existence de l'œuvre en tant qu'objet matériel ainsi que sa réalité purement phy­ sique .

C'est à partir des mêmes interrogations que s'est développée la démarche du groupe français Supports-S urfaces comme enquête et réflexion sur les constituants matériels de la peinture , donnant à voir LA PEINT URE.

Gilles Aillaud: Panthères (1977).

©B éatrice Hatala · C.

N.A.

C.

- Centre Georges-P ompidou, Paris des matériaux dont l'aspect brut est volontairement affirmé (toiles libr es, c'est-à- dire sans châss is, cordes).

Le travail du Hongrois Simon Hantaï (né en 1922), malgré l' esprit plus mystique qui l'anime , peut être considéré comme une annonce des questionnements de Supports-Sur faces.

Arrivé à Paris en 1949 , après des débuts surréalisants et une période d'abstraction ly­ rique , Hantaï inaugure en 1960 la technique des pliages : la toile , sans châssis , est pliée sans règle et peinte sur les seules surfaces laissées accessibles par cette manipulati on; retendue ou simplement dépliée, elle offre alors, les plis restant blancs, une structure de facettes pris­ matiques colorées, née, pour l'essent iel, du hasard .

La matière du tableau n'est que rehaussée par le rythme des taches colorées.

Une attitude voisine est celle que le groupe BMPT, qui réunit Daniel Buren (né en 1938), Olivier Mosset (né en 1944), Michel Parmentier (né en 1938) et Niele Toroni (né en 1937), affiche solennellement le 2 juin 1967: sont présentée s, au musée des Arts décoratifs à Par is, quatre toiles de 2,50 rn de côté , peintes de motifs simples (cercles, bandes horizontales ou verticales).

La matérialité de la toile , dans sa simplicité et son évidence , est ainsi affirmée dans le but de renvoyer le spectateur à lui-même et de l'amener à réviser ses systèmes de ré­ férence par rapport à l'objet esthétiq ue.

C'est au même moment qu'apparaissent dans le Midi de la France des artistes qui vont reprendre certaines orientations du BMPT et constituer en 1970 le groupe Supports Surfaces.

Vinitiateur du mouv ement, Claude Viallat (né en 1938), cherche à mettre en évidence la qualité physique du support dans de vastes toiles flottantes où des empreintes sont répétées en séries .

Louis Cane (né en 1943) travaille aussi sur la toile non tendue qu'il marque de formes simples et épur ées: la peinture comme thème de la peinture elle-même.

Da­ niel Deze uze (né en 1942) s'interroge sur le châssis sans toile, réduit à l'état de squelette : support d'inscriptions, il devient objet mythique .

Le sculpteur Toni Grand (né en 1935) participe au groupe et s'exprime par des structures simples de bois équarri qui pourraient se rattacher à l'A rte povera (art pauvre).

Avec Supports-Surfaces, l'objet demeure au centre de la création , mais , par-delà ses qualités esthétiques volon­ tairement modestes, il n'existe que pour suggérer au spectateur un questionnement sur l'élaboration de l'œuvre d'art et sur son rôle soc ial.

D'a illeurs , dans le bouillonnement idéologique et culturel de l' apr ès-68 , le groupe Supports-Sur faces s'est signalé par un travail théorique intense, soutenu par des intellectuels comme Philippe Sol­ lers ou la revue Tel Quel et Marcelin Pleynet.

La tendance , chez certains membres du groupe, à substituer à l'œuvre le discours sur l'œuvre rappelle l'art concep tuel.

Mais cette surenchère spéculative, marquée par l'analyse marxiste , n'a pas évité les écueils du dog­ matisme et de l'obscurité du raisonnement théorique.

Souvent associé au groupe Supports-Surfaces, auquel il n'a 39. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles