Giorgio Morandi
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Né à Bologne en 1890, Giorgio Morandi fréquenta l’Académie des Beaux-Arts de la ville où il obtint son diplôme en 1913. Cette même année, il se rendit pour la première fois en vacances à Grizzana, lieu d’inspiration des nombreux paysages peints par le maître tout au long de sa vie. L’existence en aparté menée par le maître conduisit Morandi à l’élaboration d’un langage formel personnel qui ne se rattache à aucun mouvement artistique spécifique, même si le peintre exposa d’abord avec les futuristes à Rome, en 1914, puis avec les artistes de Valori Plastici, autour de 1920, puis avec le groupe de Novecento Italiano, de 1926 à 1930. Si ses sujets restent les mêmes - paysages, natures mortes et portraits sporadiques -, ses œuvres manifestent une évolution continuelle du langage artistique allant du style métaphysique des natures mortes des collections Jucker et Jesi à Milan, exécutées en 1918-1919, jusqu’à la recherche de l’effet dans ses travaux des années 1930 (Paysage, 1932, Galleria Nazionale d’Arte Moderna, Milan), en passant par l’intimité quotidienne qui caractérise les natures mortes de la troisième décennie, comme celle qui appartient à une collection privée de Milan, de 1920, et une autre à la collection Jesi (1929). La renommée du maître, connu aussi pour son travail de graveur, est confirmée par la chaire de gravure qui lui est attribuée en 1930 par l’Académie des Beaux-Arts de Bologne, par les nombreuses expositions qui lui sont consacrées et par le consensus unanime de la critique qui a surtout admiré chez cet artiste son autonomie de style par rapport aux conditionnements du temps et du langage.
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Artiste solitaire et indépendant, Giorgio Morandi choisit dès le commencement un répertoire iconographique restreint, fait de natures mortes et de paysages champêtres, symboles du monde familier et solitaire du peintre. Les vues paisibles des Apennins de Grizzana révèlent son intérêt pour la peinture de Corot à travers les jeux délicats de variations de lumière, tandis que l’intimité domestique des intérieurs est évoquée par les ustensiles qui forment les natures mortes, influencées par les tableaux de Chardin et de Cézanne. Les natures mortes manifestent d’abord une simplification géométrique d’ascendance cubiste, pour atteindre ensuite des volumes compacts et essentiels des objets du moment métaphysique, que Giorgio De Chirico qualifia de “métaphysique des choses quotidiennes”. Par la suite, les natures mortes sont en revanche caractérisées par un retour au caractère physique des objets qui s’accompagne d’une simplification de la palette et d’une atténuation progressive des figures en faveur d’une plus grande recherche de l’effet.
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Cette toile fut peinte par Giorgio Morandi en 1923. Elle représente une nature morte, sujet favori de l'artiste bolonais qui nous a laissé de très nombreuses versions de ce thème. Cependant aucun tableau n'est semblable aux autres, car Morandi parvient à chaque fois à renouveler le sujet à partir d’un éclairage ou d’un état d'âme différent. La nature morte en question remonte à l'époque qui a suivi de peu l'adhésion de Morandi au courant métaphysique, corrigé cependant par l'artiste en termes plus intimes et sentimentaux. La peinture vibrante fait apparaître des réminiscences de Cézanne, dont Morandi put admirer les œuvres à la Biennale de Venise en 1920.
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Sur une table de forme circulaire sont posés plusieurs ustensiles de cuisine qui composent la nature morte.
Les bouteilles, les pots, les cruches représentés sont des témoins de la vie domestique et des liens d'affection entretenus par le peintre.
Morandi affectionne les tons amortis, mais lumineux. La lumière effleure les formes solides et contribue en même temps à en atténuer les contours.
La couleur est appliquée par petites touches serrées et en relief, si bien que le fond clair sur lequel se détache la nature morte évoque un mur peint à la chaux.
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Les objets sont harmonieusement disposés sur la table ronde, vue en perspective.
La bouteille figurant au centre, plus grande que les autres, partage la toile en deux parties égales.
Les solides, très simplifiés, sont ramenés à des figures géométriques : cylindres, pyramides, parallélépipèdes.
L'espace est agencé par la représentation des objets vus de biais, depuis une perspective légèrement surélevée.
Les objets sont alignés sur différents plans, mais décalés les uns par rapport aux autres, de façon à pouvoir être tous vus presque entièrement.
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Ce tableau fait apparaître des réminiscences des natures mortes de Cézanne, caractérisées par un agencement basé sur la couleur.
Toutefois, les tonalités amorties et la peinture chatoyante adoptées par Morandi rappellent aussi les compositions savantes élaborées au XVIIIe siècle par Jean-Baptiste Chardin.
La recherche de formes pures et géométriques qui caractérise la Nature morte de Morandi n’est pas sans évoquer également l’idéal formel promu à la Renaissance par Piero della Francesca, artiste redécouvert et étudié par de nombreux peintres italiens actifs entre les deux guerres.