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René Magritte

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Elève de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles de 1916 à 1918, le peintre belge René Magritte commença à peindre sous l’influence des avant-gardes du futurisme, du cubisme orphique et de la Nouvelle Objectivité. Sa rencontre avec la peinture de Giorgio De Chirico, en 1923, revêtit une importance déterminante. Elle contribua à rapprocher Magritte du surréalisme, mouvement avec lequel il entra en contact à travers la revue Œsophage, publiée par l’artiste en 1924 avec E. L. T. Mesens. L’évolution progressive de Magritte vers les thématiques du surréalisme est évidente dans des tableaux comme Le Jockey perdu (Coll. privée, Paris) et Les Epaves de l’ombre (Musée de Peinture et de Sculpture, Grenoble), tous deux de 1926. Pendant son séjour à Paris, de 1927 à 1930, le peintre fait la connaissance d’André Breton et de Paul Eluard, subissant en même temps l’influence de la peinture de Max Ernst. C’est de cette époque parisienne que remontent des peintures très célèbres comme Ceci n’est pas une pipe (Coll. privée, New York) et Le Temps menaçant (1928, Penrose coll. Londres). Rentré en Belgique, le maître est salué comme le chef de file du surréalisme belge. Son œuvre, qui a beaucoup influencé le langage de la publicité et des moyens de communication sociale, manifeste une cohérence de style assez substantielle qui inclut le choix d’images symboliques comme la mer, le ciel, le nu féminin, l’homme au chapeau melon, qui reviennent systématiquement dans toute la peinture du maître. Parmi ses nombreux tableaux, les collectionneurs privés apprécient en particulier L’Empire des lumières (Bruxelles, coll. Magritte, 1935), La clé des champs (1936, coll. Thyssen-Bornemisza, Madrid), L’homme au chapeau melon (1964, Withers Swan coll., New York).

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La peinture de Giorgio De Chirico fut fondamentale pour la peinture de René Magritte comme pour l’activité de nombreux autres maîtres du surréalisme figuratif. L’artiste s’en inspira non seulement pour les atmosphères mystérieuses et les assemblages impossibles d’objets différents, mais aussi pour ses compositions caractérisées par une large spatialité. On est surpris par le réalisme presque photographique des œuvres de Magritte qui permet à l’artiste de représenter chaque image particulière en employant une peinture méticuleuse et homogène, proche du graphisme publicitaire, qui s’associe à des compositions absolument fantastiques où cohabitent le jour et la nuit, contenus et contenants, intérieurs et extérieurs, réalités distantes et incommunicables. Les images des objets perdent ainsi leur signification habituelle pour ne devenir que des illusions, des vocables d’un langage qui naît de l’inconscient et des rêves, souvent empreint d’ironie. Le répertoire figuratif choisi par le maître, composé d’objets et d’éléments de la vie quotidienne, influença beaucoup les artistes du Pop Art, tout comme le langage des moyens de communication sociale, familiarisant ainsi le grand public aux œuvres du peintre belge.

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Peinte en 1934, cette toile rassemble tous les éléments du répertoire figuratif cher à Magritte : le ciel, la mer, le nu féminin, la nature. Le surréalisme de Magritte, mouvement auquel l’artiste belge avait adhéré dès le début des années vingt, naît de l’association libre et illogique d’images quotidiennes représentées de façon réaliste et simple, mais dont la signification habituelle est renversée. Dans sa peinture, Magritte tente de mettre à nu la réalité qui l’entoure, sans jamais renoncer toutefois au mystère qu’elle contient.

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Le tableau fascine et étonne par le glissement progressif des couleurs, des tonalités de la chair sur les jambes et le ventre de la femme, au bleu de la partie supérieure, qui se confond avec le bleu de la mer et du ciel à l’arrière-plan.

La figure féminine se caractérise par un modelé obtenu par le jeu minutieux des clairs-obscurs et par un naturalisme marqué, évident dans la description de l’anatomie, qui contraste avec les tonalités fantastiques de la toile.

La réalité de la figure féminine est accentuée par les traits somatiques du visage très marqués, et par la coiffure de la femme, aux cheveux ramassés selon la mode de l’époque. C’est justement le contraste entre le contenu illogique des images et le réalisme de la peinture qui accentue le ton surréel de l’œuvre. 

Une observation rapprochée de la surface peinte révèle une facture précise, serrée, méticuleuse, qui rappelle la technique adoptée pour les illustrations publicitaires.

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La composition est agencée sur trois plans parallèles : la mer à l’arrière-plan, le parapet qui sépare le dedans du dehors, et la figure au premier plan, appuyée sur le rocher.

L’espace est traduit en vertu d’un agencement traditionnel de la perspective, mesurée par l’épaisseur du parapet et par la paroi qui s’élève sur la gauche.

La profondeur de la composition est donnée par l’horizon marin qui s’étire tout en haut de la toile.

Le corps de la femme, vu en raccourci, est lui aussi agencé aisément dans l’espace. 

Les lignes sinueuses de la figure nue contrastent avec les lignes droites de la structure architecturale.

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Parmi les sources du surréalisme de Magritte, il faut citer avant tout les grandes perspectives métaphysiques imaginées par Giorgio De Chirico, et dominées par la même impression de mystère que l’on retrouve dans les toiles de l’artiste belge.

Mais la connaissance de la peinture de Max Ernst fut elle aussi très importante, surtout pour les images en liberté représentées dans ses œuvres, influencées par sa connaissance de la psychanalyse et des écrits de Freud.

Malgré le caractère moderne et singulier de la peinture de Magritte, l’artiste ne dédaigne pas recourir à des modèles classiques, et presque académiques, comme le fait apparaître la comparaison entre le nu féminin et les figures idéalisées peintes par Ingres, telle que celle très connue du tableau La source.

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