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Giorgio De Chirico

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Né en Grèce de parents italiens, Giorgio De Chirico reçut une formation culturelle complexe influencée par les écrits de Nietszche et de Schopenhauer dont il fit la connaissance durant ses études à Munich où le peintre arriva en 1906. Les œuvres des peintres romantico-décadents, comme Arnold Böcklin et Max Klinger, exercèrent une forte influence sur la formation du maître. Le rappel à la tradition classique est présent dès ses premières œuvres, comme en témoigne le tableau du Combat des centaures, de 1909 (Galleria d’Arte Moderna, Rome). Après son retour en Italie, De Chirico s’installe à Paris en 1910 et expose en 1912 et 1913 ses premières œuvres métaphysiques, l’Enigme de l’Oracle et l’Enigme d’un après-midi d’automne, applaudi par le critique Guillaume Apollinaire. De nouveau en Italie, le peintre rencontre à Ferrare, en 1916, Filippo De Pisis et Carlo Carrà, donnant naissance à l’“école métaphysique”, terme voulant désigner le dépassement de la réalité connue et conventionnelle pour découvrir le côté caché et le plus profond des choses. C’est de cette période que datent des œuvres très connues comme Hector et Andromaque (1917, coll. privée, Milan), Les Muses inquiétantes (1916), Mélancolie d’automne (1915, coll. privée). Après s’être installé à Rome en 1918, le peintre se rapproche du groupe de Valori Plastici, avec lequel il expose en Europe, tandis qu’en 1925 il participe à la première exposition des surréalistes à Paris. Par la suite, le maître s’éloigne des parcours de la peinture contemporaine pour approfondir un langage personnel basé sur la relecture de l’art classique qui le conduit à reproduire des scènes de gladiateurs, des ruines archéologiques, des chevaux sur les rives de la mer. Sa dernière période d’activité, menée de pair avec un gros travail de scénographe et de costumier, est marquée par une orientation vers l’art baroque des XVIème et XVIIème siècles (Autoportrait, 1962 ; Chevaux, 1952).

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Créateur d’un langage personnel imperméable aux évolutions parallèles de l’art européen, Giorgio De Chirico fut à son tour une des sources d’inspiration des peintres du réalisme magique et des maîtres du surréalisme, qui trouvèrent dans les œuvres métaphysiques du peintre le point de départ de leurs visions oniriques. La suggestion des grandes places italiennes de la Renaissance, que l’on retrouve dans ses tableaux métaphysiques, vient se greffer sur la tradition classique qui caractérise la culture de base de De Chirico. On trouve dans ses tableaux des mannequins et des objets de la vie quotidienne qui remplacent l’humanité absente des grands espaces solitaires et silencieux, définis à travers une scénographie proche du style Renaissance. Au cours des années où il collabore à la revue Valori Plastici, De Chirico défend le retour à la tradition de la peinture italienne des origines, qui se concrétise surtout dans l’œuvre de l’artiste par une récupération de type archéologique. Par la suite, son rapprochement de la peinture baroque, moins apprécié par la critique, conduit le maître à une peinture plus souple, aux tons chromatiques plus chauds.

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Ce tableau fut exécuté par Giorgio De Chirico en 1917 : c’est une des œuvres les plus célèbres de l’artiste italien, promoteur d’un courant artistique particulier s’affirmant dans la deuxième décennie du siècle, connu comme “peinture métaphysique”. Les œuvres peintes par De Chirico au cours de ces années sont caractérisées par le ton fantastique et irréel des compositions, où les corps, l’espace et la lumière conservent toutefois une définition vraisemblable. Cette manière aboutit à des images inquiétantes et mystérieuses, où le silence règne et où la présence de l’homme n’est évoquée que par les ombres et les objets.

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Le tableau est intitulé Hector et Andromaque, et entend donc représenter les deux époux chantés par Homère dans l’Iliade. La culture classique est à la base de nombreuses compositions de Giorgio De Chirico, qui passa sa jeunesse en Grèce. Mais les deux personnages sont réduits par le peintre à l’état de mannequins qui tiennent debout uniquement grâce aux fils et à la charpente qui les soutient. 

L’inspiration mythologique du tableau est signalée par certains détails de l’habillement des personnages, tels que les grandes plaques métalliques appliquées sur les épaules et les pans du manteau rejetés en arrière, sur le modèle des guerriers antiques.

Malgré la stylisation accentuée des corps, qui marque la volonté de l’artiste de représenter l’essence des choses au-delà de leur nature physique, Andromaque est tout à fait reconnaissable à la ligne plus féminine du mannequin, caractérisé par des volumes pleins et arrondis, tandis qu’un angle droit indique la place des seins.

L'intensité de la scène provient de l’élan qui accompagne l’étreinte des deux jeunes gens, tandis que les visages n’expriment rien, réduits à deux ovales marqués seulement par les orbites des yeux.  

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L'apparent respect des règles de la composition traditionnelle en peinture est évident dans l’agencement symétrique de la scène, accentué par le profil des deux bâtiments placés de chaque côté en vis-à-vis.

On voit nettement que la lumière provient de droite, laissant dans l’obscurité la partie gauche des corps, tandis que par terre sont projetées les ombres des corps solides. 

L’orientation différente de l’ombre du bâtiment par rapport à celle des deux mannequins marque bien l’intention de De Chirico de s’éloigner volontairement de la rigueur de la perspective pratiquée par les artistes du passé, afin de donner naissance à des atmosphères fantastiques, aux connotations oniriques.

C’est toutefois la perspective renaissante, avec point de fuite central, qui semble être adoptée par le peintre pour agencer l’espace, délimité par les deux bâtiments et par les lattes du parquet.

L'harmonie de la composition provient de l’alternance rythmique de corps sphériques et ovales avec des équerres et des lignes droites, tandis que des fils minces semblent soutenir et faire mouvoir les deux figures.

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Sur ce même sujet consacré à Hector et Andromaque, Giorgio De Chirico peignit une autre version assez proche, actuellement conservée à la Galerie Nationale d’Art Moderne de Rome.

A partir de 1916, d’autres artistes italiens adhérèrent à l’école de peinture métaphysique, promue également par la revue Valori Plastici : parmi eux, De Pisis, Sironi, Carrà, Morandi, qui partagent avec De Chirico les décors oniriques et hautement symboliques, la représentation de la figure humaine par des mannequins, la simplification des formes. 

L’importante composante classique qui est à la base de la culture figurative de De Chirico est évidente dans beaucoup des œuvres qu’il a peintes, comme par exemple dans le portrait du poète français Guillaume Apollinaire.

L'œuvre de De Chirico, très appréciée d’Apollinaire, constitua un important motif de réflexion pour les artistes du surréalisme européen, qui purent apprécier les toiles de l’artiste italien exposées au Salon d’Automne de Paris en 1912. 

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