Michel-Ange, Michel-Angelo Buonarroti, dit (Caprese, 1475- Rome, 1564)
Le jeune Michel-Ange, descendant d'une vieille famille florentine, commence des études humanistes, mais il manifeste bien vite un extraordinaire penchant artistique, qui le pousse à préférer entrer comme apprenti dans l'atelier de Domenico Ghirlandaio. A Florence, il entre dans le cercle d'intellectuels rassemblés autour de Laurent de Médicis. Il a ainsi l'occasion entre autres d'étudier la statuaire antique dans les collections du prince. Les dessins imités des oeuvres de Giotto ou de Masaccio, ainsi que ses premiers ouvrages de sculpture (Madone de l'échelle et Combat des centaures, Florence maison Buonarroti) illustrent déjà les tendances du jeune artiste. Michel-Ange s'éloigne de Florence en 1494, pour se rendre d'abord à Bologne, puis à Rome à partir de 1496. Au cours des dix premières années de son activité romaine, il s'affirme, à moins de trente ans, comme un des plus grands artistes de son temps : avec la Pietà sculptée pour la basilique Saint-Pierre, c'est de cette époque que datent le Tondo Taddei (Londres, Royal Academy), la Vierge à l'Enfant dite Madone de Bruges, et le David (Florence, Galerie de l'Académie). En 1505, l'artiste reçoit la commande d'un tombeau grandiose destiné au pape Jules II, projet qui restera inachevé, après une phase d'élaboration longue et tourmentée. En 1506, après une série de malentendus avec Jules II, à propos de ce monument, Michel-Ange quitte Rome, mais est obligé de rejoindre le pape à Bologne, où il exécute une statue du souverain pontif, qui sera détruite quelques années plus tard. En 1508, le contrat pour la décoration de la voûte de la chapelle Sixtine au Vatican est passé ; les fresques seront exécutées en quatre années de travail acharné et solitaire. Michel-Ange invente une immense structure architecturale peinte, s'inspirant de la forme réelle de la voûte, où il introduit les figures des Prophètes et des Sibylles, autour des neuf épisodes de la Genèse dans la section centrale. Après la mort de Jules II, en 1513, l'artiste signe un deuxième contrat pour le tombeau du pape : il sculpte deux statues d'esclaves (Paris, Louvre) et le Moïse, destinés au monument qui, incomplet, sera conservé dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens à Rome. Dans les années 20, il travaille au chantier de l'église florentine de Saint-Laurent : il élabore non seulement la façade restée inachevée, mais aussi la nouvelle Sacristie, qui fait pendant à celle de Filippo Brunelleschi, et enfin la bibliothèque Laurentienne. Pour la sacristie, Michel-Ange sculpte les tombeaux des Médicis : la représentation de Julien et de Laurent de Médicis, au ton héroïque, atteint des sommets par la sobriété des formes et l'intensité de la réflexion sur la dignité humaine. Après le sac de Rome en 1527 et l'expulsion des Médicis de Florence, Michel-Ange joue un rôle important au sein du gouvernement de la République florentine ; en 1530, avec le retour de la famille des Médicis, il reçoit le pardon de Clément VII, qui l'appelle encore à Rome. A partir de 1536, il travaille à la réalisation grandiose du Jugement dernier et se charge de poursuivre les travaux de la basilique Saint-Pierre, où son empreinte est surtout visible dans la coupole. Les sculptures de ses dernières années, comme la Pietà Rondanini, sont le fruit d'intenses méditations sur le destin de l'homme. Michel-Ange y abandonne toute recherche de beauté formelle pour insister sur sa hantise du Salut. En effet, sa recherche figurative a des correspondances précises avec sa réflexion philosophique et poétique : dans sa personnalité multiple et intense, on peut voir comme la synthèse de l'ample parabole de la Renaissance.
