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Goya y Lucientes, Francisco de (Fuendetodos, Saragosse, 1746 - Bordeaux 1828)

Peintre et graveur espagnol. Francisco Goya y Lucientes se forme à Saragosse auprès du peintre José Luzán. En 1771, de retour d'un voyage en Italie, il reçoit sa première commande importante, relative aux fresques de l'église de Nuestra Señora del Pilar à Saragosse, réalisées selon des canons encore baroques. En 1774, s'étant établi à Madrid, il obtient d'exécuter des cartons pour la Manufacture de tapisseries de Santa Barbara : les soixante peintures et plus (parmi lesquels L'Ombrelle, 1777, Madrid, Prado), produites en dix-huit ans, rencontrent les faveurs de la cour, si bien qu'en 1789, il est nommé peintre de chambre du roi Charles IV. Au cours des deux dernières décennies du siècle, son activité de portraitiste de personnages de la haute société est intense, personnages représentés avec une inquiétante pénétration psychologique et une précieuse palette : La Famille de l'infant don Luis (1783, Corte di Massiano, Parme, Fondation Magnani Rocca), La Duchesse d'Osuna (1788, Madrid, Prado), Ferdinand Guillemardet (1798, Paris, Louvre), la Tirana (1799, Madrid, Académie de San Fernando). Atteint de surdité après la grave maladie qui l'a frappé en 1792, Goya exécute les fresques extraordinaires du sanctuaire de San Antonio de la Florida à Madrid (1798) ; en même temps, il se consacre toujours plus assidûment à de petits tableaux représentant des scènes de folie, de fanatisme, et de sorcellerie. Dans les gravures des Caprices (1799), il exprime avec verve sa révolte contre toute superstition, cruauté, et oppression. Nommé premier peintre de la cour (1799), Goya peint la célèbre Famille de Charles IV (1800-01), Madrid, Prado) et quelques splendides portraits féminins : Doña Isabel Cobos de Porcel (1806, Londres, National Gallery), La Maja desnuda et La Maja vestida (1803-06, Madrid, Prado). Les gravures des Désastres de la guerre et la toile Fusillades du 3 mai 1808 (1814, Madrid, Prado), évoquent de façon dramatique la lutte contre les troupes de Napoléon et le martyre du peuple espagnol, à travers la condamnation de toute guerre et de toute violence. Pendant les années de la Restauration, l'artiste se retire près du Manzanares, dans sa maison de campagne, la "Quinta del sordo", dont il peint les murs avec les images tragiques et obsédantes des "peintures noires" (aujourd'hui à Madrid, Prado), reflet des visions d'un esprit angoissé. En 1824, il s'établit à Bordeaux, où il peindra encore la délicate Laitière de Bordeaux (Madrid, Prado).

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La diversité et les changements de registre narratif caractérisant les œuvres de Goya témoignent de sa formation éclectique, oscillant entre la peinture rocaille des maîtres italiens qui se trouvaient en Espagne au XVIIIe siècle et les idéaux néo-classiques. En outre, son évolution artistique subit également l'influence des cercles espagnols où se réunissaient les artistes du Siècle des Lumières. Ceux-ci étaient orientés vers une peinture qui s'intéressait à l'observation de la réalité. Or, cette influence est attestée dans les portraits réalisés par Goya. Après les premières œuvres légères et lumineuses de goût rocaille, le peintre se met à réaliser des œuvres satiriques qui dénoncent les vices de l'aristocratie et l'obscurantisme religieux. Ses peintures fantastiques représentant des sorcelleries annoncent certains aspects visionnaires de la peinture romantique. Dans la même direction romantique se situent les œuvres qui s'orientent vers des thèmes patriotiques et sentimentaux illustrant des faits de l'histoire espagnole de l'époque.

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La Maja desnuda est une des œuvres les plus célèbres de la peinture espagnole, autour de laquelle ont fleuri de nombreuses légendes liées au naturalisme sensuel qui caractérise ce nu féminin.

Le caractère audacieux de ce tableau mena son auteur, Francisco Goya, devant le tribunal de l'Inquisition.

L'originalité stylistique qui caractérise la manière de ce grand peintre espagnol ne permet pas de rattacher son art à un courant artistique précis.

L'éclectisme de Goya est évident dans sa capacité de concilier des inspirations d'empreinte rococo avec des éléments néo-classiques et un intérêt marqué pour la nature et le social, qui lui vint de sa fréquentation de cercles inspirés des Lumières.

La gamme des sujets affrontés par Goya est elle aussi assez vaste, depuis les portraits de la famille royale espagnole jusqu'aux caprices et aux cartons de tapisseries, depuis les scènes de sorcellerie jusqu'aux sujets religieux et à la peinture historique.

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Le tableau représente une jeune femme nue allongée sur un sofa. Le modèle iconographique rappelle la représentation habituelle de Vénus, sujet sous lequel cette œuvre est parfois identifiée dans les inventaires anciens.

Mais le réalisme avec lequel le corps féminin est représenté, caractérisé par une description minutieuse de l'anatomie qui n'a d'égal dans aucune des représentations idéalisées de la beauté féminine qui l'ont précédée, amène à penser qu'il s'agit du portrait d'une riche dame de la haute société espagnole.

L'hypothèse longtemps avancée qu'il pourrait s'agir de María Teresa Cayetana, duchesse d'Albe, noble dame plutôt libre d'esprit, avec qui Goya entretint des relations amoureuses, doit cependant être écartée, étant donné la diversité des traits du visage de la Maja par rapport à ceux de la duchesse d'Albe telle que Goya l'a représentée dans les portraits qu'il en a fait.

Le regard provoquant de la femme correspond à la posture nonchalante de son corps, dont la rondeur est marquée par les variations de la lumière.

La jeune femme est allongée sur un petit lit paré de draps et d'oreillers, dont Goya parvient à traduire l'impression tactile par le biais d'une peinture imprégnée de lumière.

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Par rapport au format horizontal de la toile, le corps de la femme coupe la surface en diagonale, s'installant dans l'espace avec aisance.

La coupe horizontale est reprise par le profil du sofa que l'on entrevoit au premier plan, en bas.

Le corps est animé par la légère torsion du bassin.

La figure est plutôt petite par rapport à la surface globale de la toile.

Le réalisme qui caractérise la description du corps féminin et la représentation des ombres projetées par la tête et par les bras de la jeune femme contraste avec le décor assez vague, dominé par un fond sombre.

La lumière, provenant d'un point situé sous le coin inférieur gauche éclaire violemment les étoffes et le buste de la femme, tandis que les jambes restent dans une pénombre plus nuancée.

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Ce tableau avait été réalisé comme pendant d'une autre toile de mêmes dimensions et format représentant La Maja vestida, elle aussi au Musée du Prado. Cet autre tableau, représentant la même femme dans la même position, mais vêtue de riches habits, était probablement une couverture destinée à cacher la peinture nettement plus scandaleuse, celle où figure le nu.

Malgré ses aspects naturalistes, La Maja desnuda de Goya est liée à la tradition iconographique portant sur l'illustration de sujets mythologiques, tels que Vénus ou Danaé.

L'intérêt marqué de Goya pour la réalité s'exprime également dans les nombreux portraits qu'il a peints, comme celui de la famille de Charles IV.

D'autre part, les œuvres plus tardives dénotent une propension progressive vers des accents plus dramatiques, évidents dans la représentation brutale et efficace du 3 mai 1808.

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