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Mario Sironi

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Formé à Rome, à la Libera Scuola di Nudo, puis à l’atelier d’Umberto Balla, Mario Sironi commença son activité artistique dans le climat divisionniste du début du siècle, tendance qu’il renia par la suite, détruisant alors toutes ses œuvres de jeunesse. Après s’être installé à Milan et avoir effectué plusieurs voyages en Europe, qui le conduisirent à Paris et en Allemagne, le maître adhéra au futurisme en concentrant surtout son intérêt sur la représentation des villes et de la société industrielle. C’est de cette époque que datent des œuvres telles que Le camion, de 1914 (Coll. Jesi, Milan). Enrôlé comme volontaire durant la guerre, le peintre fait partie des membres fondateurs du groupe des Pittori del Novecento (Peintres du XXème siècle), en 1922, mouvement organisé par Margherita Sarfatti. Commence alors l’époque de ses nombreux tableaux représentant des Paysages urbains, époque durant laquelle un style essentiel des formes et une peinture monumentale s’affirment progressivement dans son œuvre. Le peintre, qui attribue à la peinture une fonction éthique et civile, se consacre, à partir des années 1930, à l’organisation d’expositions et encourage la peinture murale en réalisant de grandes entreprises décoratives dans l’Aula Magna de l’université de Rome (1935), au Palais de Justice de Milan (1936), et au Palais des Postes de Bergame (1938).
Après la guerre, les commissions publiques se faisant plus rares, il revient sur les thèmes des périphéries urbaines, enrichies cependant d’un chromatisme printanier. Elu en 1956 membre de l’Accademia di San Luca, à Rome, le peintre mourut à Milan en 1961.

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Son activité picturale primitive de style divisionniste ayant disparu, la peinture de Sironi se fait connaître à partir de l’adhésion de l’artiste au futurisme, tendance dont Sironi offre toutefois une interprétation personnelle centrée surtout sur le rapport volume-espace et sensible au cubisme de Fernand Léger. Des thèmes du futurisme, Sironi développe surtout celui de la réalité industrielle, représentant les périphéries des villes, les paysages urbains dominés cependant par une note mélancolique qui revient aussi dans les scènes d’intérieur. La redécouverte de la peinture monumentale, correspondant et s’opposant sur le plan idéologique aux murals des peintres mexicains, accroît sa tendance innée pour les figures massives et simplifiées, les vastes perspectives et la clarté au niveau de la composition. Les thèmes illustrés par le peintre - le travail, les combattants, les constructeurs, ainsi que de nombreuses images allégoriques - soulignent la fonction civique et éducative attribuée à l’art par Sironi.

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Les villes industrielles, les banlieues, sont des thèmes que Mario Sironi aborde fréquemment dans ses toiles, en donnant aux décors désolés de la modernité la dignité de l'antique. La toile présentée ici a été peinte vers 1922, et c'est une des premières œuvres de Sironi ayant pour sujet des paysages urbains. Après s'être éloigné du Futurisme, mouvement dont il offrit une interprétation toute personnelle, Sironi se tourne vers la récupération de modèles de composition et de formes relevant de la tradition italienne, en harmonie avec les tendances culturelles promues par le mouvement italien du Novecento, dont il fit partie. C'est justement une des promotrices de Novecento, Margherita Sarfatti, qui acheta ce tableau appartenant actuellement à une collection particulière.

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Solitude, mélancolie et architecture sont les éléments qui composent ce paysage urbain.

Cheminées fumantes et grues se détachent sur le fond d'un quartier désert, encore en construction.

Les bâtiments sont dépourvus de tout ornement ou élément superflu ; les portes et les fenêtres sont pareilles à des fentes sans persiennes ni battants.

L'humanité, submergée par la puissance de la civilisation industrielle, joue dans ce tableau un rôle tout à fait secondaire. La seule figure humaine visible occupe une position marginale et elle est rendue par quelques lignes sommaires près d'une voiture.

L'homme et la voiture restent dans la pénombre, tandis que les tons s'éclaircissent progressivement vers le haut, pour aboutir à la seule tonalité brillante utilisée par le peintre, le bleu intense du ciel.

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L'agencement de l'espace est complexe et articulé sur des diagonales qui s'entrecroisent.

Les bâtiments sont en forme de parallélépipèdes faits de superpositions de solides qui donnent parfois naissance à des structures bizarres, comme la construction au premier plan à gauche. 

Les règles de la perspective ne sont pas respectées. L'homme et la voiture sont vus de haut, tandis que les bâtiments à l'arrière-plan sont vus de face et donnent l'impression qu'on se trouve devant une rue en pente.

L'ordonnancement de l'espace et sa dilatation sont le fruit d'une vision axonométrique des édifices.

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La sobriété des formes qui caractérise la peinture de Sironi a sa principale source d’inspiration dans la tradition artistique italienne des XIVe et XVe siècles. Un coup d’œil sur les édifices reproduits par Ambrogio Lorenzetti dans les fresques du Palais Public de Sienne met en évidence une même façon de représenter les constructions en raccourci.

La réalité industrielle est un thème qui avait déjà stimulé la créativité des peintres du XIXe siècle, selon des modalités bien sûr différentes. Parmi ceux-ci, rappelons Gustave Courbet, promoteur du réalisme, Edgar Degas, qui raconte le dur labeur des repasseuses, Vincent van Gogh, qui décrit sur un ton halluciné les Mangeurs de pommes de terre.

L'atmosphère silencieuse et inquiétante qui règne dans le tableau de Sironi trouve un répondant dans les décors fantastiques de Giorgio De Chirico et des autres artistes adhérant à la peinture métaphysique, mouvement dont Sironi aussi s’était rapproché vers 1919. 

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