Emil Nolde
Emil Nolde
(Nolde, Schleswig-Holstein, 1867 - Seebüll, Neuekirchen, 1956)
Peintre allemand. Il travailla à ses débuts comme graveur dans une fabrique de meubles, puis il se forma dans différentes académies en Suisse, à Dachau et à Paris, où il connut la peinture impressionniste et post-impressionniste, fondamentales pour son évolution ultérieure.
En 1906, il rejoignit pour un an seulement le groupe "Die Brücke", et reprit par la suite un parcours personnel, en exposant avec les peintres du "Blaue Reiter". Après un voyage dans le Pacifique en compagnie d'une expédition anthropologique, sa peinture se chargea d'accents primitifs. Il adhéra au parti nazi, mais son œuvre fut déclarée "art dégénéré" et il lui fut interdit de peindre. Pendant la guerre, il réalisa ce qu'il appela "peinture non peinte".
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Connu dans le domaine artistique sous le nom d’Emil Nolde, Emil Hansen emprunta pour ce pseudonyme le nom de la petite ville de Nolde, en Allemagne, ville natale de l’artiste. Le peintre commença d’abord par une activité de sculpteur sur bois dans une usine de meubles, puis de professeur de dessin ornemental, de 1892 à 1897, à l’Ecole de dessin industriel de Saint-Gall, en Suisse. En même temps, le maître réalisait de petits tableaux représentant des vues des montagnes suisses dont la vente lui permit finalement d’étudier, d’abord à Munich et à Dachau, puis, en 1899, à Paris, où il fréquenta l’Académie Julian. Dans la ville lumière, l’artiste fut fasciné par la peinture des maîtres du réalisme français et des impressionnistes, comme en témoigne le Coucher de soleil à Bendsorme, de 1900 (Kunstmuseum Sprengel, Hanovre). En outre l’artiste se révéla sensible à la peinture de Van Gogh, de Gauguin et d’Edvard Munch dont il devint l’ami. Artiste sensible aux avant-gardes artistiques, Nolde exposa, en 1906, avec le groupe expressionniste allemand Die Brücke, alors que l’année suivante il se rapprocha de la Sécession berlinoise, encourageant la naissance de la Neue Sezession. C’est de cette période que datent plusieurs paysages comme Coucher de soleil II, de 1909 (Fondation Nolde, Seebüll) et plusieurs toiles à thème religieux comme celles qui sont consacrées à la Vie du Christ, de 1912 (Fondation Nolde, Seebüll). Sa rencontre avec le peintre James Ensor, à Ostende, en 1911, constitua un stimulant pour l’accentuation de l’aspect dramatique de sa peinture. En 1913, Nolde effectua un voyage en Orient et en Nouvelle-Guinée qui lui fit découvrir l’art primitif, élargissant ainsi son propre répertoire (Nature morte, 1914, Sprengel Museum, Hanovre ; Nature morte aux danseuses, Musée National d’Art Moderne, Paris). L’œuvre d’Emil Nolde, qui réalisa de nombreux dessins et gravures en plus de ses peintures, fut beaucoup appréciée de ses contemporains et valut à l’artiste le doctorat honoris causa de l’université de Kiel. Comme l’œuvre de nombreux autres artistes allemands adhérant à l’expressionnisme, l’art de Nolde fut censuré par les nazis et ce n’est qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale que la valeur de la peinture du grand maître, mort en 1956, fut unanimement reconnue.
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Considéré comme l’un des représentants les plus importants de la culture expressionniste, Emil Nolde élabora un langage formel très original et personnel, qui demeura constant et cohérent durant toute sa longue activité de peintre. Les leçons de Van Gogh et de Munch et les contacts avec les peintres allemands du mouvement Die Brücke suggérèrent à Nolde une utilisation expressive de la couleur, l’artiste choisissant des tonalités stridentes étendues à grands coups de pinceaux larges et libres, sans l’aide du dessin. La valeur dramatique et expressive de sa peinture découle aussi de sujets dépourvus de pathos comme les paysages et les natures mortes. En même temps, la figure humaine subit une violente déformation jusqu’à la caricature, tandis que la gestualité exaspérée puise dans le répertoire expressif des rituels des populations primitives.
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Cette nature morte est de à Emil Nolde, un des plus importants représentants de la culture expressionniste. Le peintre allemand peignit cette toile en 1914, peu après son retour dans sa patrie après un long voyage qui l’amena en Russie, au Japon et en Nouvelle-Guinée. L’influence de l’art primitif, exemple de synthèse et de traduction spontanée de l’énergie vitale, s’allie dans ce tableau à une peinture dégagée de tout schéma dessiné, appliquée par grandes touches de couleurs et caractérisée par un coloris intense qui déforme violemment la figure humaine.
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Le titre du tableau est dû aux éléments qui le composent. Au premier plan, on reconnaît facilement, malgré la facture hâtive et d’un seul jet, deux vases de tulipes.
La couleur appliquée par touches rapides fait apparaître les reflets lumineux sur la forme cylindrique du vase de gauche, vu de biais.
Au-dessus, figure un bibelot, ou peut-être un jouet représentant un animal, partiellement caché par les fleurs.
A l’arrière-plan, un grand tableau accroché au mur représente deux figures féminines dansant avec des gestes convulsifs.
Leur habillement - qui consiste uniquement en une jupe laissant à découvert le torse - les pieds nus, les longs cheveux flottant sur les épaules, les gestes accentués, connotent les deux figures comme appartenant à une population primitive, représentées tandis qu’elles célèbrent un rite tribal.
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La composition, plutôt simplifiée, se déroule horizontalement sur des plans parallèles. Les objets sont alignés avec ordre les uns à côté des autres, parallèlement à la base de la toile et au tableau représenté à l’arrière-plan.
Le support sur lequel sont posés les objets donne la mesure de la profondeur.
La forme rectangulaire de la toile est reprise par le format du tableau aux danseuses.
La peinture est étalée par touches larges et rapides.
Les formes, dépourvues de contour dessiné, sont élaborées moyennant des taches de couleurs contrastées.
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Les couleurs violentes, la facture dégagée et spontanée qui caractérisent ce tableau et toute la peinture de Nolde, dénotent l’influence de la manière de James Ensor et de Vincent van Gogh, admirée par le peintre allemand durant un voyage en Hollande en 1911.
La suggestion de l’art primitif, extrêmement important également pour Picasso et pour de nombreux artistes du XXe siècle, avait déjà été une source d’inspiration fondamentale pour Gauguin, qui dans ses toiles peintes au cours de son séjour à Tahiti représenta souvent les femmes indigènes.
Nolde aborda plusieurs fois le thème de la danse, comme beaucoup de ses contemporains, dans des toiles analogues à celle qui figure sur le mur du fond de la Nature morte de Paris.