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Francis Bacon

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Né à Dublin de parents anglais, Francis Bacon commença à travailler comme décorateur d’intérieur pour ne s’approcher de la peinture qu’en 1929, après avoir visité Paris et effectué un séjour à Berlin où il eut l’occasion de rencontrer les maîtres du réalisme allemand, Grosz, Dix et Beckmann. Le peu de succès qui caractérisa la première période de l’artiste poussa Bacon à s’éloigner de la peinture, qu’il reprit toutefois très intensément en 1942. Les Trois études de figures au pied d’une crucifixion (Tate Gallery, Londres) datent précisément de 1944 : elles créèrent la stupeur parmi le public en raison de la monstruosité des personnages. Viennent ensuite de nombreux portraits et tableaux inspirés d’œuvres du passé, tous caractérisés par la déformation des images à laquelle l’artiste parvient en se prévalant des photographies d’Edward Muybridge ou de photogrammes de Buñuel et d’Eisenstein. Les suggestions des maîtres du passé, comme Munch et Van Gogh, ne manquent pas non plus dans les caractères expressionnistes de ses personnages qui racontent la marginalisation, la solitude, l’angoisse existentielle de l’humanité. Parmi ses œuvres rappelons les ré-élaborations du portrait du pape Innocent X, de Velázquez (1953, coll. privée, New York ; 1962, Marlborough Fine Art, Londres) et les célèbres intérieurs dans lesquels le peintre situe ses portraits (Autoportrait, 1973, Marlborough Gallery, New York ; George Dyer, 1968, Collection Thyssen-Bornemisza, Madrid ; Les Lutteurs, 1980, coll. privée, Tokyo).

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Unique en son genre et ne se rattachant à aucun courant artistique spécifique, la peinture de Francis Bacon est le fruit de recherches personnelles du maître sur les expérimentations photographiques de Muybridge, sur la décomposition des formes de Picasso et des cubistes, mais aussi sur la valeur expressive des œuvres de Munch et de Van Gogh. Le peintre parvient ainsi à créer des formes reconnaissables mais non définies, traces évanescentes de l’humanité, matière en perpétuelle évolution. Au ton fortement expressif de ses œuvres vient s’ajouter un réalisme minutieux, stimulé à l’origine par les maîtres allemands de la Nouvelle Objectivité, qui se concrétise par la description très véridique de l’ameublement des pièces, des habits et de la gestualité de ses personnages. Le peintre qui, à travers l’attention prêtée aux objets de la vie quotidienne, anticipe une caractéristique du pop art, a joué un rôle fondamental dans l’évolution du langage artistique contemporain.

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Il s'agit d'un des nombreux portraits exécutés par Francis Bacon, célèbre peintre anglais, dont les œuvres sont connotées par un style tout à fait personnel et incomparable. Seuls, dans des lieux froids et dépouillés, les personnages représentés par Bacon racontent l'angoisse existentielle des hommes. Par le biais d'un langage à la fois réaliste et fantastique, Bacon apporte un témoignage fervent et impitoyable sur la condition de l'homme dans la société contemporaine.

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Peint en 1968, ce tableau représente George Dyer, ami de Francis Bacon, mort par suicide en 1971. Selon un schéma plusieurs fois mis en œuvre par l'artiste, George Dyer est représenté assis au milieu de la pièce, appuyé sur le dossier d'une chaise tournante.

L'homme est représenté de façon tout à fait réaliste, dans un moment de repos et plein de désinvolture, tandis qu'il allonge les jambes et tient une cigarette à la main.

Un nuage de fumée se dissipe lentement sur la gauche.

L'homme, au visage méconnaissable, se tourne vers un miroir qui renvoie l'image plus déchiffrable du visage de Dyer. Le miroir amplifie la solitude de l'homme, seul avec lui-même.

A la représentation sommaire et délitée qui caractérise les formes s'opposent des détails nets et concrets, tels que la semelle de la chaussure, le col de la chemise, le mégot de cigarette.

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En vertu d'un schéma symétrique, l'homme est représenté au centre de la toile.

Semblable au faisceau brutal d'un projecteur, la lumière dessine sur le sol un espace circulaire correspondant au plafond de la pièce, d'où la lumière semble provenir.

Bien que la figure ait des contours nettement marqués, elle reste plus floue dans les détails, ce qui fait penser en voyant cette image à une photographie reproduisant un sujet en mouvement.

L'idée de mouvement est suggérée également par le pan de la veste, légèrement soulevé, et qui projette une ombre sur le sol.

Ces différents éléments contrastent avec la définition précise des formes statiques du miroir et de l’estrade, dont les contours sont à base de lignes droites et d'angles, tandis que les traits curvilignes prédominent dans la représentation de la figure humaine et de la chaise.

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Malgré l’individualisme qui distingue le langage artistique de Francis Bacon, l’importance de la tradition peinte des siècles précédents est évidente dans le choix du genre du portrait devant le miroir, souvent adopté par les peintres de la Renaissance.

Mais la vision floue des figures, empruntée aux expériences photographiques, et en particulier aux reproductions du photographe Muybridge, est liée à la passion de Bacon pour la peinture de Rembrandt, peintre hollandais du XVIIe siècle.

La difficulté à percevoir les traits du visage de l’homme figurant sur ce tableau naît également de la tentative mise en œuvre par le peintre pour représenter le sujet depuis plusieurs points de vue à la fois, selon un procédé d’analyse et de découpage de la réalité déjà éprouvé par Picasso et par les peintres cubistes.

L'angoisse existentielle qui s’exprime dans les tableaux de Bacon trouve d’illustres précédents dans les œuvres de quelques artistes européens de la fin du XIXe siècle, tels que Van Gogh et Munch.

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