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Francis Picabia

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Né à Paris en 1879, Francis Picabia commença à peindre selon la tradition impressionniste, représentant des paysages dans le style de Sisley et de Pissarro qui se vendaient facilement sur le marché (Les rives du Loing, 1905, Museum of Art, Philadelphie). En 1912, subissant l’influence des théorisations de Guillaume Apollinaire, Picabia changea radicalement de style, se tournant vers l’orphisme cubiste, comme le prouvent les tableaux intitulés Edtaonisl (Art Institute, Chicago) et Udnie, de 1913, (Musée National d’Art Moderne, Paris) où Picabia obtient des résultats abstraits. Simultanément, le peintre, profitant de son aisance économique, exposait aux Etats-Unis, contribuant à la diffusion du langage Dada de l’autre côté de l’Océan. Le Manifeste technique de la littérature futuriste, publié par Tommaso Marinetti en 1909, et son amitié avec Marcel Duchamp, promoteur du mouvement Dada, stimulèrent l’intérêt de Picabia pour le progrès technologique qui se concrétisa par l’insertion d’éléments mécaniques dans ses compositions (Very Rare Picture on the Earth, 1915, coll. Guggenheim, Venise). Au cours de la deuxième décennie du siècle, Picabia devint un des représentants les plus qualifiés du mouvement Dada en France et aux Etats-Unis ; ses écrits irrévérencieux et ses œuvres, souvent enrichies de phrases n’ayant aucun rapport avec le sujet représenté (L’Œil cacodylate, 1921, Musée National d’Art Moderne, Paris), provoquèrent stupeur et scandale parmi la critique et le public. En même temps, l’artiste travailla comme scénographe, costumier et metteur en scène, activité qui culmine avec le film Entracte de René Clair, en 1924.
En 1925, Picabia s’installe à Mougins, près de Cannes. Sous l’influence du surréalisme, l’artiste abandonne le langage satyrique de la période Dada pour réaliser des aquarelles et des peintures qualifiées par l’artiste lui-même de Monstres (1924-1927) et Transparences (1927-1931). La production prolifique de Picabia au cours des années 1920 s’atténue progressivement et se caractérise par une évolution de l’artiste vers un langage plus réaliste (Printemps, 1935, Musée National d’Art Moderne, Paris) et parfois expressionniste (Le Mexicain, 1937-1938, coll. S. Romain, Paris).


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Figure de proue du mouvement Dada en France et aux Etats-Unis, Francis Picabia a joué un rôle fondamental dans le développement de l’art contemporain, mettant en discussion le concept d’art comme style et manière et plaçant l’accent sur le processus créatif, indépendamment de l’originalité formelle. Après des débuts dans un climat impressionniste, Picabia s’oriente vers une peinture faite de couleurs et de décompositions géométriques où l’alternance des tons chromatiques reproduit des rythmes musicaux, toujours plus mouvementés après l’expérience américaine et sa rencontre avec la musique jazz. Le processus technologique et la civilisation industrielle conduisent en outre Picabia à rénover le langage pictural en remplaçant la grammaire traditionnelle faite de formes et de couleurs par des éléments mécaniques pour représenter la réalité de l’homme. Bon nombre d’œuvres de Picabia peuvent être assimilées à des projets d’ingénieur pour machines fantastiques et inexistantes, souvent accompagnées de phrases parfois provocatrices et irrévérencieuses ne présentant aucun lien avec l’œuvre en question.

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Exécuté en 1915, ce curieux tableau remonte à une époque extrêmement féconde dans l’activité artistique de Francis Picabia, attentif aussi bien au cubisme qu’aux suggestions du mouvement dada. Fasciné par les machines et par la civilisation industrielle, qu’il critique aussi par ailleurs, Picabia peint au cours de ces années-là des toiles représentant des engrenages et des machines fantastiques, dans la tentative de renouveler le langage expressif et de représenter les émotions et les sentiments à travers les éléments mécaniques.

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Le titre du tableau, Petite solitude, met l’accent sur la tentative de raconter l’humanité à partir des machines, en assimilant l’homme et la vie à un système d’engrenages fonctionnant mécaniquement. Le titre complet du tableau Petite solitude au milieu des soleils, figure en haut à droite.

Ressemblant au projet d’un ouvrage d’ingénierie, le tableau représente des parties mécaniques à deux dimensions vues en plan. 

Selon leur fonction, des lignes plus ou moins épaisses, continues ou hachées, définissent les pièces.

L'œuvre est complétée par une autre inscription où figure la phrase : "Tableau peint pour raconter. Non pour prouver".

Le tableau évoque un projet mécanique à cause aussi du choix d’encres de couleur et de l’adoption d’un répertoire de formes limité, à base de lignes droites et de formes géométriques, apparemment en contraste avec la liberté expressive habituellement recherchée par les artistes.

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 La machine présente une structure symétrique, soulignée par la division de la figure en deux parties, l’une d’une tonalité claire, et l’autre plus sombre.

Cinq grandes roues constituent une structure pentagonale sur laquelle vient s’ajouter un réseau complexe de tubes et de montants.

L’épaisseur des montants et des tubes est suggérée par le profil sombre qui dessine un seul côté des éléments.

Les cercles, qui représentent une constante dans les inventions fantaisistes de Picabia, sont ici la forme prédominante.

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Le monde industriel a suscité l’intérêt de nombreux artistes de notre siècle, qui ont fait des machines les protagonistes de leurs œuvres. Parmi eux, outre Picabia, rappelons Léger, Balla, Duchamp.

Les œuvres de ce dernier trouvent des résonances particulières dans celle de Picabia, par le ton de provocation et de dérision de ses engins compliqués, inexistants ou inutiles qui reviennent également dans les assemblages d’un autre représentant du mouvement dada, Man Ray.

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