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Peintre, sculpteur et architecte, Michel-Ange représente l'apogée de l'art de la Renaissance. Il étudia attentivement le corps humain, mais s'éloigna de toute représentation naturaliste pour élaborer un langage personnel fortement influencé par l'étude de l'Antiquité. Ses figures traduisent ses idéaux formels et se caractérisent par leur puissante musculature qui atteste son goût pour la sculpture. Au fil du temps, Michel-Ange élabore des compositions de plus en plus chaotiques où les corps prennent des positions affectées et exacerbées ; or, cet aspect de l'artiste sera repris et développé par les peintres dits maniéristes. La puissance et le "terrible" des inventions michelangélesques, toujours centrées sur la figure humaine, sont encore plus amplifiées en peinture en raison de l'emploi d'une chromie peu naturelle et voyante.
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Cette œuvre fut réalisée à Florence vers 1504 à l'occasion du mariage entre Agnolo Doni et Maddalena Strozzi.
Ce tableau, connu sous le nom de "Tondo Doni", constitue un des rares exemples de peinture sur chevalet dû à Michelangelo Buonarroti, artiste qui se consacra surtout à la technique de la fresque.
Michel-Ange, très célèbre également comme architecte et comme sculpteur, se fait l'interprète dans ses œuvres des valeurs idéales du classicisme romain cultivées par les hommes de la Renaissance.
Mais dans la grandeur et le dynamisme de ses figures, l'artiste exprime aussi la tension morale qui a caractérisé son époque.
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La forme circulaire du tableau nous fait comprendre que l'œuvre était destinée à la dévotion privée.
Le thème de la Sainte Famille est en harmonie avec la circonstance pour laquelle le tableau fut peint, c'est-à-dire le mariage entre Agnolo et Maddalena Doni.
La Vierge est assise par terre, selon une iconographie d'origine médiévale qui représentait Marie comme Madone de l'humilité.
La composition est très dynamique : la Vierge est représentée au moment où elle reçoit l'Enfant Jésus des mains de Joseph.
Aussi bien le corps de la Vierge que celui de l'Enfant sont caractérisés par une forte musculature, qui les rapproche davantage de la sculpture.
Derrière le groupe figure saint Jean-Baptiste enfant, reconnaissable à son vêtement de peau de chameau.
Saint Jean figure sur un autre plan, pour souligner la séparation entre l'époque de l'Ancien Testament, qu'il incarne, et celle de la Rédemption, représentée par la Vierge et l'Enfant Jésus.
A l'arrière-plan, les hommes nus représentent probablement l'humanité avant qu'elle n'ait reçu de Dieu les tables de la loi.
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La composition du groupe représentant la Sainte Famille suit un mouvement en spirale, en harmonie avec la forme circulaire du tableau.
Les trois personnages forment une seule masse, que l'on peut schématiquement réduire à un triangle dont le sommet correspond à la tête de saint Joseph.
La verticalité de la composition est compensée par la ligne droite qui délimite au deuxième plan l'espace occupé par la Sainte Famille.
La division entre les trois époques de l'humanité - l'époque païenne, celle de la Bible, puis celle de la Rédemption - est traduite visuellement par les trois espaces bien distincts dans lesquels la scène est subdivisée.
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Lorsque Michel-Ange peignit le "tondo" Doni, vers 1504, il avait déjà exécuté d'autres œuvres de même format, mais sculptées. L'une d'entre elles est le "tondo" Pitti, conservé au Musée du Bargello à Florence, et qui remonte à l'année précédente, 1503.
Au cours de ces mêmes années, il commença à travailler à une grande fresque représentant la Bataille de Cascina, qu'il aurait dû réaliser dans le Palazzo Vecchio de Florence, en concurrence avec Léonard de Vinci.
Les différences dans les conceptions artistiques de ces deux grands artistes apparaissent à la simple comparaison entre le "tondo" Doni et le tableau représentant Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant du musée du Louvre, peint par Léonard de Vinci au cours de ces mêmes années.
L'éclat des couleurs adoptées par Michel-Ange, récemment redécouvertes aussi dans les fresques de la chapelle Sixtine à Rome, influencèrent tous les peintres du début du XVIe siècle, parmi lesquels Rosso Fiorentino et Pontormo.