JEU l'initiation (Le symbole de...)
JEU l'initiation
A l’origine, les jeux, tout en constituant un rite social, avaient un caractère sacré et tendaient à assurer la victoire du bien sur le mal, des dieux sur les démons. Un papyrus de l’An VII raconte une partie de brette ayant pour enjeu le Livre de Toth, jouée entre un vivant et un mort, sur des planchettes divisées en compartiments sur lesquels on déplace des pièces nommées chiens et chacals.
• Dans la Grèce antique, les jeux publics (lutte, course, pugilat, courses de chars, combats de gladiateurs...) célébrés en l’honneur des divinités, obéissaient eux aussi à des règles précises rappelant les points de la loi divine. Les courses de chevaux dans un cirque ovale et les 12 tours de piste des quadriges symbolisaient la ronde des planètes dans le ciel.
• De nombreux jeux sont la répétition de la cosmogonie et ont pour but de contribuer à soutenir la cohésion de l’univers. Les équipes portent sur leurs épaules le poids du monde, et de leur performance dépend le sort du peuple sinon de l’humanité.
Ainsi, l’agencement du Mât ou Jeu de voltige des Quiché de l’Amérique Centrale, qui dramatise un épisode du Popol-Vuh (ensemble de leurs traditions), est intimement lié au mythe de la création. Des jeunes gens perchés (hommes oiseaux), accroupis dans un tambour giratoire fixé au sommet du mât, se lancent dans l’espace et décrivent des spirales de plus en plus larges jusqu’à ce qu’ils touchent le sol. L'ensemble en plein mouvement représente, en outre, la figuration chronographique d'une roue giratoire qui se projette du cadre cosmique et gravite autour de l'axe de l'univers, montrant ainsi schématiquement l'image d'un cercle qui entoure le cadre du monde.
Ce jeu est comparable au jeu des hommes volants ou volador des Mexicains qui avait pour but de favoriser la végétation des jeunes pousses de maïs.
• Le ti-khi laotien, ancêtre du jeu de mail qui passionna les rois de France, se déroule obligatoirement le 15e jour du 12e mois à la lune croissante et a pour but de garantir la paix et la richesse au pays pour l’année (79-36).
• Depuis les temps les plus reculés, la balle, faite à l’image du Soleil, dieu créateur, fut un objet sacré : associée dans la Chine ancienne et plus tard dans la Grèce antique (sous le nom de sphaera ourania = sphère céleste) aux jeux amoureux précédant le mariage...
• Le jeu de paume aztèque ou tlachtli, joué sur un terrain en forme de H, consiste à faire passer, sans utiliser les mains et les pieds, une balle de caoutchouc d’un camp à un autre à travers un cercle de pierre placé haut dans un mur au centre du terrain. Le mouvement de va-et-vient de la balle symbolise le circuit du soleil; les joueurs figurent les puissances diurnes et nocturnes, le jeu est la répétition du mythe solaire (lutte entre Quetzalcoatl-dieu solaire et Tezcatlipoca-dieu de la nuit, entre la vie et la mort).
• Le mât de Cocagne au sommet duquel étaient accrochées des victuailles se rapproche également du mythe de la conquête du ciel, le poteau symbolisant l’axe du cosmos, l’arbre cosmique, l’Arbre du Milieu de la Chine, le pilier central reliant le ciel à la terre, le parcours du chaman pendant son ascension.
• De même, les jouets étaient consacrés aux dieux, servaient de support aux pratiques magiques ou à la divination (osselets, hochets...). Dérivée du menhir et du bâton, la poupée servait autrefois de réceptacle à l’âme des défunts. Le cerf-volant était, en Extrême-Orient, un objet religieux de la plus grande importance, il figurait l’âme de l’Empereur... La toupie était assimilée à l’instrument de torture sur lequel le Christ fut supplicié : au Moyen Age, on faisait tourner des toupies géantes dans le chœur des églises en souvenir de la Passion.
• Les jeux de société sont eux aussi dotés d’un symbolisme remontant à la plus haute antiquité.
— Lepatolli mexicain, sorte de Jeu de l’Oie, dont le diagramme, une croix sectionnée en 52 cases, figure le nombre d'années du cycle divinatoire et solaire.
— L'awalé africain, réservé aux guerriers et aux prêtres, qui se joue sur une table appelée l’arche sacrée consistant à faire circuler des billes autour de 12 trous, marche assimilée à la course des étoiles dans le ciel.
— Le go ou wai K’i, jeu le plus célèbre de l’Extrême-Orient, autrefois l’un des 4 jeux royaux avec la harpe, la calligraphie et la peinture, est un microcosme: le damier (identique à une grille de mots croisés) sur lequel on pousse des pions est le symbole de la mappemonde céleste ; les 361 points d’intersection symbolisent les astres; les angles correspondent aux 4 saisons et les 72 intersections du périmètre à la durée d’une vie humaine.
Jeu de stratégie axé sur l’art de la combinaison, dont l’issue est la vie ou la mort d’un territoire, le go offre un excellent moyen de dépasser les conflits mondiaux et personnels en les transposant dans un affrontement pacifique déterminant la voie juste (79-104).
— Les jeux ayant un diagramme pour support ont une fonction initiatrice et évoquent le mandata indien, symbole du cosmos, comportant des épreuves parsemées le long d’un parcours identique à celui de la vie humaine et l’acceptation de règles.
— Le jeu de l’Oie possédait à l’origine une signification ésotérique : sa structure en spirale symbolise l’éternité, le mode d’enroulement du code biologique de l’A.D.N. Sa division est basée sur le septénaire (le sept est le nombre de la création) : 63 cases et 7 séquences (l’être humain se métamorphose tous les 7 ans), la 63e case, le jardin de l’Oie correspond à l’arrivée. D’autre part, l’oie, qui était un animal oraculaire, invite à la vigilance devant le danger figuré par les obstacles : pont, labyrinthe, prison, puits au centre de la spirale dans la 31e case, selon les spécialistes de la Kabbale, ce nombre indique une conception cosmique de l'homme. D’autres voient dans le jeu les 4 éléments, les 6 métaux, les 3 principes et les «portes cabalistiques de la connaissance».
• La marelle dont le tracé n’a guère varié depuis des siècles (noms des cases : reposoir, lune, enfer, ciel, paradis) conserve un symbolisme proche du labyrinthe minoen, qui porte des signes en rapport avec les principes astronomiques admis et sa structure pure symbolise l'accomplissement, le terme.
• Le jeu de cache-cache remonte au mythe des Bacchantes parties à la recherche de Dionysos... Au Moyen Age, on pratiquait une cérémonie appelée « la Flagellation de l’Alléluia » pour commémorer la Passion du Christ : on faisait tourner des toupies dans le chœur des églises et les enfants les chassaient à coups de fouet.
• En Inde, la balançoire est le symbole du mouvement tournoyant du cosmos au sein duquel naissent et disparaissent tous les êtres vivants. Utilisée au cours d’une cérémonie annuelle par un officiant qui aidait le soleil à remonter, son trajet, qui reliait le ciel et la terre, était associé à la pluie, à la fécondité et au renouveau de la nature.
• Le cerf-volant qui, en Asie, désigne les randonnées de l’âme, des fantômes, est attaché au mythe de la conquête du ciel en Polynésie.