Egon Schiele
Schiele, Egon
(Tulln 1890-Vienne 1918)
Peintre autrichien. Etudiant à l'Académie de Vienne, il suscite l'admiration de Klimt, qui lui procure de nombreuses commandes. Mais son art, dramatique et populiste, est inconciliable avec les prémices esthétisantes de la culture de la Sécession. Attentif à la leçon des expressionnistes, il se tourne bien vite vers des représentations de la réalité crue de l'homme, saisi dans son conflit exacerbé entre la vie et la mort. Des tableaux comme le Portrait de Poldi Lodzinsky (Winnipeg, Art Gall.), l'Autoportrait aux doigts écartés (Vienne, Historisches Mus.), le Prophète (New York, Marlborough-Gerson Gall.) ou l'Etreinte (1917, Vienne, Österreichische Gal.), tout en reprenant le point de vue frontal des œuvres de Klimt, réduisent l'espace à une sorte de vide tragique. Plus qu'à la couleur, Schiele confie le soin d'exprimer son angoisse à un trait coupant d'une netteté toute gothique - particulièrement efficace dans ses innombrables aquarelles et dessins d'une tension hallucinée - et à une monumentalité inspirée par Hodler. En 1918, une grande exposition dans l'édifice de la Sécession à Vienne lui assure, à la veille de sa mort, un succès tardif.
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Elève à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, l’artiste renonça à y suivre les cours en 1909, pour se rapprocher de Gustav Klimt dont il fut très apprécié et qui lui commanda plusieurs œuvres. Par rapport au style décoratif de la Sécession viennoise, Schiele semble toutefois avoir plus d’affinités avec le langage des peintres expressionnistes comme Kokoschka et Kubin.
Durant sa brève histoire artistique, puisque l’artiste meurt à 28 ans emporté par la grippe espagnole, Egon Schiele se lance dans une vaste production graphique, genre dans lequel le maître exprime le mieux la force inquiète qui caractérise tout son art. Parmi les tableaux et les aquarelles, ceux qui révèlent une intensité et un réalisme particulier sont les portraits, parmi lesquels nous pouvons mentionner celui de Poldi Lodzinsky (Winnipeg, Art Gallery) et divers autoportraits (Vienna Kunsthistorisches Museum ; Madrid, coll. Thyssen-Bornemisza). Son installation à la campagne, d’abord à Krumau en Bohème, puis à Nuellengback, rapprocha l’artiste de la peinture paysagiste. Pendant la guerre, en revanche, Schiele reproduisit plusieurs scènes de bataille. Son mariage avec Edith Harms, en 1915, procura à Egon Schiele une plus grande sérénité qui se reflète dans les œuvres exécutées au cours des années qui précèdent sa mort, en 1918. Parmi ses travaux, rappelons le portrait de sa femme et La famille, tous deux à Vienne, Österreiche Galerie.
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De 1909 à 1918, Egon Schiele se révéla être l’un des artistes les plus doués de sa génération, formés dans la ferveur du climat culturel viennois de Klimt et de Freud. De Gustav Klimt, Schiele semble avoir emprunté la prédilection pour une peinture bidimensionnelle où prévaut la linéarité. Par rapport au style ornemental de la Sécession, le peintre autrichien exalte plutôt les caractères expressifs à travers les contours nerveux et tranchants des figures représentées, se situant ainsi plus près des maîtres contemporains de l’expressionnisme allemand. Par ailleurs, l’importante quantité de dessins laissés par le maître met en évidence l’influence notoire qu’ont eue sur Schiele les gravures et l’art graphique des maîtres allemands de la Renaissance, source d’inspiration pour la force expressive de ses œuvres.
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Ce dessin, exécuté en 1910, est dû à Egon Schiele, peintre autrichien qui, avec Gustav Klimt et Oskar Kokoschka, fit de Vienne un des centres artistiques les plus animés au cours des années qui précédèrent la Première Guerre mondiale. Comparées à la peinture précieuse et décorative du chef de file Klimt, les œuvres de Schiele, en particulier les dessins, prennent des connotations dramatiques et expressives qui rapprochent l’artiste des maîtres de l’Expressionnisme allemand.
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Ce dessin est un autoportrait de l’artiste, thème sur lequel Schiele revient souvent, comme si l’art lui servait à s’interroger et à mieux se connaître.
La figure est cernée par un contour nerveux, tracé au crayon noir, et enrichi de légères touches d’aquarelle qui créent de délicats clairs-obscurs.
Les traits du visage, très caractérisés, sont accentués par la superposition des lignes qui créent des contrastes d’ombre et de lumière.
Le peintre accentue les traits au niveau des yeux et des sourcils, tandis que la petite bouche charnue est à peine dessinée.
Les mains, osseuses et crochues comme celles d’un squelette, sont d’une extraordinaire intensité expressive.
Par contre, aucune attention n’est accordée à la représentation des vêtements, dont ne sont esquissés que le col et les larges manches de la chemise, ce qui donne le plus grand relief au visage.
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La figure, aux trois quarts visible, est vue presque de face.
Le buste est légèrement en retrait vers la gauche, comme nous l’indique le fait que la main et le bras droit du personnage sont en partie cachés par le corps.
Se préoccupant surtout du graphisme, Schiele dessine ses figures pratiquement sur deux dimensions, en renonçant à recourir au clair-obscur utilisé habituellement pour créer des effets plastiques.
Au besoin, il modifie l’épaisseur des lignes en passant des traits plus épais marquant les contours aux lignes minces qui sillonnent le visage et les manches de la veste.
Les taches que l’on peut voir sur le papier font apparaître la pauvreté du support utilisé par Schiele pour ce dessin - du papier d’emballage usagé - qui témoigne des difficiles conditions de vie de l’artiste.
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Le graphisme qui caractérise l’œuvre d’Egon Schiele est également une des constantes de l’œuvre de Gustav Klimt, qui fut le principal point de repère dans la formation du jeune peintre. Mais le caractère plus ornemental des œuvres de Klimt, dans lesquelles prédominent les dorures et les motifs décoratifs, est plus évident.
Schiele est avant tout un dessinateur plus qu’un coloriste, et les rares couleurs qu’il utilise, comme c’est le cas par exemple chez Modigliani, ont pour fonction non pas de représenter, mais d’accentuer les notations dramatiques par leur opposition réciproque.
Dans le même temps, la passion pour le dessin, sobre et épuré, de même que le caractère érotique de nombreux dessins de Schiele rappellent l’œuvre d’un autre grand artiste actif entre le XIXe et le XXe siècle, Henri de Toulouse-Lautrec.