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Dürer, Albrecht (Nuremberg, 1471 - 1528)

Fils d'un orfèvre, Albrecht Dürer fait son premier apprentissage dans l'atelier de son père, où il apprend la technique du burin. Entre 1486 et 1490, on le trouve dans l'atelier de Michael Wolgemut et Wilhelm Pleydenwurff, spécialisé en xylographie. Un premier séjour à Venise et dans l'Italie du Nord, en 1494-95, lui permet d'approfondir la connaissance de l'art classique et de la Renaissance, en particulier avec Andrea Mantegna et Giovanni Bellini qui lui inspireront, une fois rentré dans sa patrie, des œuvres nettement italianisantes, comme le triptyque pour l'Electeur de Saxe (Dresde, Gemäldegalerie) ou la Madone de Washington (National Gallery). L'artiste ouvre un atelier à Nuremberg en 1495, et acquiert un grand renom avec la série des xylographies consacrées à l'Apocalypse (1498) puis, peu après, avec celles de la Grande Passion ; ces œuvres illustrent clairement sa relation étroite avec le grand graveur Martin Schongauer. Au cours de cette période, Dürer peint une série de portraits et d'autoportraits dans lesquels s'affirme sa prise de conscience orgueilleuse de la dignité de l'artiste : ceux de 1493 (Paris, Louvre), de 1498 (Madrid, Prado) et de 1500 (Munich, Alte Pinakothek). Son intérêt pour les problèmes de représentation de l'espace, cultivé en Italie, s'exprime notamment dans les tableaux à sujet sacré, comme le Triptyque Paumgärtner et l'Adoration des Mages de Florence (Offices), même s'ils sont exécutés dans un style typiquement septentrional. Entre 1505 et 1506, l'artiste séjourne encore une fois à Venise, où il reçoit la prestigieuse commande du Retable de la Fête du Rosaire, destiné à l'église Saint-Barthélémy et commandé par la communauté allemande de Venise (actuellement à la Pinacothèque de Prague). Après son retour à Nuremberg, il exécute des œuvres encore sous l'influence de la peinture italienne, avec de grands effets de sfumato dans le paysage, comme le Retable des Dix mille martyrs ou L'Adoration de la Sainte-Trinité (tous deux à Vienne, Kunsthistorisches Museum). C'est de cette période que datent aussi les célèbres gravures à contenu allégorique : le Cavalier, la Mort et le diable et la Mélancolie. A partir de 1512, il est au service de l'empereur Maximilien Ier, dont il peint deux portraits (conservés à Vienne et à Nuremberg). Après la mort du souverain, Dürer effectue un voyage en Hollande, dans le but de faire confirmer sa charge par Charles Quint. Il y fait connaissance avec la peinture flamande contemporaine, et reste influencé en particulier par Lucas de Leyde. A sa mort, il lègue à sa ville natale Les Quatre apôtres monumentaux de 1526 (Munich, Alte Pinakothek), sommet de son évolution stylistique et témoignage de sa religiosité profonde. Son art constitue un exemple de fusion heureuse entre l'élément septentrional, d'une sévérité méticuleuse et d'une grande fantaisie, avec la couleur et les formes propres à la peinture italienne.

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L'art d'Albrecht Dürer représente un des sommets de la Renaissance. Ce maître sut harmoniser le naturalisme et la charge expressive de la peinture flamande et allemande avec la monumentalité et le classicisme de la tradition italienne. Dessinateur extraordinaire, le peintre eut la possibilité dans sa patrie d'apprendre la technique de la gravure qui le rendra célèbre dans toute l'Europe. Dürer accorde une attention très minutieuse à la réalité dès ses premières aquarelles avec des paysages, ainsi que dans ses portraits s'inspirant de la peinture de Van Eyck. Ses séjours à Venise modifieront son orientation ; il se tourne alors vers une représentation plus rationnelle de l'espace et vers des compositions plus solennelles. Or, ces caractéristiques diffuseront ensuite dans toute l'Europe du Nord les principes de la Renaissance italienne.

