Devoir de Philosophie

1907: LES DEMOISELLES D'AVIGNON

Publié le 19/09/2018

Extrait du document

Au printemps 1907, dans son atelier du Bateau-Lavoir, un jeune Espagnol établi à Paris depuis trois ans se bat avec un grand tableau. Les Demoisettes d'Avignon représentent cinq femmes dans un intérieur, cinq nus dont les corps et les visages changent au fil des séances.
 
A la fin du printemps ou au début de l’été, il renonce à achever le tableau. Celui-ci reste dans un état surprenant : des cinq corps, deux sont traités dans un style, un troisième dans un autre et les deux derniers sont déformés et striés de couleurs vives.
 
Le «bordel philosophique»
 
Pourquoi ces nus dans un décor de draperies? Parce que le tableau, qui n'a pas encore de titre définitif quand Picasso renonce à y travailler, représente l'un des salons d'une maison close. Le sujet n'est pas neuf. Degas et Toulouse-Lautrec l'ont traité, que ce soit pour suggérer l’ennui des femmes attendant les visiteurs ou l’appétit de ces derniers. Picasso,
lui, veut en tirer un parti différent, ce que suggère le surnom de la toile inventé par le poète Max Jacob, «le bordel philosophique». «Philosophique» en effet, ou plus simplement morale, la toile l’est, au moins, au début de sa genèse : Picasso y place deux personnages masculins habillés, qui ont, chacun à sa façon, valeur de symbole. Il dessine, assis sur une chaise au centre de la composition, un marin — le marin si fréquent dans les maisons closes de Barcelone où Picasso a résidé un temps. Mais ce marin n'est ni excité ni ivre : il demeure immobile, plongé dans la mélancolie. Picasso introduit d’autre part, dans la partie gauche de la toile, la silhouette d'un étudiant en médecine qui entre dans la pièce avec à la main, selon les esquisses, le cartable du docteur en consultation, ou un crâne humain — la tête de mort des «vanités» classiques. Aux cinq prostituées, qui sont six dans les premiers croquis, le marin triste et l’étudiant opposent l’un sa langueur, l’autre une image morbide ou funèbre. Ils demeurent indifférents à la séduction des corps déshabillés qui s’exhibent

« L'exhibition des corps I.: accessoire et le superflu éliminés, ne demeure que l'essentiel , les cinq prostituées.

Deux d'entre elles pénètrent dans la pièce en écartant les tentures et deux autres , au cen tre, se pré­ sentent de face comme pour une parade obs­ cène qui n'aurait d'autre but que de convaincre le visiteur - le peintre ou le specta teur - de les choisir pour son plaisir.

Afin d'attirer, elles prennent des poses qui mettent en valeur leu rs charmes , les bras repliés derrière la tête , la poi­ trine saillante.

I.:une d 'elles pousse l'indiscré ­ tion jusqu'à écarter le voile qui dissimule son sexe.

Elles regardent droit devant elles, les yeux écarquillés , et le peintre souligne de courbes noires leurs regard s et leurs sou rcils.

Les trois autres •demoiselles • sont sur le point de se joindre à cette exhibition , comme si elles venaient juste d 'être appe lée s à l ' arrivée d'un clien t.

Celle qui est assise se retourne d'un mouvement de torsion rapide.

Un e autre, qui entre à gauche, est représentée la jambe et le pied droit en avant, achevant un pas.

La troi­ sième surgit dans l'angle droit, elle repousse les rideaux et avance le buste et le visage.

Nul doute donc sur la scène, nulle équivoque quant au sujet : ces femmes nues ne sont ~ les nymphes mythologiques de la tradition ancienne ni même les baigneuses dont un Les Demoiselles d'Avignon, Pablo Picasso , 1907 (New York, Museum of Modern Art}.

Cézanne, par exemple, a fait l'un de ses sujets d'élection, mai s incontestablement des •fill es•, les pensionnaires d'un borde l qui se dénudent et se vendent con tre rétributions et pourboires.

Si Picasso a ôté de son tableau les symboles de la mort, ce n'est pas pou r tomber dans le genre idyllique, mais pour obtenir l'image la plus juste possible d'une maison close, épiso de sur­ pris comme à l'improviste par un observa teur­ peintre à la mémoire et à l'œil attentifs.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles