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Jackson Pollock

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Influencé par les rituels de l’art des Indiens d’Amérique qu’il a connus durant une jeunesse passée en Californie et en Arizona, Jackson Pollock suivit les cours de peinture à l’Art Students’ League de New York, à partir de 1929. L’attention du jeune artiste fut tout d’abord attirée par la peinture des réalistes mexicains Siqueiros et Orozco, très connus aux Etats-Unis dans les années précédant la Deuxième Guerre mondiale, pour se rapprocher par la suite de Picasso et des surréalistes. L’artiste révèle dès le début une sensibilité particulière envers les valeurs chromatiques et celles de la matière, comme le mettent en évidence ses tableaux les plus anciens comme Flamme, de 1937 (Coll. Pollock, New York). La fascination de la culture aborigène américaine, basée sur la magie et sur les rites, pousse Pollock à intégrer dans sa peinture l’art et la culture indiens à travers des éléments comme le totem, figure qui apparaît souvent dans les tableaux réalisés jusqu’en 1946, dans un style surréaliste (Les gardiens du secret, Museum of Modern Art, San Francisco ; La louve, 1943, Museum of Modern Art, New York). Tout de suite après la guerre, Pollock expérimente la technique du “dripping”, réalisant des œuvres en faisant tomber des gouttes de couleur sur la toile et donnant ainsi naissance à ce que les critiques qualifieront plus tard d’“action painting”. C’est à cette période que remontent des œuvres comme Le bois enchanté (Musée Guggenheim, Venise), Yeux dans la chaleur I (Musée Guggenheim, Venise), Numéro 7 (Staatsgalerie, Stuttgart), Ombres (Coll. privée, New York) qui consacrent Pollock comme l’un des plus importants représentants de l’informel.

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La renommée de Jackson Pollock est liée au langage élaboré par le maître durant la dernière phase de sa création et qui se rattache à cette tendance particulière de l’art abstrait que l’on appelle “informelle”. Aux Etats-Unis, celle-ci trouve précisément en Pollock et en De Kooning ses plus célèbres représentants. Partant de l’automatisme du langage adopté par les surréalistes, Pollock se laisse guider dans sa création par le hasard et par l’inspiration du moment, donnant naissance à des œuvres exécutées rapidement et dont le résultat final n’est pas prévisible, tout comme les improvisations des musiciens. Le geste est essentiel dans les œuvres de Pollock qui fait goutter les couleurs sur la toile en se mouvant au-dessus d’elle, créant ainsi ce que l’on a appelé l’“action painting”. Tout résidu de représentation figurative ayant disparu, l’œuvre se présente comme un ensemble de signes qui sont le témoignage de la liberté créatrice de l’artiste, qui n’est plus conditionné par la forme.

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Ce grand tableau, exécuté par Jackson Pollock en 1947, remonte à la période la plus féconde du parcours artistique de ce peintre américain, un des plus célèbres représentants du courant informel aux Etats-Unis. L'importance de la peinture de Pollock, appelée "expressionnisme abstrait", ou encore "action painting", provient de ce qu'elle a orienté différemment l'attention, de l'œuvre d'art à l'artiste, en donnant le plus grand relief au geste créateur du peintre. Le tableau est donc la conséquence d'une gestualité instinctive de l'artiste, dont le résultat n’est pas pré-défini. Il s'agit d'une peinture instinctive, dominée par l'émotion et par le sentiment, comparable à une improvisation musicale.

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La toile est couverte de taches de couleurs que le peintre a laissé couler de façon tout à fait accidentelle sur la toile. Les coulées tracent des lignes ondulées, qui nous permettent de remonter aux mouvements accomplis progressivement par l'artiste au cours de l'exécution de l'œuvre.

La succession des lignes courbes donne l'idée du mouvement et de la durée nécessaire à l'exécution du tableau, réalisé rapidement par l'artiste. La ligne devient illustration de l'énergie.

Le blanc de la toile perd sa fonction de fond pour ne devenir lui aussi qu'une tonalité chromatique alternant avec les lignes rouges, noires, marron. Toile et peinture deviennent donc des parties d'un tout unique, d'où toute référence à l’espace est abolie.

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Ce tableau, dépourvu de sujet, se distingue d'autres manifestations de l'art abstrait par l'absence totale de formes lisibles et définissables. De plus, la composition n'est agencée ni sur un principe de symétrie ni sur un centre précis, c'est-à-dire sur un point plus important que les autres, en mesure de catalyser l'attention du spectateur.

Le caractère fortuit de la composition dérive du dégoulinement des couleurs par une boîte percée de trous sur la toile, technique connue sous le nom de "dripping".

Pour obtenir ce résultat, Pollock avait besoin de toiles de plus vastes dimensions, comme celle qui est présentée ici et qui mesure plus de deux mètres de long, au-dessus desquelles il marchait en balançant son pinceau trempé dans de la peinture. L'œuvre est donc le résultat des déplacements et des gestes du peintre ; c'est pour cette raison que la peinture de Pollock a été baptisée "action painting". 

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L'informel est une tendance de l’art abstrait, langage qui a connu une large diffusion dans notre siècle, en permettant aux artistes de s’exprimer au-delà des limites du vraisemblable et du figuratif. On peut avoir une idée des infinies possibilités de l’abstraction en mesurant la différence profonde qui existe entre la peinture de Pollock et celle d’autres représentants de l’art abstrait, tels que Kandinsky ou Klee.

La force expressive qui émane de la technique et des toiles de Pollock ont amené certains critiques à qualifier son art d’”expressionnisme abstrait”, car proche, par sa portée émotive, de certaines œuvres réalisées par des peintres de l’expressionnisme européen, tels que Munch, Klinger ou Kirchner. 

L'expérience de Pollock ne constitue pas un cas isolé ; au contraire, elle s’insère dans une tendance qui s’est répandue aussi bien en Amérique qu’en Europe après la deuxième guerre mondiale, et à laquelle appartiennent également De Kooning, Rothko, Hartung, Fautrier, Burri.

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