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Ce tableau représente l'autoportrait d'Albrecht Dürer, artiste d'exception de la Renaissance allemande, dont l'activité exerça une influence considérable en Italie aussi, pays où il séjourna en 1495, puis en 1505.

Cette toile, exécutée probablement à Strasbourg en 1493, a une importance toute particulière dans la mesure où il s'agit du premier autoportrait de l'histoire de la peinture figurant comme œuvre à soi.

Jusqu'à ce moment-là en effet, les peintres s'étaient souvent peints eux-mêmes, mais uniquement dans des représentations collectives où le sujet principal ne consistait pas dans l'autoportrait.

Si d'un côté le choix de Dürer traduit le rôle toujours plus important que les artistes vont recouvrir au cours de la Renaissance, de l'autre il illustre la capacité d'introspection du peintre allemand, qui utilise le portrait comme instrument de connaissance de soi.

Ce peintre sensible et nerveux, qui se rapprocha des conceptions religieuses de Martin Luther dans les dernières années de sa vie, parvint à concilier dans ses œuvres l'observation analytique de la nature, typique de la peinture flamande, et les éléments classiques et monumentaux empruntés à la peinture italienne.

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Sur un fond sombre, fréquent dans les œuvres des peintres flamands, le buste du peintre est représenté dans un autoportrait.

Les traits de l'artiste, connus également par d'autres autoportraits, sont tout à fait reconnaissables dans les éléments du visage et dans les longs cheveux blonds retombant sur ses épaules.

Ce tableau fut probablement exécuté à l'occasion des fiançailles d'Albrecht Dürer avec Agnès Frey, jeune fille qu'il épousa en 1494.

La fleur de panicaut que le jeune homme tient entre les doigts, symbole de la fidélité conjugale, étaye cette hypothèse.

L'inscription qui figure dans la partie supérieure du tableau fait peut-être allusion à la volonté de tenir sa promesse. On peut la traduire par :"Ma vie se déroule selon la volonté du Ciel" (My sach die gat als es oben schtat).

Le peintre est vêtu de riches habits, complétés par le curieux chapeau rouge qu'il porte avec désinvolture.

L'expression du visage, caractérisé par les lèvres charnues et le nez irrégulier, est particulièrement intense.

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Dans le respect de la tradition flamande, l'homme est représenté de trois quarts, le buste légèrement en retrait, ce qui donne une impression de profondeur.

La couleur sombre et homogène de la toile de fond permet de faire émerger plastiquement la figure.

Le bras représenté au premier plan peut constituer la base d'un triangle idéal, dont le sommet serait le chapeau que l'artiste porte sur la tête.

Le chapeau et la fleur de panicaut délimitent l'espace à l'intérieur duquel se situe le buste.
La représentation au premier plan des mains nerveuses donne plus d'intensité et de naturel à l'image.

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Albrecht Dürer refit plusieurs fois son portrait au cours de sa vie.

Le portrait aux gants conservé au Musée du Prado et peint en 1498, lorsque Dürer avait désormais acquis la célébrité, et celui de la Pinacothèque de Munich, dans lequel il choisit de se représenter en Christ, sont tous deux postérieurs à celui du Louvre.

Différents peintres s'étaient représentés eux-mêmes, mais en mêlant leurs portraits à d'autres figures, comme Masaccio dans les fresques de la chapelle Brancacci à Florence.

Le naturalisme qui caractérise les portraits peints par Dürer dénote l'importance de la tradition flamande dans la formation de l'artiste allemand, qui s'inspira surtout des enseignements de Van Eyck.

La grandeur de la peinture de Dürer transparaît également dans ses œuvres à caractère religieux, dont nous rappellerons l'imposant tableau avec la Madone du Rosaire exécuté à Venise, actuellement au Musée de Prague, ou encore l'Adoration des Mages du Musée des Offices, à Florence.

Les nombreuses gravures réalisées par Dürer, qui permirent la diffusion de sa manière dans toute l'Europe, sont elles aussi très célèbres.

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