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Le Gréco, Domenico Theotokopulos, dit (Héraklion, 1541 - Tolède, 1614)



D'origine crétoise, Le Gréco séjourne entre 1566 et 1570 à Venise, où il a l'occasion de connaître Titien et surtout le Tintoret, dont la peinture dramatique et intense l'influencera nettement, comme le démontre par exemple la Guérison de l'aveugle (Parme, Galerie Nationale). En 1570, des documents le signalent à Rome, où il a l'occasion de prendre connaissance des principaux phénomènes qui ont marqué l'art italien du XVIe siècle ; il y exécute des oeuvres comme le Portrait de Giulio Clovio (Naples, Capodimonte). Il revient à Venise en 1573, et il y reste jusqu'au moment où il s'installe en Espagne, peut-être dans l'espoir de participer aux travaux de l'Escorial. En 1577, Le Gréco établit donc sa résidence à Tolède, où il reste jusqu'à sa mort ; dans la ville, centre artistique encore très riche, il atteint l'apogée de son art en se mesurant à la culture austère de la Contre-Réforme. La production espagnole de cette période comprend La Trinité et le Baptême du Christ (tous deux à Madrid, Prado), tandis qu'un des témoignages les plus frappants de l'imagination visionnaire du peintre se situe à une époque ultérieure, vers 1586 : l'Enterrement du comte d'Orgaz. A la finn de sa vie, Le Gréco approfondit la réflexion qui l'amène à un détachement progressif par rapport à sa culture Renaissance, avec des images qui ne sont plus construites rationnellement, mais créées par de violentes tensions de la couleur et de la lumière. Des exemples de ce style sont l'Adoration des bergers du Prado, l'Assomption (Tolède, Musée de Santa Cruz) ou la Vue de Tolède (New York, Metropolitan Museum), sombre et nocturne, emblématique de la force visionnaire de l'artiste.

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Le style original et insolite du Greco plonge ses racines dans la tradition des peintres d'icônes de l'Orient chrétien et dans la recherche des coloris intenses que le maître pratiqua pendant les années passées à Venise dans l'atelier de Titien alors très âgé. Toutefois, le style du Greco n'arrive à maturité qu'après son retour en Espagne, car sa peinure devient alors plus libre et plus spontanée. Les figures allongées et hallucinées seraient dues, suivant certaines interprétations, à un défaut de la vue du peintre. Toutefois, il est plus vraisemblable qu'elles soient liées au style affecté du maniérisme international. Les grandes compositions très dramatiques de Domenico Theotokopoulos ont généralement été interprétées comme la traduction efficace du sentiment religieux de l'Espagne de l'époque.

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Cette grande toile fut exécutée à Tolède ente 1586 et 1588 par Domenico Theotokopoulos, peintre crétois mieux connu sous le nom du Greco. 

Les oeuvres de cet artiste se caractérisent par un langage très personnel, qui puise dans le luminisme et la sensibilité chromatique de Titien et du Tintoret, mais qui se charge aussi de tonalités hallucinatoires particulièrement expressives dérivant probablement de sa connaissance des peintres de l'Europe du Nord.

Après un long séjour en Italie, entre Venise et Rome, le peintre arriva en Espagne où sa peinture si personnelle fut toutefois peu appréciée du roi Philippe II.

Ce fait poussa probablement le peintre à choisir comme résidence la ville de Tolède, où il exécuta de nombreuses oeuvres, presque toutes à caractère religieux.

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Ce tableau représente l'enterrement miraculeux de Gonzalo Ruiz, comte d'Orgaz et bienfaiteur de la communauté religieuse de Tolède, mort en 1323. La légende raconte que, tandis qu'on célébrait les funérailles du gentilhomme, les saints Étienne et Augustin firent leur apparition pour déposer eux-mêmes la dépouille du comte dans le tombeau.

Saint Étienne est reconnaissable dans le jeune diacre représenté sur la gauche, dont la dalmatique montre la scène de lapidation qu'il subit en tant que martyr.

Le saint soulève le corps sans vie du comte d'Orgaz, soutenu aussi par saint Augustin, qui porte ses habits d'évêque.

L'âme de Gonzalo Ruiz est emmenée au ciel par un ange, tandis que dans la partie supérieure figurent réunis devant le Christ la Vierge, saint Jean Baptiste, saint Pierre et une troupe nourrie de saints et de bienheureux qui intercèdent pour cette âme.

Il faut sans doute voir dans cette représentation un rappel du culte catholique pour les saints, contesté par les réformateurs protestants, et réaffirmé au contraire avec vigueur par l'église romaine à l'époque de la Contre-Réforme.

Parmi la foule des bienheureux, Le Greco a aussi représenté le roi d'Espagne Philippe II, reconnaissable à son visage désormais vieilli, engoncé dans son jabot.

L'événement miraculeux est ramené dans une dimension plus terrestre par la présence de nombreux spectateurs, portant des vêtements rigoureusement modernes, comme le comte d'Orgaz lui-même.

Très probablement, Le Greco a représenté dans les visages de ces personnages des individus réels : l'homme à la barbe blanche figurant de profil sur la droite est sans doute l'homme de lettre Antonio de Covarrubias, ami du Greco; tandis que dans l'homme sur la gauche, qui regarde vers le spectateur il faut peut-être reconnaître un autoportrait du peintre lui-même.

Le commanditaire de ce grand tableau, Andrez Nuñes, curé de l'église de Santo Tomè, serait par contre le prêtre qui célèbre le rite à droite du tableau.

Le Greco a signé son tableau sur le mouchoir blanc qui sort de la poche du jeune garçon représenté à gauche.

L'inscription porte aussi une date, 1578, qui ne correspond pas à l'époque où la toile a été exécutée, puisque celle-ci remonte à dix années plus tard. Selon une opinion répandue, cette date serait celle de la naissance du fils du peintre, Jorge Manuel, dont le jeune garçon serait alors le portrait.

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Le tableau est nettement séparé en deux parties par la ligne horizontale tracée idéalement par les têtes et les jabots des spectateurs.
Cette ligne imaginaire sépare l'espace divin de la réalité terrestre.

La position des figures du Christ et des saints dans la partie supérieure suit la forme de la toile.

La troupe des bienheureux est disposée en demi-cercle, ce qui donne plus de profondeur à la scène.

En bas du tableau, l'impression de profondeur est donnée par l'agencement des figures sur des plans parallèles.

Le geste des deux saints qui déposent le corps dans le sépulcre laisse supposer l'existence d'un sarcophage encore plus bas, en dehors du cadre, ce qui donne à l'image plus de force et de suggestion.

La participation émotive du spectateur est sollicitée également par les regards du jeune garçon et ceux d'une des figures du deuxième plan, sans doute Le Greco lui-même : en regardant vers nous, ils attirent notre attention sur le miracle qui est en train de s'accomplir.

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Ce tableau est marqué par le style visionnaire et incomparable du Greco, qui réalisa en Epagne de très nombreuses oeuvres ayant pour sujet la Vierge et les saints, dans lesquelles l'intense sentiment religieux semble transfigurer les formes.

L'utilisation de coloris acides et criards fut probablement suggérée au Greco par les oeuvres de Jacopo Bassano, admirées au cours de son séjour vénitien, en même temps que celles du Tintoret et du Titien.

En revanche, les formes allongées et irréelles trouvent leur correspondance dans les modèles du maniérisme international qui prévalait en Europe vers le milieu du XVIe siècle.

Ce tableau illustre entre autres le grand talent de portraitiste du Greco, qui réalisa de nombreuses toiles de ce genre, intenses et angoissantes.


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