Romulus
La légende de Romulus se situe au carrefour très nébuleux de la mythologie et de l’histoire. Suivant la version la plus courante, Romulus est descendant d’Énée et fils du dieu Mars.
À la mort du roi d’Albe Procas (quinzième roi de la dynastie d’Énée), ses deux fils se disputèrent le trône: le cadet, Amulius, chassa l’aîné, Numitor, et, pour éviter que celui-ci ne trouvât un jour un vengeur, il tua son fils et fit de sa fille Rhéa Silvia une vestale, vouée au célibat. Or le dieu Mars allait déranger ses plans en séduisant la jeune prêtresse et en la rendant mère de deux jumeaux, Romulus et Rémus.
• Enfance et jeunesse
Amulius, ayant fait placer les enfants dans une corbeille, les abandonna sur le Tibre alors en crue pour qu’ils fussent emportés vers la mer. Mais la corbeille s’échoua sur la colline du Palatin, au pied d’un figuier. Une louve qui venait de mettre bas fut envoyée par Mars pour allaiter les nouveau-nés. Le figuier fut plus tard l’objet d’un culte sous le nom de Ruminai, de rumen = mamelle. Découvrant ce prodige, un berger du roi, Faustulus, recueillit les bébés et les confia à sa femme, Acca Larentia, déjà mère de douze enfants1.
Lorsque les jumeaux furent en âge d’étudier, ils allèrent, à Gabies, fréquenter le centre « universitaire » du Latium. Mais quand ils retournaient dans leur village, prenant la tête d’une bande de jeunes paysans, ils se livraient à des rapines, entre autres au détriment des troupeaux d’Amulius qui paissaient sur l’Aventin. Un jour, les bergers du roi capturèrent Rémus et le conduisirent à Albe.
C’est alors que Faustulus révéla à Romulus ce qu’il savait de sa naissance. Aussitôt le jeune homme entraîne ses camarades vers Albe, force les portes du palais, se fait reconnaître d’Amulius, le tue et libère Rémus. Puis il installe sur le trône le roi légitime, Numitor.
Celui-ci fait don à ses petits-fils d’un territoire, comprenant les collines du Palatin, où ils ont été élevés, du Capitole et de l’Aventin. Les deux jumeaux décident d’y fonder une ville.
Pour déterminer quel en sera le centre, ils s’installent, Romulus sur le Palatin, Rémus sur l’Aventin, et s’accordent pour s’en remettre aux auspices: la ville sera fondée par celui qui aura compté dans son champ de vision le plus grand nombre d’oiseaux (auspices = aves spicere: voir des oiseaux). Romulus ayant vu douze vautours alors que Rémus n’en comptait que six, c’est sur le Palatin qu’il fut convenu de fonder la future cité. Romulus en traça l’enceinte à la charrue, soulevant celle-ci à l’emplacement des portes (porta viendrait de portare, porter). Or Rémus, par dérision, va franchir d’un saut le sillon consacré, et Romulus, effrayé par le sacrilège, redoutant s’il n’était immédiatement conjuré un précédent dangereux, dégaina l’épée et immola Rémus. Il l’enterra sur l’Aventin et cette colline, jusqu’au i9r siècle de notre ère, fut maintenue à l’extérieur du pomérium, l’enceinte religieuse de Rome.
• Le fondateur
La fondation de Rome est datée de façon générale du 21 avril 753 avant J.-C., jour de la fête de la déesse Palès.
Pour peupler sa ville, Romulus créa d’abord sur le Capitole un lieu d’asile, ouvert à tous les hors-la-loi de la région. Puis pour leur procurer des épouses, il organisa des jeux. Les Sabins voisins reçurent une spéciale invitation et se rendirent au spectacle avec toute leur famille. À un certain moment, les hommes à marier se précipitèrent sur les jeunes filles présentes et les enlevèrent.
Outré de ce guet-apens, le roi des Sabins Titus Tatius marche sur Rome. Grâce à la complicité de Tarpéia, fille du gardien de la citadelle du Capitole, l’armée Sabine pénètre dans les murs. (Tarpéia sera écrasée sous les boucliers des Sabins et le rocher qui borne le Capitole, d’où l’on précipitait les criminels, sera appelé roche tarpéienne.)
Les Sabins auraient réussi à prendre à revers les troupes de Romulus si le dieu Janus ne leur avait barré la route en faisant jaillir devant eux l’eau brûlante d’un geyser. La bataille se livra dans la dépression où devait plus tard s’établir le Forum. Près de voir son armée taillée en pièces, Romulus adressa à Jupiter une dramatique oraison jaculatoire: le roi des dieux intervint aussitôt; les Sabins furent stoppés et en ce lieu sera élevé le temple de Jupiter Stator (celui qui arrête). De leur côté, les jeunes Sabines, devenues les épouses des compagnons de Romulus, se précipitèrent entre leurs parents et leurs maris pour les conjurer de faire la paix.
La paix fut signée entre Tatius et Romulus, instituant la fusion des deux peuples. Les deux chefs régnèrent alors conjointement et, à la mort du Sabin, Romulus exerça seul le pouvoir. Il devait occuper le trône durant trente-trois ans.
Il était lui-même âgé de cinquante-quatre ans lorsque, passant ses troupes en revue sur le champ de Mars, il disparut dans une éclipse de soleil accompagnée d'un violent orage. Les Romains assimilèrent le « Père de la Patrie » au dieu Quirinus et lui élevèrent un temple sur le mont Quirinal. (Le nom de Quirites fut donné aux citoyens romains.)
Le sujet de Romulus et Rémus allaités par la louve est constant sur les monnaies, les intailles, les bas-reliefs d’époque romaine, mais aussi chez les peintres (A. Carrache, P. de Cortone, Rubens, etc.): David a immortalisé la scène de l’intervention des Sabines (le visage de l’une d’elles a figuré sur les timbres français des années 70). La louve étrusque de bronze est devenue le symbole de la ville de Rome (les jumeaux ont été ajoutés au XVIe siècle).
1. Le nom de louve — lupa — étant donné aux prostituées, certains auteurs ont pensé qu’Acca Larentia et la louve nourricière ne faisaient qu’un.