1970 – 1979 : JAZZ
Publié le 29/11/2018
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1970: alors que des signes avant-coureurs d'un nouveau virage (visage nouveau aussi) se manifestent à l'horizon, la bataille du jazz fait de plus en plus rage, en Europe principalement, en France plus particulièrement. Plus encore que lors de la fronde be-bop, les esprits s'échauffent : << traditionalistes>> (adeptes du style Nouvelle-Orléans), «modernistes>> (ceux du bop) et <
ANTIBES,
CHÂTEAUVALLON, MONTREUX, NICE...
Les grands rassemblements jazzistiques d'été se multiplient : après la pinède Gould d'Antibes (ses touristes et l'assistance bon chic bon genre) qui connaît sa grande époque, englobant tous, ou presque, les styles de jazz - non sans problèmes mais avec un louable souci d'œcuménisme -, Châteauvallon est le lieu de rencontre (s) des expériences nouvelles, avec ce que cela implique d'excès, voire d'outrances. Michel Portal, génial et inquiet trublion, triomphateur des éditions 1972 et 1973, fait la preuve de son époustouflante disponibili-
«
té
magistralement servie par une technique sans faille ; son humour
joyeusement dévastateur provoque l'enthousiasme d'un public parfois
conquis d'avance .
Les grandes heures magiques sur la colline près de
To ulon dureront le temps de quelques étés, le festival devenant vic
time autant de débordements incontrôlés que de son succès.
Dans une autre ambiance , moins convulsive, plus douillette ,
celle de Montreux , le festivalier sort épuisé mais comblé d'intermi
nables nuits maratho niennes tandis que Nice accueille la Grande Pa
rade du jazz, consacrée d'abord aux styles traditi onnels , s'ou vrant par
la suite à des musiques moins passéist es, donnant lieu à de redou
tables jam-ses sions dont le succès ira grandissant sur les hauteurs de
Cimi ez.
Le Nancy Jazz Pulsations Festival sera le théâtre en autmp.ne
de soirées chauffées à blanc dans la grisaille de la place Stanislas .
A la
sui te, d'autres villes sacrifieront à cette boulimie festivalière , certaines
avec bonheur comme Nîmes ou Grenoble , Paris renouvelant chaque
année un fort estimable Newport à Par is.
La période d'ébullition libertaire perd cependant progres
sivement de son intensité , la plupart des initiateurs s'écartant des
foyers incendiaires qu'ils avaient allumés, sans pour autant renier
leurs démarches passées, des fragments de free resurgissant parfois
dans leurs nouveaux discours.
Ainsi le saxophoniste Archie Shepp se
tourne vers l'héritage culturel du jazz en survolant toute son histoire,
relisant à sa manière les negro-spirituals, le blues de Bessie Smith , les
classiques du bop et la musique de Duke Ellington, avec la complicité
du pianiste sensible qu'est Horace Parlan.
É phémères sont les nuits de la Fondation Maeght à Saint
Paul-de- Vence au cours desquelles le Sun Râ Arkestra dévoile ses
fastes scéniques dans une débauche rythmique, dans un environne
ment sidéra l...
et sidéra nt.
Le saxophoniste Albert Ayler y fait en
tendre une dernièr e fois en France sa musique rassemblant toutes les
musiq ues, hallucinante , délirante , désarmante de naïv eté, déran
geante aussi.
Bi entôt le jazz entrera dans l'ère , celle du jazz
rock et de l'éclectisme contemporain .
MILES DAVIS, TOUJOURS
Considéré dans le jazz comme un avatar de plus (après le
be-bop et le free ), le jazz-roc k, issu de sources différentes (principale
ment représent ées par les vedettes «pop >> des années soixante dont le
fabuleux Jimi Hendrix), met au premier plan >, ainsi que
de la basse électrique et ses effets de «slap >>, claquement des cordes
sur le manche), le jeu de batterie furieusement binaire tenant une
place prépondéra nte, omnipr ésente .
Cette formidable machine sert
ie tremplin à un Miles toujours souverain dans la rage ou la douceur,
l't: nergie ou l'émoti on, le tout ponctué de traits fulgurants ou d'explo
sionè imprévisibles de sa trompette bicolore et électrifi ée.
J AZZ-R OCK OU FUSION
To us les music iens, tous les groupes dits de jazz-r9ck (appel
lation européenne) ou de fusion (terme employé aux Etats-Unis)
seront marqués par l'influence déterminante de Miles; en le quittant ,
nombre de ses compagnons vont former leurs propres groupes: Chick
Corea avec Return ta Forever, Wayne Shorter et Joe Zawinul avec
We ather Report (Bulletin météo); Herbie Hancock va encore plus loin
dans l'usage intensif de l'arsenal électronique dans les disques Head
Hunters (1973) et Secrets (1976), revenant parfois au bon vieux piano
acoustique pour des duos avec Corea.
Le succès de cette musique est considérable ; bientôt
naissent discussions et polémiques afin de savoir s'il s'agit là d'un
choix musical sincère ou d'une concession destinée à toucher un vaste JA
ZZ.
Sun Râ et sa formation
animent les nuits
de la Fondation Maeght
à Saint Paul de Vence.
© Philippe Gras
JA ZZ.
Michel Portal
est l'une des figures
du festival de Châteauvallon.
Ci contre : le musicien
au cours d'une répétition
en 197 6.
© Guy Le Querrec -Magnum
publ!c , Jeune surtout, plus ou moins en rupture de pop ou de rock .
Les groupes se forment et se déf ont, avec les inévitables
conflits de personnes et les impératifs économiques dictés par les
compagnies phonographiqu es.
De fortes personnalités confirment
leurs talents : le batteur Billy Cobham , les bassistes Stanley Clarke et
(surtout) «Jaco>> Pastorius (avec ou sans Weather Report), le saxopho
niste David Sanborn au sein de l'orchestre du ma_gicien Gil Evans, le
violoniste Jean-Luc Ponty, qui fera carrière aux Etats-Unis ...
É cLECTISME TOUS JAZZIMUTS
L'après-free ne se manifeste pas seulement à travers le raz de
marée du jazz-rock ; les music iens sortent de leur splendide isolement,
s'ou vrent à l'éc oute d'autres musiques tout en restant arrimés à la
tradition et attentifs aux voies ouvertes par les partisans de la liberté
totale ; par exemple , l'Art Ensemble of Chicago qui propose des
voyages à travers une Afrique imaginée et la jungle urbaine, à grands
renforts de masques et de maquillag es.
Il n'est pas rare de voir des
music iens d'autres continents au sein des grou pes, le plus souvent des
percussionnist es; ainsi le saxophoniste argentin Gato Barbier i s'i nspi
rant des mélodies populaires de son pays joue-t-il en compagnie de
Nana Vasconcelos et son berimbau 1• Dautr es, en revan che, affichent
ostensibl ement un goût prononcé pour la musique contemporaine
euro péenne , tels Anthony Braxton, Om ette Coleman ou Cec il Tay lor.
On assiste également à un dégagement de l'in fluence afro-américaine
de la part des Européens qui cherchent (et trouvent) un langage
spécifique à partir de leur patrimoine culturel: en Grande-B retagne,
John Surman ; aux Pays- Bas, Willem Breuker; en Allemagne , Joa
chim Kuhn; en France , Didier Levallet, André Jaume, Raymond
Boni ; plus loin , en Afrique du Sud , les pianistes Abdullah Ibrahim
(Dollar Brand) et Chris McGregor et sa Confrérie du Souffle .
À Munich , la firme ECM, après les expériences free,
oriente une production exemplaire vers ces nouvelles formes de jazz ;
dans son catalogue , le vibraphoniste Gary Burton (son disque Crystal
Silence avec Chick Corea) et le pianiste Keith Jarrett sont représenta
tifs de cette tendance , ce dernier vendant par milliers des disques en
solo enregistrés à Br ême , à Lausan ne, à Cologne et au Japon (un
coffret de dix disques).
Il renoue avec un certain romantisme aux
sources d'inspiration fort diverses , les foules se pâmant sur son tou
cher sensuel et un merveilleux sens harmonique un peu sophistiqué .
En Euro pe, de grands solistes américa ins, les saxophonistes
Stan Getz et Phil Woods, choisissent comme partenaires des musi
ciens européens estimables (l'organiste Eddy Louiss , le guitariste
belge René Thomas , le batteur Bernard Lubat , le pianiste anglais
Gordon Beek, le contrebassiste Henri Texier, le batteur Daniel Hu
mair).
31.
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