Diego Rivera
[903] Doté d’un grand talent dès l’enfance, Diego Rivera fut orienté dès son plus jeune âge vers la peinture et suivit les cours de l’Académie de Mexico. La révolution mexicaine qui éclata en 1910 poussa le peintre à revenir en Europe, où il s’était déjà rendu de 1907 à 1910. Son séjour à Paris jusqu’en 1919 lui permit de mieux connaître la tradition figurative européenne et les mouvements d’avant-garde (Paysage zapatiste, 1915, Musée de Mexico). Après s’être rendu en Italie pour étudier la peinture de la Renaissance, Rivera rentra au Mexique en 1921 ; il s’inscrivit au Parti communiste et commença à étudier et à collectionner des objets de l’art précolombien. L’année suivante, l’artiste reçut la première d’une longue série de commandes publiques pour la décoration de l’Escuela Nacional Preparatoria de Mexico, suivie par celle du bâtiment du ministère de l’Education, achevée en 1928. S’étant affirmé comme peintre de murals, travaux à travers lesquels l’artiste illustre des thématiques sociales et historico-allégoriques, Rivera travailla aux Etats-Unis de 1930 à 1934, réalisant notamment la décoration de l’atrium de l’Institute of Arts de Détroit (1932-1933). De retour au Mexique, le peintre se consacra alternativement aux grands travaux publics et à la réalisation d’œuvres de petit format représentant surtout des portraits de personnalités célèbres comme celui d’Adalgisa Nery (1968, coll. privée) et d’enfants (Irene Estrella, 1946, Lamont Gallery, Exeter). [803] Considéré comme l’une des plus importantes personnalités du mouvements des muralistes mexicains, Diego Rivera a obtenu une renommée mondiale grâce aux imposantes décorations publiques à travers lesquelles l’artiste crée un nouveau répertoire iconographique qui célèbre les idées socialistes et la culture indigène mexicaine. Les années passées à Paris le rapprochèrent du cubisme, mais le peintre manifesta surtout un grand intérêt pour le réalisme des peintres du XVIIème siècle européen et du XVIIIème siècle français. Appréciant énormément l’art italien de la Renaissance, dont il admira surtout la fonction civique, le peintre élabora des images à la signification complexe, destinée au grand public, où le naturalisme se mêle à un répertoire formel empreint d’art précolombien. Parfois, sa peinture n’est pas non plus dépourvue de suggestions surréalistes, dénotant par là l’influence exercée par Frida Kahlo qui fut sa compagne de 1929 à 1954. [603] Cette toile a été exécutée en 1925 par Diego Rivera, un des promoteurs, avec Orozco et Siqueiros, du renouvellement de la peinture mexicaine de ce siècle. Le titre de l’œuvre, Flower Day, fait allusion à la fête que l’on célébrait le vendredi saint pour commémorer la passion du Christ, connue également dans la tradition populaire comme “fête des fleurs”. Ce tableau fait partie d’un cycle consacré aux fêtes populaires mexicaines, que Rivera peignit pour décorer les murs du ministère de l’Education de Mexico au début des années vingt. La peinture de Rivera remplissait donc une fonction sociale, visant à éduquer et à célébrer le peuple mexicain, sorti vainqueur de la révolution qui avait mené le Mexique à l’indépendance et à la république. [503] La toile représente un marchand de fleurs. La scène est en grande partie occupée par une énorme corbeille d’arums blancs, véritables protagonistes de la scène. L’homme porte ces arums sur son dos, et il avance les mains jointes et la tête baissée. L’évocation de la montée au Calvaire du Christ, portant la croix sur ses épaules, est ici évidente, et c’est cet événement en effet qui était commémoré le jour de la fête des fleurs. Une foule hurlante se presse à l’arrière-plan, portant des bouquets de fleurs rouges. Au premier plan, en bas, sont agenouillées deux femmes, dont une porte un enfant dans son dos. La toile se caractérise par ses couleurs chaudes, basées sur des tonalités de brun, de rouge et de jaune, auxquelles la pâte à base de cire donne plus de moelleux. [403] La figure de l’homme portant son fardeau est placée exactement au centre du tableau. Le bandeau blanc qui retient la corbeille et le bouquet de tiges vertes que l’homme tient entre les mains forment une croix, allusion au martyre du Christ. Les figures, soumises à une simplification des formes, sont cernées par des contours nets qui figent les corps massifs et lourds. L’espace est entièrement occupé par les corps, placés sur des plans parallèles en profondeur. La réduction des figures au deuxième plan agence l’espace en profondeur. Les figures agenouillées au premier plan sont vues de dos, leur tête étant représentée en biais. Le principe de symétrie qui caractérise la composition est respecté jusque dans la distribution harmonieuse des couleurs, en particulier les nuances de blanc. [303] Si la tendance à la géométrisation des formes qui caractérise les figures et les volumes franchement marqués renvoie à la fréquentation des peintres cubistes de la part de Rivera au cours des années passées en Europe, on relève également chez ce peintre mexicain des réminiscences de l’art précolombien. Les grandes dimensions de la toile Flower Day font apparaître la prédilection de Rivera et des autres artistes mexicains pour un art monumental, destiné à un grand public. A cet égard, la connaissance des grands cycles de fresques de la Renaissance italienne avait été fondamentale pour Rivera, qui les considérait comme l’exemple suprême d’un art destiné aux masses. D’ailleurs, on peut déceler également des réminiscences formelles de la tradition peinte italienne, en particulier de Giotto, dans l’agencement en raccourci des deux personnages du premier plan, qui rappellent par exemple certaines figures peintes par Giotto dans les fresques de la Chapelle Scrovegni à Padoue.