Devoir de Philosophie

Carlo Carrà

[921]
Formé dans le milieu de la peinture de décoration, d’abord à Valenza Po, puis à Milan, Carlo Carrà fréquenta l’atelier du peintre Cesare Tallone à l’Académie de Brera à partir de 1906, participant ainsi au climat divisionniste ouvert aux suggestions symbolistes. En 1910, l’artiste adhère au futurisme de Tommaso Marinetti, signant le Manifeste des peintres et sculpteurs futuristes. Parmi les œuvres de cette époque, la plus éclatante est celle qui représente Les Funérailles de l’anarchiste Galli, de 1911 (Museum of Modern Art, New York). Un séjour à Paris, en 1912, lui permet d’entrer en contact avec le cubisme, ce qui pousse l’artiste à se concentrer surtout sur les problèmes de la construction des figures et à adopter parfois la technique du collage, utilisée dans le tableau intitulé Manifestation interventiste (coll. Mattioli, Milan). A Ferrare, en 1916, Carrà fait la connaissance de De Chirico et de De Pisis et se rapproche de la peinture métaphysique ; les fruits de cette période stylistique sont La Muse métaphysique, qui fait partie d’une collection privée, et La Chambre enchantée, appartenant à la collection Jesi, à Milan. Son activité de peintre alterne avec celle de critique d’art, qui voit Carrà collaborer avec les revues Valori Plastici et La Ronda et écrire des essais sur Giotto et Paolo Uccello (1916, 1924). 
L’intérêt pour la peinture italienne des origines influence aussi son style, comme le démontrent des peintures telles que Pin sur la mer (1921, coll. privée) et Les filles de Loth (1919, coll. privée). La découverte de la peinture de Cézanne conduit Carrà à de nouvelles expérimentations formelles qui se concrétisent par la nombreuse série de paysages exécutés à partir du milieu des années 1920 (La Crevola, 1924, coll. Jesi, Milan ; Cabanes à la mer, coll. Della Ragione, Florence). S’occupant également de la décoration d’édifices publics, Carrà obtient en 1941 la chaire de peinture de l’Académie de Brera, recevant par la suite de nombreux prix italiens et internationaux.

[821]
Figure de proue du panorama artistique italien, Carlo Carrà commence à peindre en se consacrant surtout à la peinture paysagiste, traitée selon la technique divisionniste et avec quelques éléments empruntés aux paysagistes piémontais du XIXème siècle. Plusieurs vues de villes, peintes par Carlo Carrà peu avant son adhésion au futurisme, révèlent des points communs avec la manière de peindre d’Umberto Boccioni. Sa participation au mouvement futuriste coïncide avec sa rencontre de la peinture cubiste de Picasso et de Braque, qui porte Carrà à s’intéresser aux problèmes de la décomposition des figures et de l’interpénétration des plans jusqu’à flirter avec l’art abstrait dans des œuvres comme la Galerie de Milan de 1912, (coll. privée, Milan). En s’approchant de De Chirico et avec la naissance de l’école métaphysique, le maître entreprend une réappropriation de la peinture primitive qui se concrétise par une simplification formelle progressive qui tend à une plus grande géométrie. Sa production à l’âge mûr est surtout constituée de paysages marins et de natures mortes, fruit d’une méditation personnelle sur la peinture de Cézanne.

[621]
Ce tableau est une des œuvres les plus significatives de Carlo Carrà. La toile, intitulée Pin sur la mer, constitue le chef-d’œuvre de la période au cours de laquelle le peintre s’attacha à faire revivre les valeurs formelles de la peinture du Trecento italien. Peinte en 1921, lorsque l’artiste collaborait à la revue Valori Plastici, cette œuvre précède de peu la monographie consacrée à Giotto et publiée en 1924 par Carrà. Carrà y exprime sa recherche de formes épurées, de simplicité dans la narration, d’un agencement de l’espace clair et intelligible, que l’on retrouve également dans le langage figuratif d’autres artistes italiens contemporains de Carrà adhérant au mouvement du Novecento.

[521]
L'image, plutôt suggestive et légèrement angoissante, représente un coin de paysage de bord de mer. Un pin maritime, aux formes très stylisées, se dresse sur un littoral désert.

Seul le drap mis à sécher au soleil évoque la présence de l’homme.

La maison figurant sur la droite semble silencieuse et sans vie, et portes et fenêtres se présentent comme d’énormes fentes remplies d’obscurité.

Une remise à bateaux s’allonge sur la mer, plongée dans la pénombre par le rocher qui la surplombe.

Le bleu est la tonalité dominante, depuis les teintes foncées et profondes de la mer jusqu’à la nuance plus claire de la maison, au bleu du ciel évoquant les fonds de lapis-lazuli et d’azurite des fresques des XIVe et XVe siècles.

[421]
La composition, simple et essentielle, peut être comparée aux toiles de fond peintes par Giotto et par les peintres italiens du début de la Renaissance. La ligne de l’horizon partage le tableau en deux parties.

La profondeur du champ est donnée par la perspective. La maison s’élève le long d’une diagonale dont le point de fuite correspond à la ligne d’horizon. 

C’est sur ce même point que convergent également la diagonale passant par le profil de l’arbre et la directrice le long de laquelle s’aligne la remise à bateaux, presque parallèle à l’horizon.

La stylisation à laquelle les formes sont soumises intéresse aussi la végétation qui pousse par petites touffes près de la maison, sur le rocher et sur le sable.

[321]
L'inspiration tirée de la peinture du Trecento, et en particulier de celle de Giotto, est évidente dans ce tableau de Carrà, si on le compare par exemple à une des fresques réalisées par le peintre florentin à la chapelle de l’Arena à Padoue.

Carrà s’était également beaucoup intéressé à la peinture de Paolo Uccello, peintre auquel il avait consacré un essai en 1916 et dont il admirait surtout le talent dans l’agencement de la perspective.

L'intérêt de Carrà pour la peinture médiévale s’était déjà révélé dans d’autres œuvres précédant de peu celle intitulée Pin sur la mer, comme celle qui représente Les filles de Loth (collection particulière), datant de 1919, où le processus de simplification auquel est soumise même la figure humaine apparaît avec évidence.

Liens utiles