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Piero della Francesca (Borgo San Sepolcro, Arezzo, vers 1416 - 1492)

Les premières œuvres connues de Piero della Francesca manifestent sa connaissance approfondie de l'art toscan du début du XVe siècle et laissent supposer un séjour à Florence. La présence de l'artiste dans le chef-lieu toscan est située en 1439, lorsqu'il collabore avec Domenico Veneziano à la réalisation d'un cycle de fresques, aujourd'hui perdues, à l'église Sant'Egidio. A Florence, le jeune artiste est attiré non seulement par les fresques de Masaccio, mais aussi par les espaces limpides et par l'utilisation de la couleur dans les œuvres de Fra Angelico. En même temps, il approfondit sa connaissance des lois de la perspective, théorisées par Leon Battista Alberti. Fort de ces expériences florentines, il peint vers 1440-45 le Baptême du Christ (Londres, National Gallery), où l'énergie intense est basée sur de forts contrastes entre l'ombre et la lumière. En 1451, il peint une fresque votive pour Sigismondo Pandolfo Malatesta, au temple Malatesta de Rimini : la composition y est dominée par une raideur cérémonielle abstraite. L'année suivante, à la mort de Bicci di Lorenzo, peintre florentin, il remplace ce dernier dans la réalisation des fresques montrant la Légende de la vraie Croix, à l'église Saint-François d'Arezzo. D'autres œuvres sont proches de ces fresques : la Flagellation (Urbin, Galerie Nationale des Marches), la Vierge enceinte de Monterchi, et la Résurrection de San Sepolcro, où l'image triomphale du Christ semble reprise en écho par le réveil de la nature. A partir des années 60, il intensifie ses contacts avec la cour d'Urbin, centre de l'art intellectuel de l'époque pour son inspiration mathématique et rationnelle. Il y peint les portraits de Federico da Montefeltro et de Battista Sforza et la Sainte Conversation (Milan, Brera) ; ces œuvres reflètent sa connaissance de l'art flamand et sa nouvelle sensibilité pour la richesse des rapports chromatiques. Enfin, dans le milieu urbinate, il se consacre à la rédaction d'un traité sur la peinture, le De prospectiva pingendi, dans lequel il pose en termes scientifiques le problème du rapport harmonieux entre les formes et l'espace, en complément de ce qui est directement visible dans ses œuvres.



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Dès ses premières œuvres, on voit que Piero della Francesca privilégie les couleurs claires et lumineuses qui viennent probablement de sa formation florentine auprès de Domenico Veneziano. Il adopte sans l'ombre d'un doute les canons en vigueur à la Renaissance, puisqu'il applique les règles de perspective qu'il souligne en situant les scènes dans le cadre de majestueuses architectures de goût classique. Piero tend à réduire les figures à des formes idéales, solides et droites comme des colonnes ; il se montre par ailleurs très attentif au niveau de la représentation des détails et du paysage. Or, cette dernière caractéristique lui vient en droite ligne des œuvres des peintres flamands qui se trouvaient à la cour de Ferrare et d'Urbin. Les œuvres de Piero della Francesca sont riches en symboles et en significations cachées, ce qui laisse supposer qu'elles s'adressaient aux commettants cultivés des cours seigneuriales italiennes.

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Le paysage, véritable protagoniste de la représentation, occupe plus de la moitié du tableau.

La ligne d'horizon est située en hauteur, de sorte que la scène de bataille est représentée en vertu d'une vision à vol d'oiseau.

On ne distingue les deux armées qu'à partir de leurs enseignes et de la direction opposée des lances.

Le champ de bataille est délimité dans sa partie inférieure par une étendue herbeuse d'où affleurent quelques rochers.

La lumière provenant de droite n'éclaire que quelques façades des édifices retranchés figurant au deuxième plan, sur la montagne, et représentés en axonométrie.

Le mouvement de la bataille est amplifié par le ciel de bourrasque.
Dans la partie supérieure, la plaque accrochée de guingois a l'air elle aussi agitée par le vent, de même que les étendards flottants.

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Ce tableau est encore aujourd'hui très suggestif et riche en significations cachées, éclaircies en partie seulement. La Conversation Sacrée se déroule dans une grande architecture Renaissance rappelant une église, ornée de grands panneaux de marbre.

Dans la cuvette de l'abside, en forme de coquillage, est suspendu un œuf d'autruche, emblème chargé de sens, évoquant la naissance et la résurrection du Christ, ainsi que la maternité de Battista Sforza, commanditaire du retable avec son mari Frédéric de Montefeltro.

On reconnaît le duc dans le soldat armé agenouillé devant la Vierge ; devant le trône de la mère de Dieu, le puissant seigneur a déposé son bâton de commandement.

Le pivot de la composition est l'Enfant Jésus endormi, dont le sommeil préfigure la crucifixion.

En vertu d'une iconographie qui s'affirme à la Renaissance, l'Enfant Jésus est nu et porte un collier de corail autour du cou.

Dans la troupe nourrie d'anges et de saints qui entourent la Vierge, on peut voir à gauche l'effigie de saint Bernardin de Sienne, protecteur de l'église à laquelle le tableau était destiné.

A côté de lui, saint Jérôme qui frappe sa poitrine d'une pierre en signe de pénitence, et saint Jean-Baptiste.

De l'autre côté figure sain François qui montre les marques des stigmates.

Derrière lui on entrevoit la tête massacrée de saint Pierre, martyr dominicain, tandis qu'à côté de lui figure un évangéliste.

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Le tableau est peint dans le respect de la perspective, avec un point de fuite central, situé à la hauteur des yeux de la Vierge.

Il avait sans doute des dimensions plus importantes, et toute la scène convergeait vers le point où figure l'œuf d'autruche.

La Vierge figure exactement à la verticale de l'œuf, et son visage ovale reproduit la forme parfaite qui la surplombe.

L'harmonie de la composition dérivait de la répétition d'un schéma circulaire, évident surtout dans l'architecture.

En effet, la disposition des saints autour de la Vierge fait écho à la structure semi-circulaire de l'abside.

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Ce tableau devait être placé sur le maître-autel de l'Oratoire de Saint-Bernardin, construit selon des canons renaissants par Francesco di Giorgio.

L'intérieur de l'oratoire, avec de grands arcs en plein cintre encadrant l'espace de l'abside et des chapelles latérales, présente beaucoup d'affinités avec l'architecture représentée par Piero dans le retable de Brera.

Piero della Francesca travailla longtemps pour les seigneurs d'Urbin, et réalisa différentes œuvres, parmi lesquelles la Flagellation, actuellement à la Galerie Nationale de la ville.

Le peintre exécuta un double portrait des deux époux, Frédéric de Montefeltro et Battista Sforza, actuellement aux Offices.

L'invention de Piero della Francesca, qui consiste à situer la conversation sacrée destinée à l'église Saint-Bernardin dans une grande niche architecturale sera amplement reprise par les peintres vénitiens de la fin du XVe siècle, comme le démontre le retable de San Giobbe peint par Giovanni Bellini.

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