DANSE (symbole)
DANSE l'extase, l'identification à l'Unité
Les Anciens ont comparé le mouvement de l’univers à une danse. En effet, dans l’Ajax de Sophocle, Pan est invoqué comme l’auteur et le directeur des danses des dieux, la cause et l'effet du mouvement régulier de l'univers dont ces danses divines, innées en lui, sont la représentation. • La danse a donc rempli une fonction cosmique en établissant une relation entre le ciel et la terre et représentait l’harmonie universelle. L’illustration la plus complète du symbole est le dieu hindou Shiva, le danseur cosmique dont les évolutions éveillent les énergies dormantes pour qu’elles donnent forme au monde. Incarnation et manifestation de l’énergie éternelle, de la force cosmique à la fois génératrice et destructrice, Shiva rythme le temps. Il est le principe de création par le battement du tambour qu’il tient dans la main droite. Sa fonction de créateur est indiquée par son pied droit posé sur le dos d’un nain, symbole du passage des âmes du monde divin dans la matière ; sa fonction de guide divin, par sa seconde main gauche qui désigne son pied gauche levé dans la position de l’éléphant qui ouvre la voie à travers la jungle du monde. L’énergie créatrice du dieu se manifeste dans les bracelets et anneaux de ses chevilles, serpents vivants et dans son cordon brahmanique (le cordon, porté de l’épaule gauche à la hanche droite par les castes supérieures, symbolise le Seuil).
Sa fonction destructrice est illustrée par la langue de flamme qu’il tient dans sa première main gauche, symbole du feu de la destruction du monde créé, tandis que sa seconde main droite fait un geste rassurant. Son pied gauche levé (que désigne sa main gauche) indique la délivrance de l’âme. La régénération est figurée par le crâne (symbole de mort) qu’orne chevelure en croissant de lune (symbole de naissance et de croissance) et par l’effigie de la déesse du Gange placée sous ses boucles (le Gange en descendant du ciel, déverse sur sa tête les eaux vives du salut que le dieu distribue à l’humanité qui est ainsi régénérée physiquement et spirituellement). L’équilibre, ou harmonisation des opposés, est représenté par la boucle d’oreille d’homme qui pend à son oreille droite et la boucle d’oreille de femme à son oreille gauche, dominant l’élan des bras (la création) et le battement rythmé du talon droit (destruction). Le centre, le calme, le dépassement des joies et des peines de ce monde est symbolisé par l’impassibilité de son visage (66-334). • Les activités divines sont symbolisées par les danses rituelles hindoues qui reproduisent des luttes titanesques, des pouvoirs secrets et occultes à l’aide des gestes des mains (les fameux mudras), de la tête, les écartements des bras qui ont chacun un sens profond et très secret (38-58). • Egalement liées aux traditions ou à la cosmogonie, les danses sacrées japonaises otome-maï ou danse de jeune fille, le gosechi-no-maïou danse des 5 mouvements exécutée la première fois par un ange féminin descendu du ciel, le shishi-maï, danse du lion ou du dragon qui chasse les maux, la danse en jupes rouges,...) retracent toutes un épisode de la cosmogonie japonaise et ont pour but de pacifier, consoler et réjouir le Kami (77-279). • Au Moyen Age, la même idée dirigeait la danse des douze chanoines (symbolisant les signes du zodiaque), le jour de Pâques, autour du labyrinthe de la cathédrale d’Auxerre, rendant ainsi manifeste le mouvement des sphères célestes autour de la cité sainte (80). A cette époque, même les danses populaires étaient calquées sur le mouvement des planètes : la ronde, la carole, chaîne d'union de danseurs...
• Dans la Chine ancienne, la danse était liée au symbolisme des nombres et participait à l’arrangement du monde : le chef devait danser sur un pied pour féconder la nature, car il provoque en dansant la montée de la sève. La danse s’associait à l’ivresse extatique : on dansait sans trêve en tourbillon pour se préparer à l’extase lors des festins offerts aux ancêtres. Ces évolutions faisaient partie des pratiques taoïstes car même les Saints qui ont pénétré les plus hauts secrets ne cessent de sautiller à la manière des moineaux tout en se tapant sur les fesses (8). • Prière et appel, la danse sacrée ou hiératique peut être un cri de joie (celle de David devant l’arche); elle est avant tout une recherche de libération dans l’extase, un essai d’identification à l’Un : les dionysiaques et les bacchanales célébrant le culte de Dionysos (Bacchus), lié à l’Eau, sève et source primordiale de toute végétation, étaient en outre un hymne à la vie. • La danse-prière a fait partie des cultes agraire et solaire, elle peut représenter une véritable épreuve dans certaines cérémonies rituelles telle « la danse qui regarde le soleil » des Sioux, pratiquée autour de l’arbre murmurant-axe du monde, qui est une façon d'envoyer leurs vœux au Grand-Esprit (13), ou la danse des Aztèques autour d’un mât, où des danseurs figuraient les points cardinaux, représentant le cycle religieux de 52 ans du calendrier rituel (36). Les danseurs se déplacent en rond, ce qui évoque la circumambulation des derviches tourneurs ou les danses magico-propitiatoires des aborigènes d’Australie, d’Afrique du Sud, et des Papous (39). Toutes ces danses sont la répétition rituelle du cycle du temps et du mouvement autour de l’axe du monde. • Le danseur du rêve peut dévoiler un comportement trop introverti et indiquer la nécessité de participer au cycle vertigineux et invisible de la vie... Le partenaire du bal constituerait uniquement un aspect de l'autre sexe en nous (24).