L'Assommoir Émile ZOLA 1876
C’est par ce « roman ouvrier », prévu dès les premières notes des Rougon-Macquart, que Zola a conquis la célébrité.
Il l’a conçu dans le dessein de corriger les images conventionnelles que la littérature donnait du peuple : «On nous a montré jusqu’ici les ouvriers comme les soldats sous un jour complètement faux. Ce serait faire œuvre de courage que de dire la vérité et de réclamer, par l’exposition franche des faits, de l’air, de la lumière et de l’instruction pour les basses classes. » Il s’agit d’un monde que Balzac a ignoré et dont le développement de Paris sous le Second Empire, a aggravé les problèmes.
L’action se passe à Paris dans le quartier de la Goutte-d’Or, qui, aujourd’hui encore, abrite bien des parias. C’est l’histoire de la dégradation et de la chute de l’ouvrier parisien, victime des conditions de vie qui lui sont faites. Dans le roman, cette nouvelle forme de fatalité, méconnue jusqu’alors de la littérature, prend bien plus d’importance que l’hérédité dont Zola se promettait à l’origine d’étudier le rôle. Elle est symbolisée par le cabaret du père Colombe qui donne son nom au livre.
L’héroïne principale est Gervaise Macquart. «Montée» de Plassans à Paris avec Lantier, son amant, un fainéant, elle se trouve abandonnée par lui avec deux enfants. Elle lutte pour sortir de la misère, travaille comme blanchisseuse, épouse un zingueur, Coupeau, et ouvre une boutique à son compte. Mais un accident du travail immobilise Coupeau qui prend l’habitude de l’oisiveté, fait société avec Lantier reparu, l’installe chez lui, et mange et boit la boutique que tient sa femme. Gervaise cède à l’avachissement, se met à boire aussi, et tombée dans le dénuement le plus complet, en est réduite à tenter de se prostituer tandis que Coupeau meurt de delirium tremens à l’hôpital.
Zola a révélé la grandeur épique du Paris ouvrier. Le flux et le reflux des foules de travailleurs entre les ateliers et les quartiers de taudis, le rythme du travail et des pauvres plaisirs, l’avilissement collectif par la misère sont constamment présents derrière les protagonistes. De nombreux personnages secondaires — compagnons de bordée de Coupeau comme «Mes Bottes» ou « Bibi la Grillade », habitants de la « grande maison » de la Goutte-d’Or, voisins du quartier —, les rues, les cabarets, les bals, les choses mêmes comme l’alambic du père Colombe que Zola peint avec un talent de visionnaire, le style enfin qui exploite le langage populaire et argotique non seulement dans les dialogues mais dans les narrations; tout contribue à la force de cette peinture qui a parfois effrayé, tant ces images du monde ouvrier étaient nouvelles.